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De Kiev à Barcelone, le Système assassine les nations et les peuples – Entretien avec Lucien Cerise

Propos recueillis par Monika Berchvok pour Rivarol

Né en 1972, Lucien Cerise a une formation en sciences humaines et sociales, avec une spécialisation dans le langage et l’épistémologie. Venu sur le tard à la politique, il comprend, à l’occasion du référendum de 2005, que la question de la souveraineté nationale est essentielle. Poussant sa réflexion plus loin, il s’intéresse aux notions de frontière et de limite, aussi bien dans le champ politique que dans les domaines psychologique, éthique et comportemental.

 

Entretien paru dans Rivarol n°3302 du mercredi 25 octobre 2017.

 

Rivarol : Votre livre sur les événements de la place Maïdan a provoqué une vive polémique avec certains partisans de la cause nationaliste ukrainienne dans les rangs du camp nationaliste français. Pourquoi vous être intéressé à ce sujet et comprenez vous qu’il soit un facteur de division dans la famille nationale ?

Lucien Cerise : Mon intérêt pour les pays de l’Est vient d’origines familiales qui m’ont procuré une accoutumance aux langues et cultures de cette région du monde et qui orientent mon attention sur les questions géopolitiques. Du point de vue politique, j’adhère au nationalisme révolutionnaire, anticapitaliste et anti-impérialiste, et je travaille à libérer mon pays de l’Union européenne et de l’OTAN, deux organisations supranationales qui développent en Europe le marché sans frontières, l’immigration de remplacement et le LGBT.

Par solidarité, je me suis donc naturellement insurgé contre l’EuroMaïdan, dont l’objectif était de soumettre l’Ukraine à l’UE et à l’OTAN. Ces deux entités basées à Bruxelles œuvrent en synergie avec la finance internationale à répandre partout les pathologies sociales qui détruisent l’Occident depuis longtemps.

Aujourd’hui, l’Ukraine est totalement infectée, quelques exemples : Kiev a finalement signé le traité d’association avec l’UE, entré en vigueur le 1er septembre 2017 ; le FMI a mis la main sur le pays et déconstruit son économie par la dette et la vente à la découpe ; la guerre civile fait rage et provoque des troubles dans les pays voisins ; le Haut-commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés a obtenu le vote au parlement ukrainien d’un arsenal législatif de discrimination positive des minorités ethniques et sexuelles pour préparer l’arrivée de migrants extra-européens et « lutter contre l’homophobie » en Ukraine ; la Gay Pride de Kiev, autorisée depuis le coup d’État, attire chaque année plus de participants ; le Président du parlement, Andriy Parubiy, cofondateur du parti Svoboda, jugé néo-nazi, et le Président de la République, Petro Porochenko, travaillent main dans la main avec le Canada multi-culturaliste et LGBT de Justin Trudeau pour aligner l’Ukraine sur les valeurs de l’OTAN, alliance militaire créée en 1949 pour combattre le communisme et qui défend aujourd’hui les droits des transsexuels, avec en perspective d’attaquer la Russie.

Les fruits de la révolution de Maïdan sont donc pourris et dangereux, autant pour l’Ukraine que pour l’Europe. Les nationalistes européens attendent maintenant que les nationalistes ukrainiens lancent une contre-révolution vraiment nationale et conservatrice qui renverserait le gouvernement actuel, annulerait le traité d’association avec l’UE, interdirait l’intégration de l’Ukraine dans l’OTAN et remettrait le pays sur la voie que le président Yanoukovitch prenait en novembre 2013 avant d’être lui-même renversé. La division apparue dans la famille nationale française au sujet de l’Ukraine se résorberait alors toute seule.

 

Qui sont les véritables acteurs du coup de Maïdan ?

