Egalité et Réconciliation
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L’As des as était français

AteliER
Article initialement publié dans l'atelier E&R

 

« Si l’homme est ingrat, l’humanité est reconnaissante. »

François-René de Chateaubriand

 

Quand approche l’hiver 1916, le soldat des tranchées n’a plus d’espoir. Voilà beau temps que les promesses du départ faites le cœur sur les lèvres et la fleur au fusil sont parties en fumée. Il réalise qu’il s’est trompé, qu’on lui a menti.

La victoire en chantant… tu parles ! Depuis deux ans l’état-major multiplie les erreurs stratégiques. Ses préjugés, son orgueil auront plongé l’armée française dans un bain de sang avant de l’immobiliser sur le front. Les belles paroles n’ont qu’un temps quand les faits demeurent… et les faits, les voici. En 1914 l’armée allemande disposait de 848 pièces d’artillerie lourde. La France n’en possédait que 280. Qu’importe ! se disait-on en haut lieu, en poussant la presse nationale à répandre la nouvelle par tous les échos pour l’implanter dans le cœur de chacun : l’aigle teutonique ne passera pas ! On le clouera au poteau d’exécution dès qu’il aura quitté son nid.

En vérité, on vit bien vite que le mépris du commandement pour la supériorité technique de l’armement allemand n’eut d’égal que celui qu’il portait au troupeau conduit à l’abattoir… Des cibles criardes en pantalon rouge que les mitrailleuses fauchèrent par rangées comme au champ de foire. 100 000 hommes rien qu’en 1914 furent ainsi offerts aux canons en pure perte. Quand la progression de l’ennemi déchira le voile, obligeant ces messieurs de l’arrière à descendre de l’Olympe, Joffre prononça cette phrase mémorable : « Surtout pas d’affolement ! » Traduisons en langage prosaïque : tirez à vue sur tous nos soldats qui voudront battre retraite. Oui, en 1916, le poilu est revenu de ses illusions.

 

 

Le champ d’honneur est devenu un champ d’horreur. Les morts couchent avec les vivants. On reçoit plus facilement son courrier que son ravitaillement. Le superflu avant le nécessaire… On a du tabac pour s’étourdir, de la gnôle pour s’abrutir, mais le plus souvent on part au casse-pipe le ventre creux et les pieds trempés… Plus d’un fantassin donnerait son bras pour une paire de chaussures neuves qui le protégerait du froid, de l’humidité, du pourrissement, de la gangrène.

Dans cet enlisement qui s’éternise, entre deux charges inutiles, la chair à canon s’interroge. Force est de constater que les pertes multiplient les profits, que le sacrifice des uns fait la richesse des autres. C’est à se demander si tout compte fait, les mauvaises appréciations, les décisions stupides, les gâchis renouvelés ne sont pas le fruit de calculs savants. N’est-il pas dans l’intérêt de certains que ce conflit d’une ampleur inégalée dure et perdure ? Cette guerre d’usure pourrait bien porter son nom… Tandis que des nations sont jetées les unes contre les autres, que des peuples sont broyés dans la cuve, des empires s’élèvent. La guerre mondiale c’est la pierre philosophale des marchands d’armes. Cet âge de fer pour les troupes et les civils bombardés, c’est un âge d’or pour les fabricants de mort. Ne parlons pas des financiers. Pour maintenir leur domination matérielle sur le terrain, les belligérants comme les industriels doivent non seulement saigner les populations – qui payent sur tous les fronts – par des emprunts nationaux, mais encore signer une alliance avec la Banque.

Oui, en 1916, le soldat n’a plus d’espoir. Mais la France est un phœnix, elle renaît toujours de ses cendres. Cette patrie chrétienne ressuscite quand elle se meurt. Il suffit pour cela d’une étincelle, qu’une lueur venue du sommet embrase le corps, le réveille de sa torpeur. La tête courbée du poilu se relève quand il entend ce bruit, bientôt familier, là-haut dans le ciel. Il suffit qu’il reconnaisse la cocarde tricolore pour que son regard brille à nouveau. L’état-major est bien obligé de le constater.

