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Maurice Bardèche et BHL sont sur un plateau

Oui, nous éprouvons souvent le besoin d’aller respirer ailleurs quand l’air ambiant est saturé de médiocrité. C’est à quoi je songeais en lisant l’intelligent petit livre que Francis Bergeron vient de consacrer à Maurice Bardèche, un nom à retenir et à retrouver, associé à une vie exemplaire. L’itinéraire de Maurice Bardèche (1907-1998) fut celui d’un intellectuel de haut niveau que son amitié pour son beau-frère, Robert Brasillach, projeta dans un engagement de fidélité absolue après l’exécution de ce frère, le 6 février 1945.

 

Maurice Bardèche est emblématique de ce qu’en politique j’appelle le « corps mystique » des hommes de foi, par opposition aux hommes de pouvoir. Bardèche n’a jamais fui les conséquences de ses engagements. Il poussa même la fidélité jusqu’à la provocation, se prétendant par exemple « fasciste » après 1945, alors que cela n’avait plus de signification, sinon rétrospective. Curieux fasciste en vérité, que cet esprit fin, érudit, amoureux des lettres, empreint de gentillesse, qui ne se s’engagea sous le fantôme des faisceaux qu’après leur défaite.

Né le 1er octobre 1907 dans le Berry, à Dun-sur-Auron (anciennement Dun-le-Roi), Maurice Bardèche était un pur produit de l’ancien élitisme républicain, qui permettait à un petit paysan pauvre mais doué, d’aller au bout des études supérieures. Admis en hypokhâgne à Louis-le-Grand, il y côtoya Thierry Maulnier, Roger Vaillant et surtout Robert Brasillach. Ce dernier, jeune Catalan de Paris, brillantissime et rieur, l’initia au monde enchanté des livres, du cinéma et du théâtre. Commença une amitié idéale, que vint renforcer le mariage de Maurice Bardèche avec Suzanne, la sœur de Brasillach. En collaboration avec ce dernier, il publia en 1935 une Histoire du cinéma qui fait toujours autorité. En ce temps-là, il n’était pas encore question d’idéologie, c’est-à-dire d’un système d’idées cohérent.

Reçu à l’École normale supérieure en 1928, Maurice Bardèche décrocha l’agrégation de lettres en 1932. Son destin semblait tracé, celui d’un grand universitaire, spécialiste reconnu de Balzac, titulaire d’une chaire à la Sorbonne dès 1940.

Et la politique dans tout cela ? Elle restait lointaine, malgré les orages sur l’Europe. La guerre et l’Occupation, Bardèche les regardait « du bord de la route ». Tout bascula en 1944. Bien qu’il se fût abstenu de toute activité publique, il fut arrêté à la Libération et emprisonné pendant six mois à Drancy et à Fresnes. La vindicte qui frappait Robert Brasillach s’étendait à ses proches. Chassé de l’université pour trois critiques littéraires données à Je suis partout, Bardèche dut trimer dans l’enseignement libre et dans l’édition afin de nourrir ses cinq jeunes enfants.

L’exécution de Robert Brasillach, le 6 février 1945, avait fait de lui un autre homme : « Un régime qui pouvait mettre à mort un être aussi généreux, aussi pur, qui le tuait pour des mots, pour une opinion, avait en lui un principe de mal. J’étais le témoin de Robert Brasillach. Sur lui, je ne pouvais pas me tromper. » Désormais, il se voua à son beau-frère mort, à la défense de son œuvre et de son engagement. Dans cette tâche, il révéla une violence de plume et une témérité qui attirèrent sur lui quelques ferventes sympathies et beaucoup de haine. En 1948, il fondait sa propre maison d’édition, Les Sept Couleurs, titre d’un roman de Robert Brasillach. Il y publia aussitôt Nuremberg ou la terre promise, pamphlet qui anticipait avec une incroyable lucidité sur ce que serait le « nouvel ordre mondial » imposé plus tard par l’hyperpuissance américaine. Le livre fut saisi et son auteur condamné. Avant tout le monde, Bardèche avait perçu les implications de la nouvelle justice sans frontières qui allait s’étendre sur le monde. Dans la prétention d’ériger un tribunal international en juge des nations, sous prétexte de crimes contre l’humanité, Bardèche identifia un principe nouveau de la vie politique : « La souveraineté nationale, désormais, n’existait plus… La nation n’était plus qu’une parcelle géographique d’un tout appelé humanité… Désormais nous n’aurions plus aucun droit d’être ce que nous sommes, de défendre ce qui nous appartient, d’être chez nous sur une certaine partie de la Terre. Nous n’étions plus que des fourmis qui se trouvaient par hasard sur un certain tas de sable appartenant à tous les hommes et sur lequel tous les hommes pouvaient s’installer… » Il faut retenir et méditer cette intuition précoce.

