Le judaïsme : religion ou identité nationale ? – Entretien avec Laurent Guyénot
13 décembre 2020 18:56, par TollandophobeBien des sionistes aimeraient que les juifs soient une nation ; il suffit d’avoir deux yeux pour se rendre compte pourtant qu’il y a des juifs de toutes les races, et donc pas de nation juive. Le Pr Shlomo Sand a rédigé sur ce point un ouvrage connu (Comment le peuple juif fut inventé). Les descendants les plus authentiques des Judéens sont les Palestiniens, les « juifs » étant aujourd’hui les descendants de la diaspora, métissée de tous les peuples parmi lesquels elle s’est installée.
Une religion alors ? Mais il y a des athées qui se disent juifs !
Selon Moïse Mendelsohn (La Jérusalem céleste. Ou : Du Pouvoir religieux et de judaïsme, XVIIIe s.), il faut distinguer la religion juive, qui se résume au monothéisme le plus rigoureux, du judaïsme, qui est une culture.
La culture du judaïsme rabbinique naît du Talmud, et de la cabale qui est polythéiste et selon laquelle les juifs sont des parcelles d’une divinité féminine (Chékina), laquelle a été violée par Satan, être composé des gentils et qu’il convient de distraire pour éviter une « récidive » ; le peuple juif a pour mission de « réparer le monde » (tikkoun olam) car celui-ci fut brisé par ce viol.
Comme le rappelle le Pr Shahak dans un ouvrage (Histoire juive, religion juive : Le Poids de trois millénaires) qui traite des liens entre judaïsme et sionisme, Mendelsohn s’opposait à la cabale, courant déjà devenu majoritaire chez les rabbins. Pour Shahak la victoire rapide de la cabale prouve que les croyances comptent peu dans le judaïsme rabbinque.
Extrait :
Ce qui compte, c’est l’acte rituel lui-même, bien plus que la signification qu’on lui prête ou que la croyance à laquelle on l’associe. De sorte qu’aux époques où une minorité de juifs pratiquants refusaient d’accepter la cabale (comme c’est toujours le cas), on pouvait voir certains juifs, peu nombreux, accomplir un rituel donné en croyant par là adorer Dieu, tandis que les autres faisaient exactement la même chose, mais dans l’intention de rendre Satan propice — mais du moment que l’acte est le même, ils priaient régulièrement ensemble et restaient membres de la même communauté, quelle que fût leur aversion les uns pour les autres. Mais que quelqu’un ose introduire une innovation, par exemple, dans la forme du lavement rituel des mains, et c’est le schisme assuré.
Le judaïsme apparaît donc comme une culture, ou une potentielle « nation » (au sens de Renan seulement).
Pour Hervé Ryssen, le judaïsme est un projet politique.