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Des médicaments du Nord testés dans les pays du Sud : la dangereuse délocalisation des essais cliniques

Économies, gain de temps... Les fabricants de médicaments délocalisent toujours plus leurs tests vers des pays pauvres. Certaines pratiques sont problématiques, estime l’organisation Public Eye. En Égypte, les deux géants suisses Roche et Novartis représentent à eux deux près de la moitié des essais qui s’y déroulent.

 

Impossible d’envisager la commercialisation d’un médicament sans l’avoir testé chez l’homme au préalable. Historiquement réalisés dans les pays occidentaux, les essais cliniques sont toutefois de plus en plus délocalisés dans des pays aux revenus plus modestes tels que l’Égypte, l’Inde ou l’Ukraine.

Observé depuis plusieurs années, le phénomène a récemment fait l’objet d’une conférence organisée à Genève par l’organisation Public Eye (ex-Déclaration de Berne), afin de faire la lumière sur cette pratique et notamment sur les questions éthiques qu’elle soulève.

Mener des essais cliniques à l’étranger ? Les pharmas ont commencé à y songer au début des années 2000, notamment dans l’espoir de se positionner dans de nouveaux marchés en pleine croissance. Novartis, Roche, Sanofi, Merck… les plus grands industriels ont ouvert des bureaux dans les pays du Sud afin d’y lancer de grandes études précédant une éventuelle commercialisation de leurs futurs produits. En 2000, à peine 10% des essais de médicaments étaient réalisés dans les pays du Sud, contre environ 40% aujourd’hui, estime Public Eye.

 

Participer à un essai, un moyen de survivre

Pour ces laboratoires ou pour leurs sous-traitants, les avantages sont nombreux. Ils s’implantent à moindre coût dans des pays très peuplés qui leur assurent un accès à une immense réserve de malades potentiels, le tout dans un cadre réglementaire moins contraignant – lorsqu’il existe. Ce ne sont pas les plus pauvres qui sont visés, mais plutôt des pays dont le niveau de vie s’améliore. La raison : « Ils se dotent d’hôpitaux et d’universités qui intéressent les industriels, sans oublier que les gens qui y vivent contractent peu à peu des maladies chroniques que nous connaissons bien ici : diabète, maladies cardiovasculaires, etc. qui requièrent des traitements longs, onéreux, et donc très lucratifs pour ces entreprises », détaille Patrick Durisch, qui a mené une étude approfondie sur le sujet pour Public Eye.

Un tel changement de pratique pose des questions éthiques. Venu à Genève, Ayman Sabae, spécialiste en santé publique et membre de l’ONG Egyptian Initiative for Personal Rights, s’est alarmé de la situation de son pays. « L’Égypte constitue un terreau fertile pour les essais cliniques. Il y a beaucoup d’universités et d’hôpitaux, une population nombreuse, les coûts en ressources humaines sont dérisoires et la législation très souple. » Mais avec 73% des soins payés directement de la poche des patients, bien peu d’Égyptiens peuvent se payer des traitements coûteux lorsqu’ils sont gravement malades. « 54% des Égyptiens disent avoir une assurance maladie, mais elles sont tellement inutiles que seuls 8% parmi eux s’en servent réellement », regrette Ayman Sabae. Si bien qu’une grande partie de la population voit les essais cliniques comme un moyen, parfois le seul, de se faire soigner.

 

 

Ce phénomène se vérifie d’ailleurs dans le type d’études réalisées en Égypte, où plus de 70% sont des essais dits de phase III : des tests coûteux qui s’adressent à de larges panels de patients malades. En filigrane de cette statistique apparaît le marché implicitement conclu entre les deux parties. D’un côté l’Égypte, qui accueille à bras ouverts les labos étrangers et permet ainsi à sa population malade d’espérer un traitement normalement hors de portée. De l’autre les industriels profitent du manquement de procédures de validation éthique des protocoles expérimentaux pour gagner un temps précieux. « À partir de la découverte de la molécule et du dépôt de brevet, c’est une course contre la montre qui s’engage, explique Patrick Durisch. Un brevet est valable durant vingt ans. Plus ils peuvent commercialiser leur produit tôt, plus les labos en tireront du profit avant que la concurrence ne sorte des génériques. »

 

Pas de commercialisation dans le pays

Le bénéfice des patients, lui, semble totalement relégué aux oubliettes. « Promouvoir les essais cliniques pour faciliter l’accès à des médicaments n’est pas éthique : non seulement le participant peut tomber sur un placebo, mais de plus, il peut subir de graves effets secondaires », déplore Ayman Sabae.

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