En décembre 1952, Maurice Bardèche lança une revue de combat, Défense de l’Occident, qui, jusqu’à son 194e et dernier numéro, en novembre 1982, fut un rendez-vous intellectuel de la droite radicale. Parallèlement, il poursuivait une œuvre littéraire importante, ponctuée par une succession d’ouvrages sur Stendhal (1947), Marcel Proust (1971), Balzac (1980), Flaubert (1988), Céline (1986), Léon Bloy (1989). Il a également publié plusieurs essais politiques, notamment Sparte et les Sudistes (1969), dans lequel il reprochait aux nationalistes français d’avant 1940 leur confondante myopie. Ils ont pris, dit-il, la défaite de 1870 pour l’événement capital de l’histoire, alors que le destin du monde s’était joué sept ans plus tôt dans la vallée de Gettysburg sans qu’ils l’aient vu. « La défaite du général Lee était infiniment plus grave pour notre avenir que la perte de deux de nos provinces. C’est un nombrilisme pire encore qui avait concentré toute l’attention des Français sur l’affaire Dreyfus, cultivé un militarisme puéril, nourri (l’)esprit de revanche, alors que tant de nouvelles menaces étaient présentes dans le monde. »

La vie et les écrits de Maurice Bardèche offrent un rare exemple de détermination ferme et de courage, comme le soir où, en dépit de son âge, il affronta BHL et sa cour sans faiblir sur le plateau de Bernard Pivot qui avait misé sur un sanglant hallali. Il en fut pour son argent. C’est un souvenir que je n’ai pas oublié.

*

Extrait des Carnets rebelles, volume 2 (Dominique Venner)

Vendredi 3 avril 1987

Ce soir, émission Apostrophes. Ô surprise ! Maurice Bardèche est au nombre des invités pour son livre sur Céline. Thème de l’émission : « Les intellectuels », au sens politique du mot. Sur le plateau, Bernard-Henri Lévy, péremptoire, arrogant et donneur de leçons, et Gabriel Matzneff, pitoyable histrion qui voulait sans doute faire un numéro à la Jean-Edern Hallier sans en avoir le culot, la folie et l’abattage. Il se contentera d’être ridicule, faisant de la retape du côté de Lévy et enfonçant bassement Maurice Bardèche au lieu de lui tendre une main « intelligente ». N’a-t-il pas clamé, de façon assez stupide : « Tout le monde sait que je suis très intelligent »…

 

 

Lévy nous a donné la définition classique de l’intellectuel, c’est-à-dire de l’intellectuel de gauche que ne caractérise nullement son activité professionnelle (« On peut être écrivain sans être intellectuel »), mais l’engagement à sens unique pour les grandes causes, depuis l’affaire Dreyfus jusqu’à la dénonciation des dictatures (de droite exclusivement, hormis le Goulag qu’il était quand même un peu difficile de continuer à ignorer), les campagnes contre la faim, pour les déshérités, contre les injustices, pour les Restos du cœur.

L’intellectuel est naturellement du côté de la générosité, de la justice, de la paix, des droits de l’homme et des porteurs de valise du FLN (texto). Il a le monopole du discours sur la morale. C’est lui qui dit la morale. Il a remplacé les prophètes de l’Ancien Testament.