Le nationalisme ukrainien n’est qu’une pièce du puzzle. Pour avoir une vue d’ensemble, revenons dix ans plus tôt. L’ombre du milliardaire George Soros, omniprésente en Europe de l’Est depuis la chute du communisme, planait déjà sur la Révolution orange de 2004, tenue déjà sur la même place de Kiev dite Maïdan, et qui fut le Mai 68 des Ukrainiens, coup d’État sans morts qui devait arracher l’Ukraine à un passé rigide pour l’introduire au mode de vie occidental moderne. Basculer d’une société fermée et solide à une société ouverte et liquide, tel est le but de Soros, qui ne cache rien du rôle de sa fondation Open Society dans le financement d’ONG spécialisées dans l’agit-prop et les révolutions colorées libérales et progressistes. Par ailleurs, le podium de Maïdan a vu défiler pendant l’hiver 2013-2014 une série de sponsors occidentaux, dont John McCain, cheville ouvrière de la CIA, Victoria Nuland, aux Affaires étrangères sous Obama, Henri Malosse, technocrate de la Commission européenne, qui tous trois ont rencontré et adoubé Oleg Tiagnybok, Président de Svoboda, accusé d’antisémitisme mais soutenu également par Bernard-Henri Lévy et les oligarques juifs associés à Soros et aux Rothschild. Quant aux manifestants, certains étaient payés, d’autres bénévoles et venaient pour l’essentiel de trois groupes sociologiques : une extrême gauche cosmopolite et LGBT, un centre mou de braves gens croyant sincèrement aux sirènes de l’UE, et une extrême droite contrôlée par les services secrets anglo-américains depuis des décennies pour harceler Moscou – les preuves sont dans les archives déclassifiées en ligne de la CIA reproduites dans mon livre.

 

Au final, l’éclatement de l’Ukraine est-il un objectif commun aux Russes et aux atlantistes ?

L’éclatement de l’Ukraine n’est pas un objectif des atlantistes, au contraire, car ils voient ce pays comme une base militaire bien placée pour attaquer la Russie directement sur ses frontières. Le mouvement Azov, issu de Maïdan et appliquant les standards de l’OTAN selon ses termes, a un slogan : « Aujourd’hui l’Ukraine, demain la Rus’ et toute l’Europe. » Cet expansionnisme est freiné par l’attitude en retrait de la Russie, ce qui n’était pas prévu. En 2014, les putschistes espéraient que la Russie intervienne en Ukraine, ce qui aurait permis d’unifier l’Ukraine et l’Europe contre un ennemi commun. En adoptant un comportement simplement défensif ou humanitaire dans le Donbass, les Russes n’ont pas donné corps à une menace russe réelle, d’où les efforts atlantistes désespérés pour la faire exister dans le champ virtuel des médias et du langage, avec ses déclinaisons « invasion russe » et « agression russe ». Mais personne n’y croit vraiment, d’où cette ambiance de folie collective qui pousse Kiev à s’acharner sur le Donbass comme un bouc émissaire et qui conduit l’Ukraine au bord de l’éclatement, sans que les Russes aient besoin de faire grand-chose, même si cela les arrange certainement.

 

Des manipulations massives de l’information apparaissent à chaque fois que la Russie est dans l’obligation d’intervenir pour stopper des menaces contre ses frontières (cas de la Crimée) ou pour soutenir un allié (cas de la Syrie). Les forces atlantistes ont-elles un plan déjà en action pour cela ?

Le plan média atlantiste est toujours le même : marketing des idées, segmentation de l’information, management des perceptions et de la réputation. Le discours peut être complètement inversé et contradictoire selon le segment de public visé : pour diaboliser la Russie auprès du public de gauche, la Russie sera dite de droite nationaliste et accusée de persécuter les homosexuels, mais pour la diaboliser auprès du public de droite, la Russie sera de gauche néo-soviétique et accusée de persécuter les nationalistes ukrainiens. L’opinion publique toutes tendances confondues est ainsi préparée à attaquer « la Russie de Poutine » au moyen d’éléments de langage stéréotypés diffusés par des relais d’influence dans chaque milieu pour y faire de l’ingénierie sociale : susciter la méfiance et l’antipathie contre la Russie, toujours dans le rôle du bourreau ; faire monter la confiance et la sympathie envers les victimes de la Russie – nationalistes ou LGBT ; produire de l’indifférence sélective qui neutralise l’image repoussante des nationalistes pour le public de gauche, et des gauchistes pour le public de droite. Ces montages croisés peuvent conduire à des hybridations surprenantes : le journal de gauche libertaire Libération a une rubrique « Comité Ukraine », dont le slogan est « La révolution du Maïdan continue », et qui passe son temps à dénoncer « la Russie de Poutine » et « l’annexion de la Crimée », ce qui range Libération du même côté de la ligne de front que l’extrême droite ukrainienne. Cette union de la carpe et du lapin n’est pas contre-nature quand on remonte aux financements communs mais provoque des dissonances cognitives dans la propagande de guerre antirusse, menaçant son efficacité, ce qui oblige la communication atlantiste à faire du relooking pour diminuer la visibilité des néo-nazis ou du LGBT en Ukraine, au choix. À force de réécrire la réalité par segments, on en arrive à un paysage informationnel complètement disloqué, caractéristique de cette postmodernité en morceaux et de cette fuite en avant dans un monde virtuel faussaire où la copie cherche à remplacer complètement l’original.

