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Macédoine : les clandestins traversent le pays... à bicyclette

La bicyclette est un moyen pratique de traverser la Macédoine. Elle donne lieu depuis quelques semaines à un marché très lucratif

Le coup de pédale est hésitant, le corps se balance dangereusement au bord de l’autoroute. Un foulard passé autour de la tête, l’homme sue à grosses gouttes en ce début d’après-midi sous le soleil de plomb qui écrase les collines du centre de la Macédoine. Quelques centaines de mètres plus loin, ils sont une vingtaine d’autres à progresser difficilement sur le bitume qui fond par plaques. Partis il y a plusieurs mois de Syrie, d’Afghanistan ou de Somalie, les uns et les autres sont des migrants en route vers l’Europe occidentale. Des migrants qui ont trouvé un nouveau moyen de locomotion pour accomplir l’étape qui relie la frontière grecque à la frontière serbe : le vélo.

Les autorités macédoniennes n’ont ni la capacité de fermer leur frontière avec la Grèce, ni la volonté d’aider ceux qui fuient la guerre ou la pauvreté. Elles se contentent d’interdire aux immigrants d’emprunter les bus et les trains. Une politique qui n’empêche rien et favorise de nombreux trafics. Dernièrement, c’est le marché de la bicyclette qui a bénéficié de la situation et connu un formidable essor. « À Gevgelija, à proximité de la frontière grecque, la police nous a indiqué où acheter les vélos », témoigne Sayid, un Syrien d’une vingtaine d’années. Les prix sont stables, de 120 à 150 euros par unité. Et il est possible de revendre les précieuses bécanes à l’autre bout du pays.

 

 

Devant la mosquée Tatar Sinan Beg de Kumanovo, dans le nord, une foule de badauds se rassemble chaque fois que des migrants arrivent au centre de l’agglomération. « Vos vélos, c’est de la qualité chinoise, cela ne vaut rien », explique un acheteur qui parle anglais à des Afghans à bout de force. « Je vous en propose 30 euros maximum. » Selon toute probabilité, les cycles sont ensuite directement expédiés vers le sud, pour effectuer de nouveaux voyages.

La route des Balkans vers l’Europe occidentale est connue depuis quelques années par les candidats à l’exil. A Lojane et dans les autres villages albanais qui surplombent Kumanovo et la frontière serbe, cela fait longtemps que des passeurs se remplissent les poches en conduisant les migrants par des chemins de montagne. Mais depuis le début de l’année, le flux a pris l’ampleur d’un exode biblique. Selon Médecins sans frontières, 50 000 personnes auraient déjà traversé la Macédoine depuis janvier 2015 et 22 182 demandes d’asile ont été déposées en Serbie entre le 1er janvier et le 31 mai 2015, une option qui permet aux migrants de se reposer quelques jours avant de reprendre la route.

Avec l’arrivée de l’été, les passages devraient encore s’accélérer, d’autant que les douaniers serbes ne se fatiguent plus à contrôler les frontières. Depuis peu, Belgrade délivre des documents de circulation valables 72 heures. Des papiers qui permettent en toute liberté aux migrants de gagner la frontière hongroise.

« Nous avons marché durant dix jours pour traverser la Macédoine, en dormant dans les bois, avec ma sœur et sa fille de 4 ans », explique Marie, 19 ans, originaire de la République démocratique du Congo. « Nous avons tenté de rejoindre un groupe de Syriens, mais leur passeur voulait aussi nous faire payer. Alors, nous les avons suivis à distance. »

La Macédoine a mauvaise réputation. Les vols et les attaques y sont fréquents. Mieux vaut voyager en groupe pour éviter les problèmes. Début juin, la police a investi le village de Vaksince, à proximité de la Serbie, et démantelé un réseau qui séquestrait des migrants contre des rançons qui pouvaient dépasser les 1 000 euros. Des cadavres sont aussi régulièrement retrouvés à proximité des voies ferrées. Fin avril, 14 hommes ont été inhumés dans le cimetière musulman du village de Rastani, sur les hauteurs de l’ancienne ville industrielle de Veles. Ils avaient été percutés par un train.

 

 

« Ces malheureux passent tous les jours devant mes fenêtres. C’est comme cela que j’ai commencé à les aider. Tout le monde aurait fait la même chose à ma place. » Ancienne journaliste d’une télévision locale, Lenche Zdravkin fume sur son balcon en gardant un œil sur les rails qui conduisent à la gare de Veles. Au rez-de-chaussée de sa maison s’entassent des bouteilles d’eau, de la nourriture, des chaussures et des pansements collectés par les gens du quartier.

Sur le fronton de sa porte est affichée la photocopie du passeport d’un Syrien nommé Jehad. « Je suis en contact par Facebook avec sa famille, qui n’a plus de nouvelles de lui depuis quinze jours, explique Lenche Zdravkin. Mais il devrait normalement passer par ici. Je l’attends. »

En Macédoine, cela fait longtemps que l’économie est en ruine et que les jeunes prennent le chemin de l’exil pour gagner leur vie. Cela n’empêche pas ses habitants de se mobiliser en nombre pour venir en aide aux réfugiés rencontrés sur les routes. « Une femme est venue récemment me porter un sac de nourriture en s’excusant de ne pouvoir faire plus », continue la journaliste. « Pourtant, elle connaît elle-même le dénuement. Elle ne survit qu’avec quelques dizaines d’euros versés par l’assistance sociale. »

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