Maurice Bardèche répondra sur deux points : il y a une langue de bois de la démocratie au service du terrorisme intellectuel, qui vaut la langue de bois soviétique. La « générosité » des intellectuels est bien intéressante, mais elle ne s’exerce qu’à sens unique et le plus loin possible : en faveur de nos ennemis ou de populations exotiques, mais jamais en faveur de ceux qui nous sont les plus proches. Pressé de donner des exemples, il parlera des populations allemandes martyrisées au lendemain de la guerre sans qu’une seule voix ne se soit jamais élevée pour manifester ne serait-ce qu’un peu de pitié.

Aussitôt, Lévy lui coupe la parole sans que Pivot n’intervienne, et, la voix vibrante d’une sainte colère : « C’est l’honneur des intellectuels (il citera Sartre et Raymond Aron) que de ne pas s’être prêtés à cette manœuvre que l’on tente depuis quarante ans en invoquant les bombardements de Dresde et de Hambourg pour disculper le nazisme et le génocide et les camps de la mort. Oui, je le dis bien, c’est leur honneur de s’être refusés à cette fausse symétrie et d’avoir dénoncé le mal en lui refusant de fausses excuses… » (J’abrège.)

Maurice Bardèche tentait de répondre, mais le son était donné au seul Lévy et Pivot refusa de rendre la parole à Bardèche…

Maurice Bardèche trouvera cependant l’occasion de dire que le débat sur la question juive est impossible puisque la loi lui interdit de dire ce qu’il aurait à dire.

Je souffrais pour ce vieil homme au visage marqué par l’âge, qui me faisait penser à celui de mon père dans ses dernières années. Mais ce vieil homme, malgré sa voix faible, malgré son absence de moyens physiques, malgré l’hostilité déclarée de tous ceux qui l’entouraient, malgré sa totale inexpérience du débat télévisé, parvint, avec son beau et clair langage d’homme de culture et de méditation, à faire entendre quelques vérités toujours occultées.

Le lendemain, nous en avons parlé avec Nicolas, puis avec Fadel. L’un et l’autre l’avaient écouté et même entendu, estimant que le match, malgré la disproportion des forces, n’était nullement en sa défaveur.

Je lui ai écrit la lettre suivante (5 avril 1987) :

Cher Maurice Bardèche,

Permettez-moi de vous dire mon admiration pour le courage qui a été le vôtre vendredi soir sur le plateau piégé d’Apostrophes. Courage d’autant plus frappant qu’il contrastait avec la fielleuse lâcheté d’un histrion, dont on pouvait attendre une conduite moins méprisable. Tout au long de cette épreuve, dont vous êtes sorti grandi, j’ai vibré pour vous.

Vous n’avez rien cédé ni concédé. Vous avez dit ce que l’on ne dit jamais. Vous avez été le témoin irrécusable que vous êtes depuis toujours, mais dans une arène autrement redoutable que celle d’un cabinet de travail.

Plusieurs de mes relations locales, qui ne partagent pas nos vues, m’ont parlé depuis deux jours de cette émission. Il n’est pas inutile que vous sachiez que vous avez marqué des points et fait passer un message. Je vous le dis tout en sachant bien que vous êtes au-delà de cela, mû avant tout par la fidélité que vous vous devez à vous-même et aux vôtres.

Vous avez eu des paroles très belles pour parler de la responsabilité de l’écrivain qui engage des partisans par ses écrits. Mais il est plus beau encore que toute votre vie ait été à l’image de ces paroles.

Fidèlement à vous

Bardèche avait dit qu’à ses yeux, pendant la guerre, l’écrivain engagé (il pensait aux comportements opposés de Brasillach et Céline) était un chef de guerre qui amenait au combat ses gens et qu’il avait vis-à-vis de ceux-là une responsabilité entière, qu’il fallait donc le juger comme tel, ce qui était sa grandeur, car il se plaçait d’emblée sur une position éminemment exposée.

 

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13 Commentaires

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  • #3544490
    Le 17 juin à 18:18 par Saturnin Pompier
    Maurice Bardèche et BHL sont sur un plateau

    "La « générosité » des intellectuels est bien intéressante, mais elle ne s’exerce qu’à sens unique et le plus loin possible : en faveur de nos ennemis ou de populations exotiques, mais jamais en faveur de ceux qui nous sont les plus proches."

