Cette métaphore de l’état-bateau doit beaucoup à une vision à la fois très ancienne et très moderne : la terre est notre vaisseau spatial. Ainsi les Sumériens voyaient-ils la lune et la terre comme des bateaux flottant dans le cosmos, la terre étant la maison-bateau que les assyriologues ont baptisée le "dieu-bateau".
Le pays, la "cité-état", la portion de terre sur laquelle un dirigeant exerce sa souveraineté est en effet un bateau ou un navire qui se doit d’être à l’image du grand vaisseau : il doit être dirigé conformément aux lois de l’univers, seules garantes de l’équilibre.
Le navire en anglais est un mot féminin : le pronom personnel qui lui correspond est she et non it . Cela permet de mieux comprendre que le capitaine soit le "ship’s husband". A Sumer, rituellement, le souverain épousait la divinité tutélaire de sa cité, réactivant ainsi l’alliance entre les deux dimensions divine et humaine. Cette image de la cité-bateau est encore perceptible dans l’ile de la cité à Paris dont le bord figure la proue d’un bateau. Le cœur de la France est une portion de terre qui figure un bateau.
Dans l’époque et la tempête que nous traversons, le divorce est consommé entre les deux dimensions et aucune colonne vertébrale, aucun axe ne garantit plus la justesse de l’exercice du pouvoir : le navire a perdu son mât et Ulysse n’en finit pas de se noyer après avoir cédé au chant des sirènes.