Planté dans les entrailles fumantes de l’Amérique, le thermomètre des relations raciales enregistre l’état des rapports qu’entretiennent les communautés du pays les unes avec les autres. Sans plus attendre, jeton un œil au mercure de ces dernières semaines.
- Ébène et ivoire, disharmonie notoire
Frisco, Texas – 02/04/2025. Compétition d’athlétisme inter-lycées. Une pluie battante pousse Karmelo Anthony, étudiant noir de la Centennial High School, à s’abriter sous la tente du lycée rival de Memorial. Un élève blanc de cet établissement, Austin Metcalf, décide de faire sortir l’intrus et l’empoigne. Des mots s’échangent puis, coupant court au débat, Karmelo plante son couteau dans le cœur d’Austin. Celui-ci décède quelques minutes après dans les bras de son frère, avant que l’auteur présumé du coup fatal ne soit appréhendé par les forces de l’ordre [1].
L’affaire est immédiatement offerte aux appréciations – toujours pondérées – de la twittosphère, qui s’entredéchire dans l’instant. Côté Amérique blanche, on dénonce la sauvagerie gratuite de Karmelo et son absence totale d’empathie pour la victime. On en profite pour ressortir les statistiques criminelles du FBI [2] et rappeler la surreprésentation des Afro-Américains dans celles- ci. Côté Amérique noire, on invoque la légitime défense et un contexte de racisme systémique tel, qu’il est légitime pour un lycéen afro de venir armé au bahut. On renvoie aussi l’autre camp à l’acquittement de Kyle Rittenhouse, adolescent blanc qui avait abattu deux manifestants pendant des pillages en l’honneur de George Floyd [3]. En somme, un dialogue stérile entre deux bords antagonistes, aux perceptions opposées et points de vue irréconciliables, des anonymes jusqu’aux intéressés.
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- Les noirs discriminés – Édition Sport – Épisode 35824
Green Bay, Wisconsin – 26/04/2025. La draft NFL est la première grand-messe de la saison de football américain, où les meilleurs joueurs universitaires sont recrutés par les franchises de la ligue professionnelle. Et chaque année, le jeu des pronostics quant à l’ordre de sélection des heureux élus agite le pays. Or, en cette édition 2025, le nom du prometteur Shedeur Sanders tarde à se faire entendre à la tribune. Fils de la légende Deion Sanders, professionnel à la fois de foot US et de baseball, Shedeur est à 23 ans un personnage déjà clivant [4]. Arrogant comme l’était son père, le rookie afro-américain a promis rien moins qu’une révolution au club qui le sélectionnerait. Or, lui qui se voyait drafté parmi les premiers n’est appelé par les Cleveland Browns qu’au cinquième tour de sélection, en 144e choix. Une leçon d’humilité basée sur des critères sportifs selon certains [5], mais motivée par un racisme profond selon d’autres. Deux des voix les plus médiatiques du sport US y sont d’ailleurs allées de leur couplet victimaire ou ethnomasochiste, en dénonçant une volonté d’humilier un jeune noir trop sûr de lui (photo ci- dessus) au sein d’une ligue d’hommes trop blancs (vidéo ci-dessous). Une antienne reprise majoritairement – et quasi exclusivement – par des twittos noirs, en apparence peu sensibles au fait que 70 % des joueurs NFL partage déjà leur couleur de peau. De quoi faire grimper la température d’une ligue régulièrement échaudée par la question raciale.
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Rochester, Minnesota – 30/04/2025. Un tiktokeur/délinquant sexuel somalien enregistre une femme blanche, Shiloh Hendricks, alors que celle-ci traite de « nègre » un enfant noir de 5 ans. Pour se défendre, la mère de famille accuse le garçon d’avoir volé des jouets à son enfant de 18 mois. Qu’importe sa foi, qu’elle fut bonne ou pas, la vidéo finit sur les réseaux et les enfers se déchaînent sur Shiloh. Une fraction de la communauté afro-américaine maudit cette incarnation peroxydée du suprémacisme blanc et, en bonne amatrice de justice populaire, invite les éléments les plus subtils de la meute à faire physiquement payer l’impudente [6]. Celle-ci lance de son côté une cagnotte pour « protéger sa famille » et atteint rapidement le demi-million de dollars de dons. Une manière de rajouter l’insulte à l’infamie pour certains BIPOC (Blacks, Indigenous and People of Colour) qui redoublent alors de virulence. De son côté, une partie de l’Amérique blanche vient au secours de Shiloh et refuse le repentir. On justifie l’écart de langage par cette fatigue [7] que l’on ressentirait à trop devoir côtoyer des gens non civilisés, et on se désespère que les finances du vidéaste amateur, comme celles de Karmelo, aient profité de la situation. Impasse complète en somme. Ce qui ne manquera pas d’interroger quant à la morale de ces histoires et à l’état de la société dans laquelle elles sont nées.
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Philadelphie, Pennsylvanie – 04/05/2025. Un groupe d’étudiants festoient gaiement dans un des établissements nocturnes de la ville. Sous l’emprise d’un état alcoolique avancé, la joyeuse troupe outrepasse les limites du raisonnable et fait accompagner sa nouvelle commande de champagne d’un lumineux écriteau indiquant « Fuck the Jews ». Une horreur reprise par votre serviteur bien malgré lui et à laquelle il ne sera pas fait l’honneur d’une traduction littérale, raison judiciaire devoir de mémoire oblige. Or, le patron du bar n’est autre que le médiatique Dave Portnoy, fondateur du média culturo-sportif Barstools, créateur du site de pari sportif Thegamblingan et juif de confession. Une fois la vidéo portée à son attention, Dave enrage. Dans son sillage, la team kippa lui emboîte le pas et traque aussitôt en ligne les responsables de la farce [8]. Ayant un temps envisagé la méthode Klarsfeld lui aussi, Portnoy tempère finalement et propose à la place un voyage tous frais payés en Pologne aux deux auteurs de la blague. L’objet du voyage n’est évidemment pas d’arpenter les rues pavées de la charmante bourgade d’Oswiecim (ou Auschwitz pour les nostalgiques) mais bien d’aller s’immerger dans l’atmosphère de l’ancien camp et réaliser à quoi mène la haine [9]. Une main tendue hélas rejetée par les intéressés, au grand malheur de Dave et de sa communauté. On avait pourtant dit « plus jamais ça ».
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Bonus : Billet d’humeur, par Nick Fuentes
Ça sent l’hyperthermie.