Egalité et Réconciliation
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Présentation de Thomas Sankara

Alain Soral a quitté le FN. Une des lignes de fracture a été le fait qu’il pousse la logique de la résistance au mondialisme jusqu’aux questions de politique étrangère, notamment en participant à la manifestation du 24 janvier 2009, soutenant ainsi en tant que patriote français des patriotes palestiniens. Au sein d’E&R des camarades préoccupés, à juste titre, par la question sociale, se demandent s’il ne s’agit pas d’un décentrement du débat. Ce n’est pas l’objet principal de cet exposé, mais je crois que si l’ambition d’ E&R est de créer un front de résistance au nouvel ordre mondial, au travers du nationalisme, il est impensable que la France (ou en tous cas son peuple) puisse résister seule. En plus de reprendre en main notre pays et de le rendre à nouveau fier et politiquement indépendant, le but - encore lointain à cette étape - d’E&R est aussi de participer à la fédération des luttes nationales, dans une sorte « d’Internationale nationaliste ». Dans cette optique, il serait souhaitable de tisser des liens, partout dans le monde, avec des organisations proches de nos positions. Pour le continent africain, les associations sankaristes répondent assez bien à ce critère. La veuve de Thomas Sankara (Maryam Sankara) habitant actuellement Montpellier, la section Languedoc pourrait avoir un rôle à jouer si le rapprochement avec ce genre d’organisation était tenté. Avant d’envisager les méthodes à employer, il me semble primordial que chaque militant dispose d’un minimum de connaissance sur Thomas Sankara. Je me propose donc ici de vous présenter une partie de la vie et de l’œuvre de Thomas Sankara, à savoir sa présidence du Burkina Faso de 1983 à 1987.

La Haute Volta est une ancienne colonie française (indépendante depuis 1960), dont la population était jusque-là considérée comme une main d’œuvre bon marché pour la Côte d’Ivoire voisine, « grenier africain de la France ». À son arrivée au pouvoir après le coup d’état du 4 août 1983 Sankara (qui avait déjà occupé des fonctions dans les gouvernements précédents), rebaptise le pays d’un nom issu de la tradition africaine : Burkina Faso, pays des hommes intègres. Les nouvelles armoiries du pays (modifiées par la suite en 1994) comportent la devise « La patrie ou la mort, nous vaincrons ». Sankara développe une politique populiste et anti-impérialiste (sur ce point on peut faire le parallèle avec Hugo Chavez).

Le « socialisme » burkinabé

Il lutte contre la corruption et les abus du pouvoir. Il diminue son salaire ainsi que celui de ses ministres et plus généralement le train de vie de l’État (les Mercedes de fonction sont remplacées par des R5, les ministres voyagent en seconde classe : l’avion arrivant de toute façon à la même heure).

Il tente de rendre l’État plus juste et applique un programme strict. Il interdit les partis d’opposition et les syndicats, qui seraient un frein à la réussite de la révolution. Il met aussi fin à l’impôt colonial (on peut imaginer une analogie pour la France actuelle avec les intérêts de la dette). La population est formée politiquement et idéologiquement (et ceci dès le plus jeune âge avec le mouvement des pionniers).

« Pionnier ! Oser lutter, savoir vaincre. Vivre en révolutionnaire, mourir en révolutionnaire, les armes à la main. La Patrie ou la mort, nous vaincrons ! » .

Son objectif est de faire participer la population au redressement du pays. Il lutte contre l’analphabétisme (qui passe pour les hommes de 95% à 80%, et pour les femmes de 99% à 98%, grâce aux "opérations alpha").

Pour Sankara, un militaire doit prendre conscience du sens des ordres qu’il reçoit. « Un militaire sans formation politique et idéologique est un criminel en puissance » (il est possible de voir un parallèle avec la situation en Afghanistan (cf. Mourir pour Kaboul de Michel Drac).

Il remet en cause la domination systématique des hommes sur les femmes, qu’il considère comme une tare féodale. Bien loin de nos féministes occidentales qui luttent surtout pour plus de pouvoir pour les bourgeoises en sacrifiant les femmes du peuple à la logique libérale (cf. Alain Soral Vers la féminisation ?), il combat l’excision, le mariage forcé et met en avant la responsabilité de l’homme qui met une femme enceinte, qui, parce qu’elle est enceinte, sera exclue de son école au contraire de celui qui est la cause de cet état. Des femmes s’engagent également dans l’armée révolutionnaire et il nomme même des femmes au gouvernement, sélectionnées uniquement pour leurs compétences (on est bien loin de la mise en place de la parité à l’aide de quotas).