Ce qu’il méprisait hier va peut-être changer le cours de la guerre. Ces aviateurs, gens d’aventure, amateurs de prouesses et de gloire, pourraient arracher l’armée à son défaitisme, à cette boue qui semble l’avoir engluée corps et âme. Il faudrait vraiment avoir la mémoire courte pour ne pas se rappeler quel accueil leur fut pourtant réservé à l’entrée du conflit : la guerre c’est sérieux, mon petit Monsieur ! On n’est pas là pour faire mumuse avec des jouets en bois qui s’écrasent une fois sur deux ! À la guerre, il faut des résultats ! À la guerre, il faut avoir les pieds sur terre ! C’est d’ailleurs sur ce ton qu’on renvoya sèchement Monsieur Fokker, inventeur et ingénieur hollandais, quand il vint offrir ses services à l’armée française. Bon vent et bonjour chez vous ! Qu’à cela ne tienne ! Monsieur Fokker – persévérant – tourna ses talons et dirigea ses pas de l’autre côté de la frontière, en territoire germanique.

Il y fut autrement reçu. Avec un tapis rouge. Soyez le bienvenu… signez ici. Cette bienveillance, – osons le dire – cette lucidité permit à l’Allemagne de conserver jusqu’en 1916 la maîtrise du ciel. Les avions Fokker étaient de loin les plus performants, les plus rapides, les plus solides, les plus maniables. De même quand Monsieur Roland Garros voulut présenter son prototype de mitrailleuse avant, permettant de régler la cadence de tir sur la rotation de l’hélice et de révolutionner ainsi l’art du combat aérien, il fut également prié de ne pas faire perdre leur temps aux gens de métier avec ses chimères. Nul n’est prophète en son pays. Affecté à la MS26, il retourna au front. Début avril 1915, son dispositif de tir adapté sur un Morane-Saulnier type L « Parasol » lui permit d’obtenir trois victoires consécutives, qui ont la singularité d’être remportées par un homme seul aux commandes d’un monoplace. Malgrè cet exploit, les autorités militaires françaises continuèrent à ignorer l’efficacité de cette technique.

 

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Roland Garros

 

Hélas, touché au cours de son dernier affrontement, Roland Garros fut contraint de se poser en territoire ennemi. Son dangereux appareil fut aussitôt soumis à l’étude. Et Fokker – encore lui – ne tarda pas à mettre à profit son invention. Il en équipa tous ses avions. Les nôtres tombèrent comme des mouches. Malheureusement, Roland Garros n’était plus là pour réparer les dégâts, corriger le tir… Il demeura prisonnier jusqu’à l’heure de son évasion : en février 1918. Ce n’est qu’au moment où un Albatros (chasseur allemand) fut touché et se posa sur nos lignes, qu’on put reprendre l’avantage, en copiant son système de tir… Il n’est jamais trop tard pour bien faire…

Toute une génération de pilotes put alors bénéficier de cette découverte et se battre à armes égales. Dans cette apocalypse couleur de plomb, l’antique chevalerie – celle que l’on croyait morte et enterrée à Waterloo – est montée au ciel. Des deux bords des tranchées, on tend l’oreille pour apercevoir ces gladiateurs, on suit avec fébrilité l’actualité des combats aériens. Quand un pilote tombe dans le no man’s land, toute une armée de compatriotes est en deuil, abattue ; au contraire quand l’un de ces demi-dieux revendique une victoire de plus, qu’il arbore sur son fuselage un nouveau trophée à son palmarès, on se sent pousser des ailes… On est prêt à enfoncer les rangs, à rompre les lignes ennemies.

Il n’est pas interdit de penser que si la France fut victorieuse ce n’est pas seulement grâce au soutien des forces américaines, ni même grâce à ces lourdes machines que sont les chars et dont on nous a tant vanté les mérites, mais également parce que des héros authentiques relevèrent les couleurs du drapeau et avec elles le moral des troupes pour les hisser dans la lumière du soleil.

 

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René Fonck

 

Mais hélas l’histoire officielle est aussi partielle qu’ingrate. Qui se souvient aujourd’hui de René Fonck ? Porte-drapeau de l’aviation française lors des solennités du 14 juillet 1919, René Fonck meurt le 18 juin 1953 dans la plus grande indifférence. Une poignée de fidèles seulement est présente à son enterrement. Au lendemain de son décès, Le Figaro lui consacre un entrefilet, tandis que la une fait l’honneur à un alpiniste américain. Il est vrai que la modeste figure de René Fonck ne semblait pas faite pour inspirer les trompettes de la renommée. Ce Vosgien venait de la base. Il monta lentement les degrés, avec la patience et la persévérance d’un alpiniste accompli. Après avoir perdu son père de bonne heure, René entra en 1907 comme apprenti dans l’usine de tissage Geliot Gillotin. Il alla ensuite apprendre la serrurerie chez l’un de ses oncles, maréchal-ferrant. C’est à époque que l’adolescent – il a quinze ans – se prit de passion pour la mécanique. Il revint dans son village et trouva un emploi d’apprenti mécanicien. Il se forma par lui-même, après le travail à l’usine. Il aimait le calcul, l’arithmétique, la géométrie.

