Jérusalem et la mystique de l’élection
18 décembre 2017 13:57, par Yann Amar de l’ Ashoa
Un attachement profond à la Bible se retrouve chez presque tous les dirigeants israéliens de la génération de Ben Gourion et de la suivante. La biographie de Menahem Begin, qui revendique à juste titre une part aussi importante dans la fondation d’Israël par son action terroriste à la tête de l’Irgoun, a pour titre : La Bible et le fusil (1976). Moshe Dayan, le héros de la campagne d’annexion de 1967 (guerre de Six Jours), publie un livre intitulé Living with the Bible (1978) pour justifier sa conquête : « Si l’on se considère comme le peuple de la Bible, on devrait aussi posséder les terres de la Bible. »
Et ce n’est pas seulement en parole que le sionisme se révèle imprégné d’histoire et d’idéologie bibliques. Il ne s’agit pas de rhétorique, mais de géopolitique. Comme le remarque Avigail Abarbanel, Israélienne repentie :
« Les sionistes ont suivi à la lettre l’ordre biblique donné à Joshua de pénétrer et de tout prendre. […] Pour un mouvement soi-disant non religieux, c’est extraordinaire comment le sionisme a suivi la Bible de près. »
Le paradoxe n’est qu’apparent, car pour les sionistes, la Bible n’est pas un texte religieux, mais un livre d’histoire ; c’est le passé du peuple juif, et la référence immuable pour son avenir. C’est une référence non pas secrète, mais totalement assumée, proclamée. Il devrait donc être évident qu’on ne peut pas comprendre le comportement de la nation d’Israël sur la scène internationale sans pénétrer au cœur de l’idéologie biblique.
Pour les fondateurs de l’État hébreu, les prophéties bibliques sont un programme, le programme. Et il s’agit d’un programme mondial.
Que ceux qui pensent que la Bible et le sionisme n’ont aucun rapport – qu’il existerait un bon judaïsme biblique et un mauvais judaïsme sioniste – y pensent à deux fois : même la politique de dissuasion nucléaire israélienne porte un nom biblique : l’ « Option Samson ».Laurent Guyénot