Mikhaïl Khazine, économiste russe : "Nous devons oublier l’Union européenne et les États-Unis"
9 décembre 2014 15:06, par nicolasjaissonIl y a une ambiguïté fondamentale à propos du terme "libéral", qui n’est pas du tout libéral au sens de la liberté de commercer et de prospérer par la libre disposition de ses revenus, mais désigne en fait un système de prédation capitalistique et réglementaire caché sous les oripeaux du libéralisme. En ce sens, je ne suis pas d’accord avec sa double alternative aux Etats-Unis : loin d’avoir sauvé le système américain au profit de l’économie-monde, Obama a sauvé les banques américaines au détriment de l’économie américaine qui a poursuivi sa perte de substance au profit des émergents. Que l’on se rappelle seulement le transfert énorme de capitaux entre l’Occident et l’Asie qui a suivi la crise de 2008 et a achevé la migration de l’outil industriel qui a été artificiellement entretenu par les multiples QE chinois. A ce titre, il faudrait rappeler que le libéralisme chinois contemporain a fait bien pire que les Etats-Unis en matière de création de dettes publiques et privées. Il suffit pour s’en convaincre de comparer la courbe de la création monétaire de la PBOC avec celles de ces homologues occidentaux. Donc le système de prédation ne profite pas plus au peuple américain qu’ils ne profitent aux peuples occidentaux. Le tort de Poutine est d’avoir privé la Russie d’un capitalisme privé qui lui aurait permis de financer ses actifs privés et publics, au lieu d’aller lever de la dette sur les marchés internationaux en dollars ou en euros. Les majors russes se retrouvent sans moyens de financement de leurs investissements, qui plus est dans un contexte d’effondrement du prix des hydrocarbures. La recherche d’un modèle alternatif de concert avec la Chine peut s’effectuer avec la libéralisation des marchés financiers chinois qui sont dotés de tous les instruments de financement d’une économie moderne, y compris les dérivés actions, obligations, etc. La Chine compte même faire mieux dans ce domaine que les Etats-Unis, puisque la capitalisation boursière chinoise devrait doubler d’ici 2020. Elle a déjà dépassé celle du Japon. Par contre l’option socialiste structuraliste basée sur les plans quinquennaux a fait la preuve de son innocuité du temps de l’URSS. Les QE chinois ont produit des quantités de projets d’infrastructures ubuesques non rentables. Il y donc là aussi matière à correction qui passe sans doute par le renoncement au matérialisme historique fondé sur la volonté de puissance.