L’objectif principal reste de loger, nourrir et soigner la population (l’espérance de vie au Burkina est de 45 ans). Il lance une campagne de vaccination (qui reçoit les félicitations de l’OMS) et instaure le sport de masse (on peut y voir un parallèle avec le discours de Marchais de 1977 « Nous voulons avant tout pour le travailleur français : la santé par le sport, la culture et l’étude »). Pour stopper l’avancée du désert il lance l’opération « un village, un bosquet », et fait planter des milliers d’arbres. Il lance la construction de logements sociaux, réhabilite les vieux logements et désenclave les zones rurales grâce à « la bataille du rail » pour construire un nouveau chemin de fer de Ouagadougou à Tambao dans le nord. Malgré le manque de fonds, les rails sont posés, à main nue : il n’est plus question de laisser les entreprises étrangères construire le pays.

Sankara et le protectionnisme

Il tente de rendre le Burkina autonome, et indépendant des aides alimentaires. « Où se trouve l’impérialisme ? Regardez dans vos assiettes. Quand vous mangez les grains de mil, de maïs et de riz importés, c’est ça l’impérialisme. N’allez pas plus loin. » (Monsanto aujourd’hui ?). Il encourage à produire et consommer Burkinabé. « Il est normal que celui qui vous donne à manger vous dicte sa volonté, nous consommons ce que nous produisons ». La production de blé moyenne de la région du Sahel est de 1 700 kg/hectare, en 1986 au Burkina elle dépasse 3 000 kg/hectare. Cela est dû à une réforme agraire qui répartit mieux les terres et à l’arrivée de l’engrais dans les techniques de culture. Il relance également la production locale de coton et lance la mode du vêtement traditionnel burkinabé que sont obligés de porter les fonctionnaires.

En 1983, au sommet de Vittel, il dénonce, en présence de Mitterrand et des chefs d’États africains, l’alliance néo-colonialiste entre la France et les gouvernements africains et leur vassalité financière.

Il a effectué des voyages à Moscou et à Cuba à la recherche de partenaires et est considéré comme l’un des chefs du Mouvement des non-alignés, les pays qui durant la Guerre Froide ont refusé de prendre parti pour l’un ou l’autre des deux blocs.

Il propose devant l’Organisation de l’Unité Africaine le non remboursement de la dette. « Si le Burkina Faso refuse tout seul de payer la dette, je ne serai pas là à la prochaine conférence. »

« Et quand nous disons que la dette ne saurait être payée ce n’est point que nous sommes contre la morale, la dignité, le respect de la parole. Parce que nous estimons que nous n’avons pas la même morale que les autres. Entre le riche et le pauvre, il n’y a pas la même morale. La Bible, le Coran, ne peuvent pas servir de la même manière celui qui exploite le peuple et celui qui est exploité ; il faudrait alors qu’il y ait deux éditions de la Bible et deux éditions du Coran. Nous ne pouvons pas accepter qu’on nous parle de dignité, nous ne pouvons pas accepter que l’on nous parle de mérite de ceux qui payent et de perte de confiance vis-à-vis de ceux qui ne payeraient pas. Nous devons au contraire dire que c’est normal aujourd’hui, nous devons au contraire reconnaître que les plus grands voleurs sont les plus riches. Un pauvre, quand il vole, il ne commet qu’un larcin ou une peccadille tout juste pour survivre par nécessité. Les riches ce sont eux qui volent le fisc, les douanes et qui exploitent les peuples. »

Extrait du discours de Thomas Sankara à la vingt-cinquième Conférence au sommet des pays membres de l’OUA à Addis-Abeba, le 29 juillet 1987. On peut voir ici encore un parallèle avec la position d’E&R (proposée par Michel Drac) sur l’éventualité du non remboursement de la dette. Le passage sur la morale rappelle une phrase d’Alain Soral : « Ce n’est pas parce que la morale catholique bourgeoise est rétrograde et réactionnaire, que tout ce qui est immoral est progressiste ». Le parallèle est peut être abusif, mais l’idée est que notre morale sera forcément différente de celle des puissants qui de doute façon aujourd’hui sont dans l’immoralisme le plus total grâce au travail de destruction des valeurs morales de la gauche libertaire (cf. Jean-Claude Michéa). Pour Sankara le marché africain doit être avant tout le marché DES africains. « Acceptez de vivre africain (Africain ou africains), c’est la seule façon de vivre libre(s) et de vivre digne( s) ». On retrouve ici l’idée du protectionnisme à l’échelle continentale, défendue pour l’Europe aujourd’hui par Emmanuel Todd et nos amis de Rébellion et débattue en ce moment en interne au sein d’E&R.

