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Une troisième journée de violences secoue Kinshasa

Pour la troisième journée consécutive, les violences ont repris mercredi à Kinshasa, où la police est intervenue pour disperser de nouveaux rassemblements de jeunes hostiles au président congolais, Joseph Kabila.

Dans l’après-midi, le porte-parole du gouvernement Lambert Mende a cependant déclaré que, malgré « quelques foyers de tension », la situation est redevenue calme dans la turbulente mégapole de dix millions d’habitants. Selon lui, onze personnes, dont un policier et dix pillards, ont été tués depuis lundi dans les troubles et une cinquantaine d’acteurs économiques chinois ont été attaqués. Un bilan qui atteint 28 morts, selon une organisation congolaise de défense des droits de la personne.

Le signal de RFI et de la radio catholique Elikya ont été temporairement coupés « pour avoir donné des informations concernant les manifestations », selon M. Mende. Internet était toujours coupé mercredi, les services 3G et les SMS indisponibles, et la plupart des écoles de Kinshasa étaient fermées, selon des journalistes de l’AFP et des habitants.

Toute la matinée, des affrontements sporadiques se sont poursuivis dans les environs de l’université de Kinshasa, où les étudiants jouaient, en pleine chaleur, au chat et à la souris avec la police, aux cris de « Kabila dégage ». Dans le quartier de Ndjili, proche de l’aéroport international, un poste mobile de police a été détruit par un groupe de jeunes scandant des slogans hostiles au chef de la police de Kinshasa, le général Celestin Kanyama. Là aussi, les policiers tentaient de disperser les groupes de manifestants à coups de grenades lacrymogène.

L’église catholique a réagi à cette spirale de violences. L’archevêque de Kinshasa, Laurent Monsengwo, a appelé les autorités congolaises à ne pas tuer leurs concitoyens. « Nous […] lançons vivement cet appel : arrêtez de tuer votre peuple », écrit l’archevêque, dans un communiqué. « Certains hommes politiques, avec les forces de l’ordre, sèment la désolation et créent l’insécurité générale. »

L’archevêque Monsengwo a condamné le projet de révision de la loi électorale, projet qui a mis le feu aux poudres. « Nous désapprouvons et condamnons toute révision de la loi électorale » qui prolongerait « illégalement les échéances électorales de 2016 », a assuré le cardinal congolais. « Nous appelons notre peuple à rester vigilant pour s’opposer par tous les moyens légaux et pacifiques à toute tentative de modification des lois essentielles au processus électoral », a écrit le prélat, appelant aussi à éviter tout pillage.

Le déclencheur

Les émeutes ont débuté lundi pour protester contre l’examen par le Parlement d’une nouvelle loi électorale controversée, qui pourrait entraîner un report de l’élection présidentielle et permettre ainsi au président Kabila de se maintenir au pouvoir au-delà du terme de son mandat en 2016. Des émeutiers ont incendié mardi une mairie à Kinshasa, et de nombreux pillages ont eu lieu.

Ces événements interviennent deux mois après le renversement du président Blaise Compaoré fin octobre au Burkina Faso. Après 27 ans de règne, M. Compaoré avait été balayé du pouvoir en quelques jours par d’immenses manifestations de rue, après avoir voulu modifier la Constitution pour pouvoir se représenter au scrutin présidentiel.

Immense pays frontalier de neuf autres, la RDC est l’un des plus pauvres du monde. L’ex-Zaïre a été ravagé par deux guerres entre 1996 et 2003 après trois décennies de dictature de Mobutu Sese Seko et de pillages généralisés des richesses nationales.

Joseph Kabila est arrivé à la tête de l’État à la mort de son père, Laurent-Désiré Kabila, chef rebelle qui a chassé le maréchal Mobutu par les armes en 1996 et a été assassiné en janvier 2001. Il a été élu président en 2006 lors des premières élections libres du pays depuis son indépendance de la Belgique en 1960. Il a été réélu en novembre 2011 pour un nouveau mandat de cinq ans à l’issue d’élections contestées par l’opposition et marquées par des irrégularités massives. La Constitution ne lui permet pas de se représenter pour un troisième mandat.

Après la France, l’Union européenne a appelé mercredi au retour au calme et au respect des échéances électorales. Elle a également mis en garde contre un risque de déstabilisation du pays. Le respect des échéances électorales telles que fixées par la Constitution est au centre du débat et l’UE a dit attendre « la publication d’un calendrier électoral complet ».

Le gouvernement a dans un premier temps reconnu que le recensement électoral risquait d’entraîner un report de la présidentielle censée avoir lieu fin 2016. Mais, dans ce qui pourrait être un signe d’apaisement après l’éclatement des troubles, le ministre de l’Intérieur, Évariste Boshab, a affirmé mardi au Sénat qu’il ne s’agissait que d’une ébauche. « Il n’y a pas du tout de conditionnalité » entre la tenue des élections présidentielle et législatives et la réalisation du recensement, a-t-il assuré.

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