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Pourquoi le rachat de Bull par Atos concerne aussi la défense

En août 2011, créé par l’État pour aider des entreprises stratégiques pour l’économie française via des prises de participations minoritaires. le Fonds stratégique d’investissement (FSI) entrait au capital du groupe informatique français Bull, nationalisé en 1982, puis privatisé entre 1994 et 2004, à hauteur de 5%. À l’issue de cette opération, il devenait ainsi un actionnaire de référence, derrière Crescendo Industries, Pothar Investments (22%) et France Télécom (8%).

Pour l’État, Bull (1,26 milliards de chiffre d’affaires en 2013) a une importance stratégique : l’activité du groupe est structurée autour de 4 domaines essentiels : les supercalculateurs (16% du chiffre d’affaires), la sécurité (12%), les services d’infrastructures informatiques (48%) et les services d’intégration (24%).

Les deux premières technologies sont désormais indispensables pour le Cloud Computing (ensemble de processus visant à utiliser la puissance de calcul et/ou de stockage de serveurs informatiques distants à travers un réseau). D’où l’intérêt de la SSII Atos, l’une des 10 premières au monde, avec un chiffre d’affaires de 8 milliards d’euros, pour le groupe Bull.

Ainsi, le 26 mai, l’ancien ministre Thierry Breton, actuellement Pdg d’Atos, a annoncé le lancement d’une offre publique d’achat (OPA) amicale sur Bull afin de former le numéro un européen du Cloud et l’un des principaux leaders dans la cybersécurité.

Jusqu’à présent, Atos, qui compte parmi ses actionnaires Siemens (12,7%) ainsi que des fonds d’investissements britanniques et américains, réalise l’essentiel de son chiffre d’affaires dans le conseil, l’intégration de systèmes, l’infogérance et les dispositifs sécurisés de paiement en ligne.

A priori, cette OPA amicale devrait réussir : Atos a proposé de reprendre les actions de Bull à un prix 22% supérieur au cours qu’elles affichaient le 23 mai au soir (4,01 euros), ce qui valorise le groupe héritier du « plan calcul » à 620 millions d’euros. Ses deux principaux actionnaires, Crescendo Industries et Pothar Investments, ont déjà pris l’engagement d’apporter leurs titres à cette offre.

Reste que Bull, qui a eu, par le passé, quelques problèmes de brevets avec l’américain Texas Instrument compte le ministère de la Défense parmi ses clients. Son supercalculeur Tera 100, utilisé par la Direction des Applications Militaires du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) pour les besoins de la simulation nucléaire. La Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) dispose également d’un supercalculateur pour le « déchiffrement ».

Plus généralement, Bull est un acteur du programme SCORPION, structurant pour l’armée de Terre, en signant, l’an passé, avec la Direction générale de l’armement (DGA) un contrat de 40 millions d’euros portant sur la fourniture d’un nouveau système d’information et de combat. Et cela, aux dépens de Cassidian (aujourd’hui Airbus Defense & Space) et Thales.

« Les réalisations de Bull et d’Amesys (sa filiale) s’étendent dans des domaines aussi variés que le plus puissant supercalculateur européen pour la simulation nucléaire, les systèmes d’information embarqués pour la Marine, les systèmes mobiles tactiques, les solutions de chiffrement dédiées aux communications ou encore les intercepteurs radars, parmi bien d’autres », précise le groupe sur son site Internet.

Au coeur d’une polémique, en 2011, pour avoir vendu le logiciel de surveillance du Web Eagle au régime du colonel Kadhafi, Amesys propose des solutions pour la guerre électronique (renseignement d’origine électromagnétique et électronique), le brouillage des engins explosifs improvisés, la sécurité des communication et des infrastructures critiques (contrôle d’accès) ou encore la fourniture d’équipements durcis.

Quel sera l’avenir de cette filiale ? En attendant, pour Thierry Breton, qui a également un oeil sur Steria (impliqué dans Louvois), a expliqué qu’ « en termes de cybersécurité », les deux groupes rassembleront « plus de 2 000 spécialistes en la matière ». Et d’ajouter : « Il n ‘y a pas un jour où nos clients ne nous parlent de cela ». Même chose pour le Big Data. « De plus en plus de clients nous demandent de leur extraire des données de la masse en circulation », a-t-il dit. A priori, ce rapprochement ne devrait pas donner lieu à des suppressions d’emploi. Du moins en France.

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