Appelé sous les drapeaux le 22 août 1914, il fut versé au 11e régiment du génie d’Épinal, où il fit ses classes, avant de rejoindre l’aviation en 1915, à l’école Caudron du Crotoy. Il entame ensuite sa carrière dans l’aéronautique en tant que pilote d’une escadrille d’observation, la C 47, basée à Corcieux. La suite est une continuelle progression vers les sommets.

Si en bas l’état-major – comme nous le disions – gaspille les forces, sacrifie les rangs, si l’on s’enterre vivant sous un déluge d’obus, tout au contraire, Fonck dans les airs fait preuve d’une précision diabolique. Il économise le temps et les munitions avec un sang-froid qui forge sa réputation. Il choisit ses proies. Il les sent depuis la terre ferme. Là-haut, il les guette avec l’œil de l’aigle. Il avance avec le soleil dans le dos et fond sur l’ennemi sans que celui-ci ne puisse le voir venir. Quelques balles suffisent. Il ne vise pas la machine, que le pilote.

« En une heure, sur son Spad, Fonck trouva le moyen de remporter une sextuple victoire : il abattit deux monoplaces et quatre biplaces ! Il a résumé en un jour les principes de la tactique aérienne qu’il a si bien pratiquée : instantanéité, souplesse et coup d’œil, voilà les trois qualités primordiales qui distinguent le vrai chasseur. L’instantanéité qui lui permet d’exécuter à une vitesse vertigineuse la manœuvre exacte au moment voulu. La souplesse qui lui facilite l’exécution de cette manœuvre. Le coup d’œil qui lui donne les corrections de visée. De ces corrections, la vitesse de l’avion qui poursuit et celle de l’appareil pourchassé sont les facteurs. La chasse aérienne est un sport très dur. Obligeant à voler très haut, elle fatigue beaucoup les organes et force celui qui s’y livre à suivre un régime très sévère. II faut proscrire les boissons alcooliques, ne boire que modérément du vin, ne faire aucun excès, se maintenir toujours dans une forme parfaite, les poumons doivent être en bon état, les muscles solides, les nerfs bien équilibrés. Il faut, en un mot, avoir une complète santé morale et physique.

Faisons notre profit de ces conseils, et gardons pieusement dans notre mémoire les noms de ces jeunes hommes qui les ont mis en pratique d’une façon si belle, de ces rois de l’air qui ont tant fait pour notre France et pour sa gloire aérienne. »

Georges Guynemer
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Manfred von Richthofen

 

On considère à tort que l’as des as était allemand, qu’il se nommait Manfred von Richthofen, dit le Baron rouge. Ce pilote d’exception en effet comptabilisa 80 victoires homologuées à son actif, avant de périr dans des circonstances mystérieuses. Loin de chercher à diminuer le mérite d’un tel aviateur – considéré d’ailleurs avec le plus grand respect par ses adversaires –, nous devons rendre la place qui lui est due à la Cigogne blanche. On estime aujourd’hui que René Fonck abattit à lui seul entre 125 et 145 appareils ennemis. Chose plus incroyable encore, il sortit de la guerre sans une égratignure. Aucun des avions qu’il pilota ne fut jamais touché par la moindre balle. Il tirait le premier, faisait mouche et disparaissait dans les nuages. Pourquoi un tel mépris ? Pourquoi une telle indifférence ? Aucun monument, aucune rue, aucune place ne porte son nom… René Fonck n’eut qu’un tort : il demeura fidèle à celui qui fut le seul, au sein de l’état-major, à miser en 1914 sur l’avenir de l’aviation. Cet homme se nommait Philippe Pétain.

