Conférence de Pierre de Brague à Lyon
3 juillet 2014 09:40, par noelLes origines de Pierre-Joseph Proudhon, né le 15 janvier 1809 à Besançon d’un père garçon brasseur et d’une mère cuisinière, sont, au contraire de celles de Marx et de la plupart des réformateurs sociaux (de Saint-Simon à Lénine), authentiquement plébéiennes.
Placé tout jeune comme bouvier dans la campagne franc-comtoise, Proudhon est admis à dix ans comme boursier au collège royal de Besançon. Il y remporte, malgré des conditions de travail très précaires, tous les prix d’excellence. Obligé, par la nécessité, d’interrompre ses cours en rhétorique, il devient successivement typographe, prote, boursier de l’académie de Besançon (il complète sa formation intellectuelle à Paris, aux Arts et Métiers et au Collège de France), artisan imprimeur ; fondé de pouvoir pendant cinq ans dans une entreprise de navigation fluviale lyonnaise, il acquiert une expérience réelle des mécanismes de l’entreprise et aussi de la bureaucratie. Il pratique ensuite son métier de journaliste-écrivain, qu’il poursuit inlassablement, en compagnie de sa femme, une ouvrière, et de ses enfants , à travers d’incessantes difficultés matérielles, des procès politiques, les révolutions, la députation, la prison (trois ans) et l’exil. Il meurt à cinquante-six ans, le 19 janvier 1865, épuisé par un immense labeur, et laissant une œuvre fleuve qu’il n’aura jamais eu le loisir de résumer (plus de quarante ouvrages représentant près de cinquante volumes, sans compter les articles des trois journaux qu’il a successivement créés).
Dans une œuvre géniale, au foisonnement déconcertant, mais d’une cohérence interne rigoureuse, tous les sujets et les problèmes de l’humanité sont abordés avec un sens surprenant de la projection et de la prospective. « Je sais ce que c’est que la misère, écrit Proudhon. J’y ai vécu. Tout ce que je sais, je le dois au désespoir. » Une telle vie aurait pu faire un aigri. Une formidable santé physique et morale, une prodigieuse intelligence, un tempérament résolument pragmatique en firent un réaliste. Proudhon décide de consacrer sa vie « à l’émancipation de ses frères et compagnons » (lettre à l’académie de Besançon), et, face au monde établi, il se dresse comme « un aventurier de la pensée et de la science ».
Extrait de article de Jean Bancal - Encyclopédie Universalis (2012)