Un nouveau conflit sur le continent européen ? C’est en tout cas ce que craint Stockholm. Alors que Moscou poursuit ses opérations en Ukraine, le gouvernement suédois alerte sur de potentielles conséquences pour le pays scandinave.
« Beaucoup l’ont dit avant moi, mais permettez-moi de le dire avec la force de ma fonction : il pourrait y avoir une guerre en Suède », assure Carl-Oskar Bohlin, ministre de la Défense civile, cité par Euractiv ce mercredi 10 janvier.
« Nous devons comprendre à quel point la situation est grave et que les gens, jusqu’au niveau individuel, se préparent mentalement », abonde même le commandant en chef suédois, Micael Bydén.
Des propos qui n’ont pas manqué de faire réagir en Russie. « La Suède est l’un des premiers pays d’Europe en termes de paranoïa anti-russe », rétorque le sénateur Alexei Pushkov, non sans sarcasme. « C’est ainsi qu’ils essaient de donner à la Suède une importance géopolitique qu’elle n’a pas. Il semble parfois que certains militaires suédois, ainsi que des journalistes, rêvent presque de la guerre », ajoute même le proche de Vladimir Poutine, pour qui le Stockholm « n’arrive pas à se calmer depuis la défaite de Poltava » qui opposait Pierre le Grand et Charles XII de Suède en… 1709.
Alors qui faut-il croire ? Un conflit entre les deux États est-il vraiment possible ? Réponses de Cyril Coulet, spécialiste des pays nordiques à la Fondation Jean-Jaurès et ancien chercheur à l’Institut suédois de relations internationales.
Marianne : Les responsables politiques suédois ont-ils des raisons légitimes de craindre une guerre avec la Russie ?
Cyril Coulet : En tout cas, Stockholm a des raisons légitimes de se sentir menacée par Moscou. D’abord, tout simplement, parce que la Russie se trouve dans son environnement géographique immédiat, du fait de son ouverture vers la mer Baltique via la région de Saint-Pétersbourg, ainsi que l’enclave de Kaliningrad, une bande qui appartient à la Russie mais qui n’y est pas rattaché physiquement. Cette présence conduit à des intrusions régulières de l’armée russe dans l’espace aérien ou maritime de la Suède.
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Comment interpréter la réponse du sénateur russe Alexei Pushkov ?
Ses propos dénotent clairement d’une volonté de ridiculiser Stockholm. Pourtant, même s’il fait preuve de sarcasme, le simple fait de répondre aux déclarations des représentants suédois montre que le sujet n’est pas si anodin. Car si la Suède parvenait, comme elle le souhaite, à entrer dans l’Otan (Organisation du traité de l’Atlantique nord), elle en deviendrait un contributeur net. Le pays scandinave n’a, certes, pas les moyens de lutter contre la Russie, mais il jouit tout de même d’une puissance militaire sérieuse, avec une vraie capacité d’actions et des équipements derniers cris. Tout ça, Moscou en a conscience.
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L’adhésion de la Suède à l’Otan pourrait donc envenimer la situation ?
Il est clair que ça pose des problèmes géopolitiques. Pour l’instant, le processus d’adhésion de la Suède est bloqué par la Hongrie, sorte d’agent de la Russie au sein de l’Union européenne et de l’Otan. Mais aussi par la Turquie, qui se sert de son veto pour obtenir des compensations de Stockholm, notamment en matière de la lutte contre le terrorisme, car le pays nordique accueille beaucoup de réfugiés kurdes. Mais si cette adhésion se concrétisait, la position russe dans la région n’en serait que plus fragilisée. La mer Baltique deviendrait une mer intérieure de l’Otan. Rien de surprenant, donc, à ce que le Kremlin y porte une attention toute particulière.
Qu’est-ce que la « défaite de Poltava » qu’évoque le sénateur russe Alexei Pushkov ?
C’est une défaite importante de l’armée suédoise face à la Russie, qui remonte à 1709 et représente un point d’inflexion dans les deux pays. D’une part, car cette date est un symbole du déclin du pays scandinave dans la région. De l’autre, parce que cette époque correspond à l’émergence de la grande Russie, qui parvient notamment à prendre le contrôle de Saint-Pétersbourg.
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La bataille de Poltava (uniquement pour les anglophiles)
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