En vérité, René Fonck ne cessa jamais d’incarner la probité, l’intégrité, la grandeur française. Les résistants de la dernière heure lui en tirent rigueur. Accusé de collaboration, il fut arrêté en septembre 1944, interné à la Santé et – sur l’intervention d’Edgar Pisani – libéré seulement à la fin de l’année, sans charge à son encontre. Son « certificat de participation » à la Résistance, qu’il se verra décerner le 28 septembre 1948 par le commandant Sautereau, chef du réseau Rafale, porte la mention : « Monsieur Fonck, René, membre sans uniforme des forces françaises combattantes, a participé en territoire occupé par l’ennemi, aux glorieux combats pour la libération de la patrie. »

« Ne croyez point ceux qui vous diront que la jeunesse est faite pour le plaisir, elle est faite pour l’héroïsme. Ne croyez point que vous serez diminué, vous serez au contraire, merveilleusement augmenté. C’est par la vertu que l’on est un homme. »

Paul Claudel
 
 






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62 Commentaires

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  • #1240698
    Le 3 août 2015 à 14:58 par BillyBob
    L’As des as était français

    Alors je suis impressionné du niveau de connaissances de certains sur les as et l’aviation en général.

    Le débat sur l’As des As peut durer en effet des journées entières et se révèle passionnant. Je me permettrais d’ajouter (je n’ai pas assez de connaissances sur la théorie militaire pour vraiment argumenter) qu’il est bien possible qu’une des raisons de la suprématie des pilotes allemands est en effet aussi a chercher du coté de l’individualisme laissé aux hommes par leurs supérieurs et surtout leur capacité d’initiative et ceci est quelque chose de tout a fait prussien. Est ce que ce sont les prussiens qui ont inventé et popularisé ceci ? Je le pense. Ainsi cela se retrouvait aussi dans l’aviation.

    En tout cas en dehors des biographies, mémoires, récits je conseille aux profanes de regarder sur ioutube les entretiens de Clostermann (et de lire ses bouquins). Les passages ou ils parlent des aviateurs allemands sont très intéressants. Il est interessant de voir comment Clostermann avait ete credité de plus de 30 victoires pendant la guerre et par la suite (peut etre parce qu’il etait trop pote avec Rudel, Galland et Sakai,) ceci fut contesté. Je pense qu’il est le Fonck de la deuxième GM. 

    Petite remarque sur Rudel, on peut le mettre dans la catégorie d’As parce qu’il a effectivement descendu 7 avions je crois, mais pas vraiment dans l’As des As. Il appartient a la catégorie des "extra-terrestres"... on parlait de 100 missions de combat en moyenne pour les forces Alliees ... il en avait 2500 ... et ce sur un Stuka, completement périmé a l’époque. Je précise, qu’il avait perdu une partie de sa jambre droite en 43 ou 44. Il a egalement atterri plusieurs fois derrières les lignes ennemies afin de sauver des equipages abattus...
    Si vous voulez vous marrer, lisez cet article humoristique sur Rudel (en Anglais). C’est très bien vu.
    http://www.badassoftheweek.com/rudel.html

    Mais tout ceci apporte de la lumière sur la propagande. Richthofen fut connu puisqu’il ecrivit son ouvrage avant la fin de la guerre. Edmund Hillary juste après la Bataille d’Angleterre. Marseille, mon préféré, était constamment la tête d’affiche de Der Adler (apres que Molders se soit tué).

    Autres bouquins que je conseille :
    - Samourai de Saburo Sakai. As de l’aeronavale Japonaise.
    - I was a Kamikaze du francophile Nagatsuka.
    - I flew for the F__rer, Heinz Knoke (il a inventé le bombardement de bombardiers).

     

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    • #1240746
      Le Août 2015 à 17:14 par 3888
      L’As des as était français

      BillyBoy,

      Les réponses d’Andrée à Geki me semblent faire le tour de la question sur ce prétendu individualisme prussien (ou germanique, teutonique... ).

      Ne me tenez pas rigueur de mépriser l’ humour de la basse-presse anglo-saxonne, laquelle sait être méprisable. Je m’abstiens de la consulter. Hans-Ulrich Rudel ne fut pas un as de l’aviation de chasse, mais un as de l’aviation de bombardement. Son palmarès fut le plus prodigieux de l’histoire, sans rival aucun. Être abattu n’est pas une honte : Guynemer et Marseille (celui-ci deux fois, par un même pilote, le français James Denis, à bord d’un banal Hurricane Mark Ⅰ) le furent aussi, pas qu’une seule fois, et pourtant pilotaient des chasseurs, non un bombardier, comme Rudel. Amputé, ce qui eût pu l’anéantir, Rudel se montra impavide et exigea de retourner au combat. Nous qui sommes désemparés par des riens devons regarder un tel héroïsme avec un respect sans bornes.

