On ne présente guère plus Ye que pour rappeler aux étourdis son dernier sobriquet. Kanye, Mr. West, Yeezy… autant des pseudos qui ont marqué l’histoire pour qui goûte le rap, la mode et les drames judéocentrés. Une tendance à ces derniers que le temps n’a d’ailleurs en rien altérée, ainsi qu’en attestent les trois dernières années.
Si Kanye West est aujourd’hui connu de dissidents français haïssant le hip-hop – il y en a –, ses positions polémiques sur fond d’antisémitisme et de complot juif global y sont pour beaucoup. L’intelligentsia mondialiste a eu beau lui faire payer ses saillies henryfordiennes au prix fort – lui confisquant ses réseaux, ses lingots, sa bimbo –, l’artiste n’en a jamais démordu. Multirécidiviste dans l’outrage à saint Shlomo, Ye ne revendique jamais autant sa liberté de parler qu’après une condamnation unanime de la Communauté. Celle-ci a eu beau l’ériger en incarnation quasi-biblique du mal outre-Atlantique, à l’instar de gens de la trempe de Trump, Ye continue de dire leurs quatre vérités à ses adversaires favoris. Aussi, revenons sur la relation Kanye-Team Yavhé, en quelques moments-clés.
Ye et son Death Con 3
Le 8 octobre 2022, Ye déclare une guerre numérique à la communauté juive internationale [1]. Testant les censeurs de Twitter, le rappeur le plus subversif de l’histoire déterre la hache d’un message concis et plein de promesses : « Je suis un peu endormi ce soir, mais quand je me réveillerai, je ferai un death con 3 sur le PEUPLE JUIF ». Pour les non-initiés à l’art subtil de la phraséologie martiale étasunienne, Death Con 3 est un homonyme du terme Defcon 3 (Defense Readiness Condition n3), un niveau de préparation des forces armées utilisé en situation d’alerte. De quoi légitimement échauder les cibles engagées et leur faire craindre un holocauste par wifi interposé. Face à l’imminence du péril, les officines communautaires en appellent au bon cœur de tous et, moyennant quelque menace habilement proférée, obtiennent la suspension immédiate du compte de Ye. Certaines lamentations émeuvent mieux que d’autres.
- Twitter Ye : le bruit des bots
Ye et son Drink Champs
Le 17 octobre 2022, Ye fait une visite de courtoisie à N.O.R.E. et DJ EFN, sur le plateau de leur podcast Drink Champs. Plus tôt dans l’année, Ye avait déjà laissé ses hôtes dans l’inconfort le plus total après avoir étrillé, trois heures durant, quelques-uns des noms les plus prestigieux du showbiz. Cette fois-ci, West revient sur les lieux du crime avec des intentions autrement plus sérieuses et délaisse les frivoles célébrités pour s’en prendre aux entrailles du Système. Afin de mettre tout le monde à l’aise, Kanye dénonce d’emblée l’escroquerie Black Lives Matter, puis fustige la propagande victimaire propagée dans les cerveaux friables de ses congénères. Déjà dénigré pour ses allégeances trumpiennes, le natif de Chicago commet enfin l’irréparable : il refuse l’adoration de l’immaculé George Floyd et vilipende le contrôle des stars noires par des éminences juives. Une diatribe qui poussera N.O.R.E. à se désolidariser du blasphémateur, comme il est de rigueur quand on a un loyer à payer [2]. C’est moche un rappeur qui vieillit.
Ye et son docteur juif
Le 28 octobre 2022, Ye est interviewé au sortir d’un match de basket. Mais rapidement, le sport cesse d’être le sujet central des échanges et l’artiste, dans ce que ce qui restera l’un des instants les plus comiquement viraux de sa prolifique carrière, pose un diagnostic sans concession sur sa santé mentale [3]. Selon lui, un porteur de kippa mal intentionné aurait voulu punir sa trop grande liberté en le faisant interner contre sa volonté. Craignant qu’une lourde médication n’altère sa clairvoyance et son art, Ye laisse même entendre que le scélérat ait pu souhaiter attenter à ses jours. La coupe, déjà copieusement remplie, déborde définitivement lorsque West dénonce, iPhone à l’appui, le contrôle total exercé par des personnes de confession juive sur le divertissement et les médias américains. Cette remise au goût du jour d’un stéréotype éprouvé éculé lui vaudra la perte de son juteux contrat Adidas et un rappel à la loi. Abrahamique, s’entend.