 

Trump vous semble-t-il une marionnette des lobbies dans la guerre contre la Russie et ses alliés (Syrie, Iran...) ?

Trump n’est pas une marionnette au sens strict mais est contraint de faire avec les lobbies car ils sont incontournables. Le lobby pro-israélien au Congrès, par exemple, veut conquérir toute l’Eurasie avec un agenda par étapes : d’abord la Syrie et l’Ukraine, puis l’Iran et la Russie, la Corée du Nord, la Chine. Pour ne pas se laisser entraîner dans des guerres qu’il sait perdues d’avance, Trump doit donner une image de fermeté, parfois en commandant des simulacres d’opérations (missiles frappant à côté de l’aérodrome syrien), et occuper le terrain de la rhétorique belliqueuse pour ne pas la laisser entièrement aux néoconservateurs et garder un tout petit peu le contrôle de la situation.

 

La Russie travaille à la mise en place d’une contre-information via les réseaux sociaux, des agences ou des chaînes d’information comme Russia Today. Pensez-vous que cela soit efficace ? Un Soft Power russe est-il possible ?

Le Soft Power russe est plus que possible, il existe déjà en acte avec une certaine efficacité, sinon il n’y aurait pas cette hystérie autour de la « propagande russe ». Le monopole des médias occidentaux et de leurs agences de presse, AFP, AP et Reuters, est contesté par Internet et les médias russes, qui introduisent une source d’information alternative, ce qui dérange, d’où de gros efforts pour les discréditer et censurer, démontrant que le pluralisme des sources d’information est un problème en Occident.

 

Les récents événements de Catalogne semblent vous donner raison sur la stratégie d’éclatement des nations européennes. Avez-vous une analyse de la situation à Barcelone ?

Le pouvoir bruxellois traite l’indépendantisme catalan avec bienveillance, en comparaison du Donbass ou de la Crimée, dont le référendum pour quitter la nouvelle Ukraine du putsch européiste n’est évidemment pas reconnu par Bruxelles. En revanche, la Commission européenne a dit qu’elle respecterait le référendum catalan. Pourquoi ? Parce que Joan Maria Piqué, directeur de la communication internationale du gouvernement catalan, a dit que la Catalogne serait un jour membre de l’Union européenne.

 

La France pourrait-elle être la prochaine cible ?

L’Europe est la cible. La dissolution des États-nations d’Europe est le grand dessein de la Commission européenne, qui entretient discrètement les régionalismes séparatistes. Heureusement, les révoltes nationalistes contre Bruxelles et l’euroscepticisme vont croissants. Pour gagner du temps en occupant les Européens avec de fausses pistes, des think-tanks atlantistes (Stratfor, CEPA) parrainent deux projets géopolitiques de diversion : le groupe de Visegrád et l’Intermarium, qui renforcent apparemment la cohésion des pays très nationalistes et conservateurs d’Europe de l’Est mais sont parfaitement inutiles si l’on reste dans Schengen, l’UE et l’OTAN. Le groupe de Visegrád est engagé dans un bras de fer avec Bruxelles, que Bruxelles gagnera sur le long terme par une guerre culturelle qui façonnera de nouvelles générations plus libérales, cosmopolites et régionalistes. En outre, si le gouvernement ultraconservateur de Pologne, pilier de Visegrád, n’est pas déjà renversé par une révolution colorée, c’est seulement qu’il est antirusse et que l’OTAN compte s’appuyer sur lui pour attaquer la Russie au moyen de l’Intermarium, coalition d’États de la Baltique à la mer Noire.

