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Opération Coutenance : les Anglo-Soviétiques font main basse sur l’Iran

Partie 1, par Nabucco

Août 1941. L’Europe marche au son des canons. Depuis le 22 juin 1941, la Wehrmacht se fraie rapidement un chemin au cœur de l’Union soviétique. En Afrique, les blindés de l’Afrikakorps s’approchent dangereusement de la frontière égyptienne. L’Orient, lui-même, n’est pas épargné par la guerre mondiale.

En mai 1941, les Britanniques ont mis un terme à la rébellion irakienne et occupé le pays en quelques semaines. Le mois suivant, la Syrie et le Liban sous mandat français sont eux aussi investis et occupés par les troupes du Commonwealth assistées par les Français libres du général De Gaulle.

Dans ce contexte, l’Iran apparaît comme un havre fragile dans l’œil du cyclone. Traditionnellement entouré de puissances hostiles (Russes, Anglais, Ottomans), le pays a connu de nombreuses amputations au cours des XIXème et XXème siècles.

 

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Carte des modifications territoriales de la Perse/Iran aux XIXe et XXe siècle

 

Depuis 1921, l’Iran est dirigé le général Reza Khan Mir Panj qui, en 1926, devient le nouveau shah d’Iran sous le nom de Reza Shah Pahlavi. À l’image de la Turquie kémaliste, l’Iran se modernise et se laïcise. Cette occidentalisation menée d’une main de fer vaudra au nouveau souverain l’inimitié d’une partie de la population, notamment des religieux chiites et des masses paysannes très pieuses.

Selon l’adage les ennemis de mes ennemis sont mes amis, afin de faire contrepoids à l’envahissante amitié Britannique, les autorités iraniennes développent dans les années 30 un étroit partenariat économique avec l’Allemagne. Une partie de la production de pétrole iranien (10,5 millions de tonnes en 1938) est exporté vers le IIIe Reich qui constitue, en 1939, le premier client de l’Iran.

En septembre 1939, le déclenchement de la Seconde Guerre Mondiale donne son véritable sens à l’expression or noir. A l’ère du moteur et des grandes opérations mobiles s’appuyant sur le tandem chars-avions, le pétrole est une donnée stratégique essentielle pour les différents belligérants. D’autant plus que le conflit déborde des frontières de l’Europe et se globalise véritablement durant l’année 1941. Peu à peu, l’odeur de la poudre exhale ses relents mortels vers les frontières iraniennes.

 

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Panzer III en Russie (opération Barbarossa, 1941)

 

Dès juin 1941, les journaux britanniques et soviétiques se déchaînent contre l’accueil de Rachid Ali et des leaders de la rébellion irakienne qui sont venus se réfugier en Iran. La présence de la pléthorique colonie allemande (690 ressortissants) à Téhéran est également observée d’un monocle soupçonneux par le Foreign Office, les Affaires étrangères britanniques. Des notes diplomatiques sont adressées au gouvernement du shah afin que soient expulsés d’Iran tous les ressortissants de l’Axe. Ces requêtes reçoivent une fin de non-recevoir de la part de l’Iran. Le 13 août 1941, une intervention militaire conjointe des Anglais et des Soviétiques est décidée.

Outre la germanophilie supposée des Iraniens, un certain nombre d’arrière-pensées motivent Winnie [1] et Oncle Joe [2]. En premier lieu, évidemment, la volonté d’occuper le quatrième État producteur de pétrole au monde. En second lieu, l’opération Coutenance est un signe concret envoyé aux Allemands sur la réalité de la nouvelle alliance anglo-soviétique, un moyen de sceller leur pacte par le fer et le sang.

En dernier lieu, la Russie bénéficie de la loi Prêt-Bail. Une loi votée en mars 1941 par le Congrès américain afin d’acheminer des armes et du ravitaillement vers l’Angleterre, puis la Russie. Or, à cette époque les seules voies d’accès vers l’URSS sont maritimes : le lointain port de Vladivostok, dans l’Extrême-Orient russe et le port de Mourmansk, sur la mer de Barents. Or, ce dernier port est constamment bombardé par la Luftwaffe, tandis qu’au large, les sous-marins allemands rodent et torpillent une partie notable des cargos britanniques.