      Clostermann pilotait au sein de la R.A.F. mais était un pilote français. On lui compta 33 victoires selon les normes de notre armée de l’Air en 39-45. Lors de la première guerre contre l’Irak (1991), Clostermann, élu gaulliste de renom, s’opposa à l’intervention. Il fut alors attaqué par la presse de caniveau des pays anglo-saxons, celle dont l’humour vous réjouit. On mit en cause son palmarès : comptées selon la R.A.F., ses 33 victoires devenaient 23 (voir ma réponse à Geki pour l’explication). Il ne s’agissait que de chicaneries de bellicistes de salles de rédac’.

       
    • #1241684
      Le Août 2015 à 18:06 par Andrée
      L’As des as était français

      @ BillyBob

      On ne peut déjà pas dire que l’individualisme soit un trait dominant de l’esprit allemand. Mais de l’esprit prussien, encore moins !
      Sans me livrer à des généralités, je rappelle que le modèle militaire prussien (infanterie surtout) repose d’abord sur la discipline et qu’au XVIIIe siècle on faisait respecter celle-ci à coups de plat de sabre (ce n’est pas une invention de Stanley Kubrick ;)). Or ce qui pouvait nous choquer, car contraire à l’honneur français, était considéré par les Prussiens comme naturel pour le fonctionnement du groupe : l’acceptation de la contrainte, en évitant de s’exposer à la sanction, garantit la cohésion à tous les étages. La contrepartie qui en résulte, dans un modèle aristocratique, c’est la confiance que pose la base dans son chef, qui doit avoir certaines qualités. En temps normal, un tel système - très hiérarchisé et où le souci de l’organisation confine à l’obsession - s’avère déjà d’une efficacité redoutable. Si le chef est exceptionnel (comme Rommel), eh bien le résultat est à la hauteur et quasiment rien ne l’arrête, surtout si les soldats sont portés par cette conviction.

      Dans son Histoire de l’armée allemande Jacques Benoist-Méchin explique comment celle-ci, constituée autour du noyau prussien, a su s’adapter en parvenant à assimiler des apports extérieurs - notamment français - dans le respect de son équilibre et de sa culture propres. Napoléon fut donc un modèle. Je ne sais plus au cours de quel affrontement celui-ci, voyant manœuvrer les bataillons prussiens, s’était exclamé : « Les bougres, ils ont tout appris de moi, et plus vite que je ne le pensais ! ». Il est du reste intéressant de voir à quel point Napoléon était demeuré l’objet d’une grande admiration de la part de beaucoup d’Allemands (de Hitler à Rommel et jusqu’à l’officier lambda), presque équivalent à Frédéric le Grand qui était lui-même, en son temps, venu à bout d’une coalition austro-franco-russe (tout seul, car on ne peut pas dire que les Anglais, piètres fantassins pour le coup, lui aient été d’une grande utilité).

      Si le modèle prussien s’est imposé naturellement par ses qualités et du fait de l’unification allemande autour de la Prusse, sa domination se reflétait surtout dans la composition des grands cadres de l’armée qui était un pilier de l’État allemand. Hitler a donc hérité d’un haut appareil militaire très prussien et aristocratique (Brauchitsch, Rundstedt, Guderian, Manstein etc., généraux de père en fils). [1/2]

       
    • #1241685
      Le Août 2015 à 18:08 par Andrée
      L’As des as était français

      [suite@Billy]

      Ce facteur historique et systémique était garant du maintien d’une culture militaire d’élite. Mais je ne pense pas que l’on puisse tout attribuer à ce fait. Dans tout système, la valeur réside toujours, d’abord, dans les hommes. Il se trouve que parmi eux, il y avait des Rommel, Guderian, Manstein (ou un Wolfram von Richthofen pour la Luftwaffe, neveu du Baron rouge et plus jeune maréchal de l’histoire militaire allemande) qui n’avaient pas oublié les vertus de l’offensive appuyée sur la surprise, la concentration des efforts, la rapidité d’exploitation, etc. La chaîne de commandement fonctionnant d’autant mieux que ces chefs étaient sur le terrain H24, leur valeur se répercutait sur tous leurs hommes, des officiers supérieurs et subalternes à la base, en exaltant leurs capacités.