    "Défiez-vous de ces cosmopolites qui vont chercher loin dans leurs livres des devoirs qu’ils dédaignent de remplir autour d’eux. Tel philosophe aime les Tartares, pour être dispensé d’aimer ses voisins."

    Jean-Jacques Rousseau

     

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  • #3544615
    Le 18 juin à 06:33 par Koenig
    Maurice Bardèche et BHL sont sur un plateau

    BHL en "nouveau philosophe" prétentieux de l’époque avait ceci de commun avec ce qu’il est devenu de nos jours : la mise en plis impeccable de sa coiffure.

    Déjà à cette époque, son positionnement de gauche doublé de l’efficacité des ses réseaux communautaires le propulsait à des sommets.

    À l’armée, on appelait cela un fils d’archevêque.

    À quoi sert BHL ?

    Vous avez 4 heures.

     

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  • #3544776
    Le 18 juin à 13:09 par joszik
    Maurice Bardèche et BHL sont sur un plateau

    A quoi ça sert de dire que BHL est un homme de gauche ? Ce qu’il n’a jamais été et ne sera, sans doute, jamais !

     

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  • #3544860
    Le 18 juin à 15:55 par JFD
    Maurice Bardèche et BHL sont sur un plateau

    Dès le tout début, la gueule et les expressions faciales de BHL en disent très, très long...

     

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  • #3544913
    Le 18 juin à 18:07 par Feed The Enemy
    Maurice Bardèche et BHL sont sur un plateau

    La télé poubelle ne date pas de l’arrivée d’Arthur et Nagui. Mais à l’époque, certains savaient chambouler cette décharge institutionnelle. Le père Bardèche est impérial. Toutefois, le reproche adressé à Céline sur sa prétendue "non compréhension de la complexité du problème juif" est sujet à débat. Surtout aujourd’hui. Entre l’hypocrisie des grands mouvements juifs antisionistes (qui préfère laisser les palestiniens mourir lentement pour ne pas verser dans l’ accélérationisme et ne savent parler du judapo que comme un suprémacisme blanc) et l’absence de front juif contre la future guerre mondiale ... Bardèche était certes issue d’une famille peu religieuse mais cette analyse très chrétienne est sans doute liée à sa fascination pour José Antonio Primo De Rivera. Personnage immense, dont la bonté, la combativité d’un autre temps et la volonté d’unification intègre se heurtent néanmoins aux paradigmes de l’après 45. Les mêmes barrières morales qui gênent les chefs arabes et ont causé leur perte. L’adversaire éternel des peuples et de la vie a suffisamment démontré sa barbarie et son inhumanité sans limite pour qu’on le traite désormais sans se perdre dans des réflexions sur sa "complexité".

     

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  • #3545120
    Le 19 juin à 10:48 par JLD
    Maurice Bardèche et BHL sont sur un plateau

    On s’aperçoit que déjà jeune, BHL était puant.
    Quant à Bardèche c’est le niveau nettement au-dessus. Il pointe LE problème de tous les débats actuels, on ne peut invoquer certains arguments, lesquels provoquent des cris des pleurs de la pleurniche et même des procès. Un pays civil entièrement rasé (c’était une première mondiale), le pourquoi de la déportation des juifs, le "problème" de l’histoire officielle des camps de déportés etc.
    A partir de là, c’est du tralala.

     

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  • #3545355
    Le 20 juin à 02:32 par Passant
    Maurice Bardèche et BHL sont sur un plateau

    À l’époque il était encore possible d’inviter un Maurice Bardeche. Inimaginable aujourd’hui.
    Pivot demande à Bardeche de ne pas interrompre Levy mais jamais l’inverse.
    Le ton violent de Levy, ses mimiques et sa gestuelle de chef mafieux voulant rediscipliner ses troupes , ses paroles d’intimidation , auguraient de ce que nous allions subir crescendo jusqu’à aujourd’hui, c’est à dire la persécution de ceux qui s’opposent à la volonté pathologique de domination d’un Levy par l’interdiction de tout débat et la culpabilisation 24/24 des peuples européens. Nous sommes bien sous occupation. Toute occupation finit par s’épuiser. Ne pas désespérer.

     

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