 

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Cargos britanniques assaillis par la Luftwaffe dans l’océan arctique

 

L’Iran, via le golfe Persique, constitue alors une alternative sécurisée pour acheminer le matériel anglo-américain par voie maritime, puis terrestre jusqu’au Caucase soviétique. Encore faudrait-il que les autorités iraniennes acceptent d’abandonner leur souveraineté et de s’engager dans un camp. Ce qui n’est pas le cas.

Au nord-ouest, trois armées soviétiques, les 44e, 47e et 53e armées (l’équivalent de trois corps d’armée) sont chargées de franchir la frontière iranienne sans préavis. Une colonne blindée doit progresser depuis Tbilissi en Arménie soviétique vers Maku, ville frontalière de l’Azerbaïdjan occidental. Une seconde formation mécanisée doit filer depuis Bakou en direction de Bandar-e-Pahlavi (actuel Bandar-e-Anzali).

 

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Fantassins soviétiques et leur mitrailleuse Maxim

 

À l’extrême sud, depuis Bassorah, la 8ème division d’infanterie indienne a pour objectif de progresser vers les champs pétroliers et le port d’Abadan dans le Khouzistan iranien. Les marines britanniques, indiennes et australiennes, en soutien, ont pour mission de détruire la petite flotte iranienne qui mouille dans le port. Au nord de ce regroupement, deux brigades blindées (2ème et 9ème) britanniques et indiennes ont la tâche de s’enfoncer au cœur de l’Iran vers Téhéran, depuis la frontière irakienne. Enfin, en soutien, venue de Syrie, la 10ème division d’infanterie indienne complète ce dispositif.

 

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Carte des opérations anglo-soviétiques contre l’Iran (août 1941)

 

Face à l’invasion, l’armée iranienne, surprise, n’a pas le temps d’achever sa mobilisation. L’Iran dispose de 9 divisions d’infanterie, une soixantaine de chars moyens d’origine tchèque CKD TNH (le Panzer 38 de la Wehrmacht) et légers CKD AH-IV. L’aviation iranienne, privée de pièces détachées pour ses modernes Hurricane et Curtiss Hawk 75A-9, est pratiquement clouée au sol.

 

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Char Iranien CKD TNH (1x 3.7 cm KwK 38(t) L/47.8)

 

Le 25 août, à l’aube, les alliés envahissent l’Iran. Au nord, les blindés soviétiques progressent rapidement vers leurs objectifs. Un débarquement à proximité de la ville de Bandar-e-Pahlavi permet de faire converger des forces importantes vers le plus important port iranien de la mer Caspienne. Plusieurs villes sont bombardées, notamment Gilan, des centaines de civils périssent sous les bombes soviétiques et britanniques.

 

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Char soviétique T-26 modèle 1937 dans les rues de Tabriz (Iran, 1941)

 

Notes

[1] Winnie : Sobriquet donné par la presse Britannique à leur Premier Ministre Winston Churchill.

[2] Oncle Joe : Surnom attribué à Joseph Staline par les anglo-saxons.

 






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  • #272029


    Encore faudrait-il que les autorités iraniennes acceptent d’abandonner leur souveraineté et de s’engager dans un camp. Ce qui n’est pas le cas.



    heu, pas sur, rappelons par exemple que pendant la guerre l’iran a fabriqué sous licence pour le compte de l’armée rouge des mitraillettes PPSH41 sous le nom de Modèle 1322 :




    En 1943 (an 1322 du calendrier persan), l’Arsenal iranien de Mosalassi entreprit la fabrication du pistolet mitrailleur PPSh-41 pour le compte de l’Armée rouge, grande consommatrice de cette catégorie d’arme au cours de la Seconde Guerre mondiale sous le nom de Modèle 1322. Ce PM iranien était mieux fini que l’original soviétique. Les premiers Modèle 1322 tiraient le 7,62 x 25 mm TT quand ceux fabriqués après 1945 furent chambrés en 9 mm Parabellum. Au cours des années 1950 et 1960, l’Iran s’équipa de M3A1 Grease gun américains et d’Uzi fabriqués en Belgique par FN Herstal.


     

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  • #272350

    Instructif sur un événement méconnu de cette guerre. Mais ce n’est pas étonnant étant donné l’importance vitale du pétrole lors d’un tel conflit.

    Un petit détail cependant : la photo du char allemand est un type IV et non un type III. Il est reconnaissable à son train de roulement à 8 roues (contre 6 pour le Pz III) et à son canon de 75 mm court (contre des 50 mm ou des 37 mm pour les Pz III en 41).

     

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