Le coup de l’antisémite accusé d’être juif est un classique. On en a même fait des films (Luna Park de Pavel Lounguine, par exemple, où l’on révèle à un « skinhead » russe que son vrai père est juif, ce qui finit par le faire rompre avec ses potes et l’oblige à fuir en Sibérie avec ce juif lui aussi convaincu d’être son père ; pourtant, ils découvrent tous deux dans le train qu’il est impossible qu’ils soient père et fils !).
On se rappelle par exemple que certains firent courir le bruit que Drumont était juif. On comprend l’intérêt de la chose : un antisémite est détesté bien sûr des philosémites, et si on fait en sorte qu’il soit détesté aussi des autres antisémites, comment ne sera-t-il pas isolé, donc perdu ?
Accuser publiquement un antisémite d’être juif, c’est donc neutraliser les implications de son discours.
En théorie. Mais en pratique, on dirait bien que ceux qu’on accuse d’être antisémites, ou qui se déclarent antisémites, soient au fond plus préoccupés des actes d’autrui que de ses origines, ce qui limite l’effet du truc.
Dans ce cas précis, pourquoi, présenter ses excuses ?
Les services secrets alliés ont répandu en pleine guerre le bobard que la grand-mère paternelle d’Adolf aurait travaillé comme servante chez les Rothschild (alors qu’elle n’était pas servante, et en plus aurait été obligée de se faire enregisterer si elle était allée à Vienne, qu’habitaient alors les Rothschild d’Autriche, ce qui n’advint pas).
 Nuremberg, les Alliés laissèrent l’ancien gouverneur général de Pologne (et futur pendu) Hans Frank broder une histoire du même type, aussi invraisemblable, Hitler étant cette fois supposé descendre d’un banquier juif appelé « Frankenberger » (inconnu par ailleurs).
Et Élie Wiesel soutint la thèse d’un notable du Congrès juif d’un pays d’Amérique du Nord selon laquelle Hitler descendait des Rothschild (bis repetita placent).
Alors pourquoi la Russie devrait-elle s’excuser de colporter des bobards colportés ou acceptés par tous les autres alliés et vainqueurs de la guerre ?