Lundi 18 novembre 2024, le comité spécial de l’Unesco (l’agence des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture) chargé de la protection des biens culturels en cas de conflit armé s’est réuni en urgence à la demande de Beyrouth pour décider de placer 34 sites du patrimoine libanais sous « protection renforcée ». Une initiative bienvenue, mais qui laisse encore sceptique beaucoup d’acteurs de la société civile et d’archéologues.
« Tout dépend de l’ampleur que va prendre cette décision et de ses mécanismes d’application », relativise Charles Al-Hayek, chercheur en histoire basé à Beyrouth. Ce dernier a créé en 2020 la page Heritage and roots (Héritage et racines) sur les réseaux sociaux ainsi qu’une chaine Youtube pour parler d’histoire libanaise et de patrimoine (architectural, gastronomique, etc.). Depuis le début des bombardements israéliens, il tente de relayer les appels à l’aide pour protéger plusieurs sites archéologiques.
La décision de l’Unesco de mettre sous protection renforcée 34 sites se base sur la convention de la Haye de 1954 pour la protection du patrimoine en cas de conflit, notamment avec la création « au sein des forces armées des unités spéciales chargées de la protection des biens culturels ». La prise pour cible de sites protégés par l’Unesco peut constituer un crime de guerre selon la Cour pénale internationale. Le critère pour choisir les lieux à protéger est fait en fonction de « leur plus haute valeur pour l’humanité », explique sur France culture le chercheur au CNRS Vincent Negri, et auteur du livre Le patrimoine culturel, cible des conflits armés. Il estime que la décision de l’Unesco doit surtout envoyer un « signal fort » aux forces armées israéliennes dans un premier temps.
Des palais, et des oliviers centenaires
Plus de 300 universitaires et professionnels du monde de la culture avaient aussi signé une pétition le 17 novembre 2024 pour demander à garantir la protection du patrimoine libanais. Une centaine de députés libanais avaient aussi alerté début novembre sur les destructions, et réclamé à l’Unesco de protéger les sites. « Ce qui est sûr, c’est qu’au moins une trentaine de villages ont été détruits » dans le Sud Liban, rappelle Charles Al-Hayek.
En plus des trois sites libanais — Tyr, Baalbek et Anjar — classés au patrimoine mondial et directement menacés, le sud du pays, bombardé depuis le 8 octobre 2023, compte pléthore de villages avec des églises, des mosquées et des souks datant de la période des croisades et ottomane.
Depuis le début des bombardements israéliens, plus de 3 480 personnes ont été tuées et plus de 880 000 ont été déplacées à l’intérieur du pays, selon les chiffres de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Face au drame humain, le patrimoine tangible et intangible est souvent mis de côté, « mais il ne doit pas être oublié, car pour les Libanais, c’est une partie de leur identité », explique Sarkis Khoury, directeur général des Antiquités au sein du ministère de la culture libanais. Il a été chargé avec son département d’élaborer la liste des sites menacés, soumise ensuite à l’Unesco. On y trouve notamment les forteresses de Tebnine et Beaufort (XIIe et XIIIe siècles), le palais Beiteddine (XIXe siècle) et le musée national de Beyrouth, en plus de sites déjà classés au patrimoine mondial de l’UNESCO.
« Pour l’instant, nous documentons et recensons les destructions et les dommages. Ce sera ensuite au gouvernement libanais de décider s’il dépose plainte auprès de la Cour pénale internationale », explique Mostafa Adib, ambassadeur du Liban à l’Unesco et à Berlin.
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