 

Sans parler des euro-régionalistes, existe-t-il un risque de chaos avec les masses de « réfugiés » et l’action de groupes d’extrême gauche en Europe ?

Oui, mais n’oublions pas que la stratégie de la tension et de gouvernance par le chaos, ou chaos contrôlé, utilise aussi l’extrême droite pour nous prendre en sandwich avec les réfugiés et l’extrême gauche. Le piège qui se referme sur nous peut être schématisé comme suit :

- 1) George Soros et ses associés travaillent à envoyer en Europe des millions d’immigrés, instrumentalisés pour attaquer les peuples d’Europe par la clochardisation, l’anarchie et le terrorisme, avec le soutien de l’extrême gauche.

- 2) Face à ce chaos migratoire entretenu, les partis politiques nationalistes européens montent en puissance et proposent une réponse institutionnelle, rationnelle, intelligente qui menace la stratégie du chaos total soutenue par l’UE, l’OTAN, le B’nai B’rith, etc.

- 3) La montée du chaos fait monter par réaction dans la population une demande légitime d’ordre, de sécurité et de retour des frontières. Pour parer à ce risque de réveil nationaliste, les stratèges du chaos total jouent avec un coup d’avance et vont proposer, face au chaos migratoire, des solutions elles-mêmes chaotiques contre l’immigration, pour essayer de démonétiser les solutions rationnelles proposées par les partis nationalistes institutionnels.

La prise en tenaille entre un vrai problème et une fausse solution qui aggrave le problème se réalise par la promotion des solutions non institutionnelles, individuelles ou groupusculaires, toujours en marge de l’État, comme le spontanéisme armé ou le paramilitaire plus ou moins survivaliste, qui s’accompagne de la diffusion des idées que la guerre ethnique est inévitable et que la Reconquista se fera nécessairement dans le sang.

Ici, l’extrême droite ukrainienne a un rôle à jouer et est vendue comme une avant-garde à imiter. Un mouvement comme Azov peut se développer librement en Europe, avec des représentants dans plusieurs pays et des sites internet sur lesquels il déclare ouvertement ses intentions expansionnistes, sans que cela ne provoque la moindre réaction des pouvoirs publics, pourtant censés combattre le retour de la « bête immonde », ni des médias, supposés être de gauche, ni de l’extrême gauche antifasciste, dont le silence est assourdissant.

L’indignation sélective du pouvoir occidental, fermant les yeux sur l’extrême droite, l’extrême gauche et l’islamisme quand ils sont antirusses, permet à ces réseaux néo-Gladio d’évoluer tranquillement dans une même philosophie ésotérique du chaos créateur et de la barbarie salvatrice. On pense au manuel du parfait djihadiste intitulé Management de la sauvagerie et diffusé à partir de 2004 dans les rangs d’Al-Qaïda, puis de Daech, pour attaquer le monde entier sauf Israël, ou au genre musical rock Black Metal, trait d’union entre l’extrême droite et l’extrême gauche de l’OTAN (Black Blocs) sur fond de nihilisme antichrétien, de satanisme et de produits psychotropes.

À l’occasion de la conférence « Pacte d’acier » (Pact of Steel) tenue à Kiev en décembre 2016, le mouvement Azov et ses amis se lançaient dans une apologie de l’occultisme et de la régression volontaire vers l’infrahumain au moyen du Black Metal, qualifiée de « musique de la mort ». Cette sous-culture américaine de l’ultra-violence présente un fort potentiel de conditionnement comportemental (Mind Control) et est utilisée par la CIA comme instrument de torture et de contrôle social. On ne construit évidemment rien, ni travail, ni famille, ni patrie, sur des bases aussi instables, conçues pour des adolescents en rébellion contre le père, soit la figure de Poutine à abattre absolument. En revanche, les fauteurs de guerre récupèrent facilement ce matériau humain pour en faire de la chair à canon.

La militarisation atlantiste de la culture et des phénomènes de mode adopte la forme d’un entonnoir, on ratisse large au début pour amener à la fin sur une seule idée, toujours la même : attaquer la Russie.

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