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L’Argentine desserre l’étreinte étasunienne

La visite de la présidente argentine à Pékin marque une nouvelle étape dans le processus d’émancipation politique du pays. L’intervention déterminée et vigoureuse de Cristina Kirchner contre les atteintes à la souveraineté de l’Argentine devant l’Assemblée générale des Nations unies en octobre 2014 avait déjà marqué un tournant.

Cristina Kirchner avait en effet dénoncé l’intervention de la justice étasunienne, qui bouleversait un plan de restructuration de la dette souveraine argentine longuement préparé, qui avait reçu l’aval de toutes les banques concernées sauf une, un fonds de placement new-yorkais qui ne détenait que 1 % de cette dette. La justice américaine (le juge GRIESA) avait décidé que ce fonds devait recevoir l’intégralité des sommes dues mais surtout, mesure évidemment attentatoire à la souveraineté de l’Argentine, que, si ce règlement n’était pas effectué, la totalité du plan de restructuration de la dette était bloqué.

Il faut souligner : 1. que les dettes en question étaient toutes des remboursements d’emprunts contractés par l’Argentine avant l’arrivée au pouvoir de Nestor Kirchner et ensuite de son épouse Cristina ; 2. que les autres créanciers avaient accepté de renoncer à 50 % de leurs créances vieilles de 30 ans pour certaines.

Bel exemple d’impérialisme judiciaire et financier : le Capital étasunien est chez lui partout et la signature d’un gouvernement et de grandes banques internationales ne pèsent rien face à la décision d’un juge new-yorkais actionné par le gérant d’un « fonds vautour », selon l’expression aujourd’hui en vigueur.

La présidente argentine s’en était également prise à ceux qui reprochaient à son gouvernement d’avoir signé avec l’Iran un « mémorandum d’intention » pour conjuguer les efforts des deux États dans la recherche de la vérité sur les deux attentats « anti-israéliens » perpétrés en Argentine, le premier contre l’ambassade d’Israël le 17 mars 1992 (29 morts), le second le 18 Juillet 1994 contre les locaux de l’AMIA (association culturelle de la communauté juive d’Argentine – la plus nombreuse de toute l’Amérique latine –, 85 morts).

Ces attentats immédiatement attribués sans preuves à l’Iran et dont l’Iran a toujours nié la responsabilité n’ont toujours pas été élucidés et en signant le « mémorandum d’intention », l’Argentine ne faisait rien d’autre que d’accorder à l’accusé un droit à la défense. La réaction impériale à cette décision fut, on l’imagine, très vive puisqu’elle remettait en cause, vingt ans après les faits, la version officielle jamais démontrée mais entérinée par tout l’appareil de propagande « occidental ». Devant la même assemblée générale des Nations unies, Cristina Kirchner avait défendu son choix et avait fait état de menaces de mort la concernant personnellement.

Elle avait continué à avancer dans sa recherche de la vérité et avait franchi une étape décisive en mettant un terme à la carrière du patron des services de renseignement argentin, M. Antonio Stiusso, en poste depuis quarante ans. Ce personnage, mis en place par le régime péroniste, avait réussi à traverser la période de la dictature militaire et à demeurer à son poste ensuite. Beaucoup d’Argentins considéraient que cette « solidité au poste » ne pouvait s’expliquer que par un soutien constant de Washington et ses méthodes étaient souvent qualifiées de « gestapistes ». Le procureur Nisman, en charge du dossier « iranien », retrouvé « suicidé » ces derniers jours et qui s’apprêtait à confirmer la « piste iranienne » sur les attentats anti-israéliens, était soutenu dans son enquête par M. Stiusso, dont il était de longue date un proche.

Autant dire que l’étoile de Cristina Kirchner avait beaucoup pali aux États-Unis et dans le reste de l’Occident. Elle en avait évidemment conscience et avait réorienté sa politique en conséquence. Cette réorientation vient de prendre un tour très concret dans sa visite officielle à Pékin, où elle vient d’être reçue par le président chinois. Ce n’est pas à proprement parler un retournement subi puisque les visites de dirigeants chinois à Buenos Aires s’étaient multipliées ces dernières années et avaient débouché sur des projets de coopération économique en de nombreux domaines (transports, énergie, électronique…).

La récente visite de Cristina Kirchner à Pékin donne à cette coopération une dimension militaire importante. L’Argentine va acheter à la République populaire, ou construire avec des accords de transfert technologique, des corvettes, des véhicules blindés et des hélicoptères.

Ces acquisitions prennent place dans un programme d’ensemble signé par les deux pays le 29 octobre 2014, couvrant brise-glaces, véhicules amphibies, remorqueurs de haute mer, et d’autres navires de guerre, mortiers de divers calibres, hôpitaux de campagne. Les observateurs militaires n’excluent pas l’achat de chasseurs chinois FC1.

Dans le monde multipolaire actuel, il est aujourd’hui possible de desserrer l’étreinte impérialiste étasunienne et de trouver dans d’autres pays : Chine populaire, Russie… les moyens concrets de parer les coups revanchards que les États-Unis ont toujours porté contre les gouvernements manifestant de l’indépendance dans leur « arrière-cour » latino-américaine.

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