Pendant que les Gilets jaunes se font matraquer (on mesure la dangerosité d’un mouvement social à la violence de sa répression), les BloquonsTout houspiller (avec deux ou trois charges sérieuses quand même), les jeunes des quartiers manifestent sous la surveillance de policiers bienveillants pour des menus gratos à l’ouverture de « restaurants » de junk food. On dit malbouffe, en français.
Le degré de politisation est faible, voire inexistant, seule la bouffe compte, cette valeur refuge en période d’incertitude absolue. On n’aimerait pas avoir 20 ans aujourd’hui, sans diplôme majeur en vue (X, ENA, HEC).
Deux exemples pour notre démonstration, qu’on peut multiplier dans toute la France, notamment avec l’ouverture de chaînes de kebabs. Le Chicken Street à Lyon et le Krousty à Paris. Il ne sera pas question de gastronomie ici, on n’a pas goûté les produits, on analyse juste le phénomène.
Le marketing est simple, pour attirer la foule des morts de faim et des mordus de gratos, offrir les 200 premiers repas. Repas est un grand mot, mais ça remplit le ventre. C’est l’objectif, le remplissage. À la limite, on pourrait couler un béton comestible avec des rehausseurs de goût dans l’estomac, ça reviendrait au même.
Voilà pour Paris, on pourrait presque se croire à une distribution de soupe populaire, avec des jeunes à la place des vieux et de la junk food à la place de la soupe.
À Lyon, des centaines de jeunes surexcités attendaient devant le Chicken Street, qui a remplacé Domino’s Pizza. Effet de mode et de sociologie : la pizza est le plat de la classe moyenne blanche inférieure. On dirait des supporters devant les grilles du Stade de France un jour de Coupe du monde. Là, c’est le staff du resto qui a fait la sécurité, avec des tee-shirts floqués.
Orgie de fric et de bouffe
Les franchisés profitent de l’engouement, mais les modes « gastronomiques » changent vite. Tabler sur deux produits phares peut vite s’avérer dangereux. Heureusement, les créateurs de chaînes sont des stars, pour les jeunes en question, qui matent des vidéos de bouffe du matin au soir sur TikTok, c’est presque de la pornographie autorisée. On dévore des yeux le produit appétissant, on salive, et on craque en passant à la prédation, carrément du viol mandibulaire... Le porno, de moins en moins accessible aux mineurs, n’a qu’à bien se tenir !
Pour créer un mouvement de foule, aujourd’hui, rien de plus simple : il suffit de jouer sur la consommation, l’offre ou le prix. Le black friday permet de vider les vieux stocks à prix coûtant, et cela devient le vrai Noël du pauvre. Un influenceur avait fait un lâcher de billets (de banque) à Paris, mais la maréchaussée est intervenue.
Mexed a bien calculé : en passant la barre des 200 000 abonnés sur TikTok, il compense largement l’investissement de 10 000 euros. En plus il passe pour un bienfaiteur, un saint.
Voilà donc une jeunesse, frustrée par la publicité et l’exhibitionnisme des riches, avide de consommation, pas de changement sociétal et encore moins de révolution. L’argent est devenu la valeur première, détrônant le travail, même si un influenceur, pour gagner 15k par mois, bosse du matin au soir avec quatre vidéos par jour minimum.
Cela explique l’engouement pour l’argent dit facile, et l’explosion de la prostitution sous toutes ses formes : OnlyFans, MYM, du sexe en direct ou en indirect, en vrai ou en distanciel. Ça contamine les mineurs, qui ne calculent pas les conséquences.
« Plus c’est jeune, plus c’est cher »
Et Macron qui se targue de la création de deux millions d’emplois, qui sont en grande partie des emplois d’esclaves. Dans ces 700 000 jobs de l’uberisation, il y a forcément les 20 000 jeunes prostituées qui dépendent de l’ASE, l’Aide sociale à l’enfance...
Néolibéralisme à tous les étages, américanisation de la société française, destruction de toutes les barrières morales (l’intégrité de la personne) et physiques (les frontières) pour « libérer la croissance », comme le préconisait Attali à Sarkozy puis Macron, il va falloir être forts pour remonter la pente.