Paul Bocuse, l’empereur de la cuisine française, est mort
21 janvier 2018 03:47, par DeuceBonjour,
Je voulais juste apporter une petite contribution, un point de vue de cuisinier vu que je suis chef de cuisine et que la mort de Mr Bocuse est un sujet qui m’a beaucoup touché et beaucoup fait réfléchir.
La facilité avec laquelle l’on compare les cuisiniers a des artistes de nos jours me rend assez perplexe, j’y vois encore une manière de tout mélanger et de rabaisser le travail honnête de certaines personnes qui se donnent énormément pour un métier qu’ils respectent et admirent, mais désolé, ce n’est pas de l’art mais que de l’artisanat...
Les artistes seraient des gens géniaux et les artisans des genres de singes qui pourraient répéter les gestes a l’infini sans y penser, de manière robotique.
La réalité est que la cuisine a mutée d’une certaine manière, et que la plupart des cuisiniers sont encore des artisans, des personnes qui produisent des choses qui vont vous être utiles (la nourriture que vous allez manger), mais qu’une plus petite frange de cuisiniers, inspirés de Bocuse à Gordon Ramsey en passant par Alain Ducasse et le Michelin, peuvent se considérer comme des artistes, car ils offrent a leurs clients une expérience totale, qui ne se limite pas qu’à l’assiette.
Cet art de la cuisine, ou plutôt de la restauration, a été amplifié par un mouvement récent, la gastronomie moléculaire, qui en remettant en cause les base chimiques de la cuisine, a ouvert des portes et inspiré beaucoup de cuisiniers.
Je suis sur que si l’un de vous avait la chance d’aller "diner" chez Heston Blumenthal a 45min de Londres, vous compareriez plus l’expérience à du théâtre, du cinéma ou même un parc à thème qu’à une brasserie ou n’importe quel autre restaurant plus traditionnel. Il vous fait vivre une réelle expérience sensorielle, où la nourriture, bien que divine, est presque secondaire.
En gros ce que j’essaie de dire est qu’il existe en effet des cuisiniers qui sont des artistes aujourd’hui, et il faudrait d’ailleurs peut-être songer à les appeler autrement, mais que la plus part d’entre nous sommes encore des artisans, et que c’est tout a fait respectable. Nous n’avons pas besoin d’être "érigés au rang d’artiste" pour sentir que notre travail, très pénible et très usant, mais tellement gratifiant ; à de la valeur, nous savons qu’il en a.