      Aussi la propagande ne fait-elle qu’exploiter une situation. Elle ne la crée pas. La soif de revanche qui animait la jeunesse du Reich s’explique autant par la phase de dépression dont elle était issue (en étant l’expression d’une vitalité) que par une culture particulière où la conscience de la valeur de l’individu n’est jamais aussi forte que lorsqu’elle sert le groupe. Ces deux facteurs (individuel-collectif) sont si étroitement liés dans la mentalité allemande qu’on ne sait lequel des deux prime en fait. La propagande joua conjointement sur les deux pour illustrer à travers eux l’esprit du peuple. D’où d’un côté l’exaltation, par Der Adler, d’un Werner Mölders, tacticien de génie et chef respecté, et de l’autre celle d’un Hans-Joachim Marseille dont les exploits sensationnels ne pouvaient que faire rêver la jeunesse. Il fallait bien susciter des vocations, à ce moment (1942) où l’Allemagne se retrouvait à affronter un ennemi supérieur en nombre !

      Pour autant (et même si j’aime aussi beaucoup Marseille) je maintiens que son côté "chien fou" ne correspondait pas aux standards de son arme. D’ailleurs je m’étais trompée l’autre fois, ayant écrit de mémoire. Il est certes devenu le plus jeune capitaine de la Luftwaffe juste avant sa mort, mais sa fonction était Staffelkapitän (commandant une escadrille donc, non un groupe). Avec le même type de palmarès (contre des avions RAF et USAAF), un Egon Mayer, qui a servi toute la guerre dans la JG2 "Richthofen" dont il est devenu le premier as et le Kommodore, correspond davantage à ces standards : tacticien chevronné et patient (contre les P-47 et les B-17, où il détient un record) et grand meneur d’hommes.

       
  • #1240700
    Le 3 août 2015 à 15:01 par Tatal
    L’As des as était français

    Quelles sont les sources ?

     

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    • #1245138
      Le Août 2015 à 23:14 par E.Gautier
      L’As des as était français

      Bonjour,
      j’ai lu et détiens toujours le livre suivant :
      http://www.amazon.fr/Ren%C3%A9-Fonc...
      A présent épuisé, c’est une mine de renseignements sur l’homme et son éviction d’une célébrité qu’il méritait au plus haut point !
      Cet article a toute sa place sur E&R pour les raisons que l’on sait...

       
  • #1240706
    Le 3 août 2015 à 15:25 par Curtis Newton
    L’As des as était français

    Bonjour, Rêne Fonck, l as des as, un oublie parmi tant d autres juste par convictions patriotique et de son glorieux passe. Pour info, rendez-vous rue du cirque (célèbre rue à côté de l élysée) Fonck y avait un bel appartement, une plaque commémorative y est apposée.
    Je tiens egalement a signaler a E&R qu il serait temps de faire un reportage sur les nombreux vols de plaques de bronze des monuments de la grande guerre en Meuse, Lorraine,.... Personne n’en parle, c est désolant. Ce sont des profanations, comme pour les cimetières,...ou autres lieux ou les Hommes ont souffert. Parmi ces lieux, celui des Eparges, le Bois le prêtre, la Voie Sacrée tant de lieux pillés par des nuisibles avides de bronze et de cuivre.Merci E&R si possible.

     

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  • #1240723
    Le 3 août 2015 à 16:11 par Heureux qui, comme Ulysse...
    L’As des as était français

    Mais tous n’ont pas oublié, les Fonck, Guynemer et quelques autres étaient de cette véritable aristocratie qui ont fait l’excellence française... mais la "république" aura choisi de glorifier Saint Ex’, curieux non ? Ou pas...

     

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  • #1240780
    Le 3 août 2015 à 18:35 par stef
    L’As des as était français

    Dans cette apocalypse couleur de plomb, l’antique chevalerie – celle que l’on croyait morte et enterrée à Waterloo

    Azincourt plutot non ?