Les limites de la révolution

Les TPR (tribunaux populaires révolutionnaires) sont instaurés dès 1983. Ils ont pour mission de juger les anciens dignitaires de Haute-Volta accusés entre autres de détournements de fonds. Les peines sont légères mais c’est le déshonneur pour les accusés (les procès sont retransmis à la radio). Il est impossible pour eux d’avoir un avocat et doivent apporter la preuve de leur innocence. De nombreuses dérives sont constatées et les TPR deviennent le lieu de règlements de compte personnels. L’interdiction des partis d’opposition et des syndicats entraîne le mécontentement grandissant d’une partie de la population. En 1986, la situation commence à se dégrader. Les enseignants se mettent en grève et Sankara ordonne le licenciement des grévistes (1 400 instituteurs), qui sont remplacés par des enseignants révolutionnaires formés en 10 jours. La grève est considérée comme contre-révolutionnaire.

Sankara a aussi mis en place les CDR (Comité de Défense de la Révolution) qui forment la population volontaire aux maniements des armes et qui devient ainsi une force de maintien de l’ordre. La cooptation de responsables non formés entraîne des dérives dues au fait que ces personnes reçoivent un pouvoir auquel elles ne sont pas préparées.

Les relations avec la France

Lors de la visite de François Mitterrand à Ouagadougou fin 1986, on peut entendre des slogans comme « Pour l’amitié Franco-Burkinabé, en avant ! Pieter Botha au poteau ! », en référence à l’accueil par la France du président sud-africain refusant de mettre fin à l’Apartheid (peut-on y voir un parallèle avec la complaisance de Sarkozy pour le régime sioniste ?). Jacques Chirac devient premier ministre à cause de la Cohabitation et remet aux affaires africaines le « Monsieur Afrique » de De Gaulle, Jacques Foccart, qui revendique un néo-colonialisme gaulliste. Les relations entre la France et le Burkina se dégradent.

La trahison de Blaise Compaoré

Blaise Compaoré, le meilleur ami de Sankara, est chargé des relations avec la Côte d’Ivoire. Le président Félix Houphouët-Boigny lui présente sa femme Chantal Terrasson. Selon les camarades de Sankara, ce serait elle la source de la rupture Sankara/Compaoré. Dans le même temps, la population réclame davantage de libéralisme et Sankara est accusé de ne pas savoir déléguer. Deux factions se forment au sein du gouvernement, celle du clan Sankara et celle du clan Compaoré qui contrôle l’essentiel du pouvoir militaire. Sankara aurait déclaré à un de ses proches lui conseillant de mettre Compaoré, soupçonné de comploter contre lui, aux arrêts : « L’amitié ne se trahit pas » et que ce serait à Blaise de le trahir. Lors du coup d’état du 15 octobre 1987, Sankara est assassiné avec 12 de ses compagnons. Selon ses compagnons, il a accepté sa mort tel un suicide car au moins cela laisse une grandeur, un symbole.

Blaise Compaoré devenu président met en place une politique de rectification de la révolution qui est en fait un retour à la normale.

Le parcours de Thomas Sankara est intéressant à plus d’un titre pour E&R. Alain Soral a déclaré lors de l’UDT 2008 que la seule alternative qu’il voyait au « fascisme financier » est un nationalisme qui serait forcément de type autoritaire en raison des pressions extérieures. Les questions qui se posent au regard du parcours de Sankara sont de savoir dans quelle mesure ce pouvoir pourra être autoritaire sans perdre le soutien du peuple et où doit se situer les limites de cette autorité pour éviter les dérives (bien que la situation de la France aujourd’hui, ne soit évidemment pas comparable à celle du Burkina en 1983), et aussi jusqu’où pourrions nous aller contre l’empire sans le soutien de puissances amies (Russie ? Venezuela ? Iran ? Cuba ?), et sans une coopération des nations européennes. De plus Sankara est aussi un symbole pour l’extrême-gauche française, souvent anti-nationale, et nous pourrions pointer du doigt leur mentalité néo-coloniale qui consiste à accorder aux africains le droit au patriotisme qu’ils refusent aux français.

Jean-Baptiste - E&R Languedoc-Roussillon