     

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  • #1240813
    Le 3 août 2015 à 19:49 par tonio ferdine
    L’As des as était français

    et pendant ce temps là flamby va se recueillir sur la tombe de ferry qui considérais que les noirs et rebeus étaient une race inférieure : ces mêmes renois et rebeus qui, en masse, votent pour le Ps a chaque élection : ont finirais par croire que ferry avais raison vu le manque total de connaissance de l’histoire (gauche collabo, collonialiste algérie etc)...

     

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  • #1240847
    Le 3 août 2015 à 21:01 par Webuhlan
    L’As des as était français

    Achtung !
    Manfred Von Richthofen est et reste bien l’as des as de la Première Guerre mondiale car il a 80 victoires homologuées, René Fonck n’en a que 75.
    L’aviation allemande, comme le reste des autres formations militaires de la "Grande Guerre" (sauf la Belgique) refusait catégoriquement de répertorier les victoires non-homologuées (= c’est-à-dire un avion que le pilote réclamait comme abattu mais sans pouvoir y apporter la moindre preuve ni le moindre témoignage). Si on commence à additionner les VH (victoires homologuées) et les VnH, on se met à ouvrir une course à la spéculation et donc ... au n’importe-quoi !

     

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    • #1241194
      Le Août 2015 à 16:26 par 3888
      L’As des as était français

      Vous avez entièrement raison.

      Remarquons qu’en 1918 (von Richtofen fut abattu, si ma mémoire est bonne, le 21 avril 1918) la supériorité numérique alliée faisait que la plupart des combats se déroulaient au-dessus des positions allemandes ou de leurs lignes de communication, de sorte que les avions abattus tombaient le plus souvent en territoire tenu par l’armée allemande, donc prouver une victoire était bien plus facile aux pilotes allemands qu’aux pilotes alliés.

      On pourrait aussi se fier à la parole de Fonck, et en comptant aussi les victoires non prouvées von Richtofen en avait en tout 83 et Fonck 127.

      Et pourtant, je le répète, c’est votre conclusion que je tiens pour la bonne : si on compte les victoires revendiquées mais non prouvées, on arrive à des résultats pas toujours mais souvent aberrants.

       
  • #1240949
    Le 4 août 2015 à 01:26 par folix
    L’As des as était français

    Les cocardes du dessin sont les cocardes anglaises... mais peut-être que lors de la Grande Guerre les deux modèles (bleu-blanc-rouge et rouge-blanc-bleu) n’étaient pas encore clairement répartis entre nous et les Anglais ?

     

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    • #1241186
      Le Août 2015 à 16:10 par 3888
      L’As des as était français

      L’avion au premier plan est un Spad XⅢ français, avec le camouflage français de 1918, et, vous avez raison, il porte les cocardes anglaises, avec le bleu autour et le rouge au milieu, à l’inverse des cocardes françaises.

      Son code d’identification aussi est anglais. La France vendit des avions, y compris des Spad XⅢ, au Royaume-Uni. Cette décoration correspond à un avion qui exista bel et bien.

      La France et le Royaume-Uni avaient déjà en 1914 fixé la forme précise de leurs cocardes.

      C’est à bord de chasseurs Spad (Spad Ⅶ, un temps Spad Ⅻ, Spad XⅢ et Spad XⅦ) que Fonck remporta la plupart de ses victoires. L’excellent Spad XⅢ fut celui qui lui apporta ses plus grands succès, celui à bord duquel il obtint ses deux sextuples en mai puis en septembre 1918 (six avions en une journée ). Il se distinguait alors du dessin d’illustration par ses marques de nationalité, d’escadrille et d’identification personnelle. Trois de mes messages comportant des liens ayant été refusés sur cette page, je me contenterai de vous inciter à demander "Fonck Spad 13" à votre moteur de recherches pour avoir une image exacte de cet avion, ou de vous conseiller les photos choisies par É&R.

       
  • #1244092
    Le 10 août 2015 à 02:36 par Hebe
    L’As des as était français

    « Ausun monument... ne porte son nom »
    Ah si, il y a une avenue René Fonk aux Lilas. Ailleurs je sais pas, mais là j’affirme !

     

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  • #1244400
    Le 10 août 2015 à 19:31 par bourdieusien
    L’As des as était français

    Super papier, bravo ! (Bien plus interressant que la vie du PAF)

    Et bravo au comentateurs : leurs connaissance de cette séquence est impressionnante...

    Et pour finir une interrogation .... René Fonck aurait il inspiré le Fonk ?? (facile je sais)

     

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