Ye et son Info Wars
Le 30 novembre 2022, Ye revient plus provoquant que jamais sur le plateau d’Alex Jones [4]. Invité par l’un des pères de la dissidence US à clarifier ses récentes déclarations, le rappeur ne trahit pas les attentes. Question décorum, le ton est donné par l’accoutrement choisi pour l’occasion : un bombers de biker surmonté d’une cagoule intégrale. L’entrée est lunaire, la suite ne l’est pas moins. Dans une tirade désormais aussi célèbre que ses plus grands succès, Ye déclare sa flamme au chancelier du IIIe Reich. Le présentateur a beau lui tendre perche sur perche pour lui permettre de nuancer son propos, Ye préfère surenchérir, en attribuant aux juifs la paternité de la pornographie et aux sionistes, une hérédité satanique. Une salve négationniste finale contraint même Alex Jones à filer en coulisses, sous les yeux d’un Nick Fuentes amusé. La Communauté, moins hilare, condamne le dérapage et rejette les excuses de West. On ne peut pas aimer les juifs et les nazis. Que ce soit dit.
Ye et sa fièvre de février
Le 7 février 2025, Ye revient aux affaires après trois ans d’une discrétion exemplaire (ou presque). En pleine promotion pour la sortie de trois albums concomitants, l’artiste utilise X – seule plateforme mainstream qui ne lui soit pas défendue – pour rappeler le monde connecté à son bon souvenir. Et comme à son habitude, il cible ses religieux préférés pour créer cette viralité que convoite tout aspirant à la célébrité [5]. Perdre un milliard de dollars en contrats et opportunités ne l’en a donc manifestement pas dissuadé ; tant s’en faut. Ainsi, après avoir insulté un styliste décédé et plaidé la cause d’un violeur inculpé, Ye déclare être un nazi et adorer Hitler. Un aveu frappé sur la toile en lettres capitales, afin d’évincer toute ambiguïté. Mission accomplie. Le message, reçu 5 sur 5, lui vaut son contrat avec l’agence artistique 33 & West et le titre redouté d’ « Antisémite de l’année 2022 », décerné par l’American Jewish Committee (Amicale des larmes éternelles). Maigre consolation, diront certains.
- Quand février fait vriller Ye
Ye et son t-shirt
Le 8 février 2025, Ye donne un coup de jeune à sa boutique en ligne. Designer émérite et influenceur mode majeur de ce début de siècle (si, si...), le styliste délaisse sa collection foisonnante et opte pour une approche plus épurée. Il décide de ne plus commercialiser qu’un seul produit sur son site, pour une poignée de dollars. Un saut de la mort commercial finement planifié, pense-t-on alors, Ye n’étant pas connu pour aimer perdre de l’argent. Mais la consultation du site fait vite déchanter jusqu’à ses fans les plus dévoués. N’y est plus vendu en effet qu’un bête tee-shirt blanc. Avec une grosse croix gammée noire au milieu. Rien d’autre. Pas même le symbole « barré », comme sur les abominables chiffons que revêtent les non moins infâmes militants antiracistes de nos métropoles progressistes. Le pari est osé. Hélas pour Ye, il s’avère perdant et son site est fermé quelques jours plus tard par la plateforme Shopify [6]. On peut parler chiffons, mais pas avec n’importe qui.
- 1994-2025 : de Kanye à Klan-Ye
Ye et sa chanson
Le 8 mai 2025, Ye met en ligne une exclusivité tirée de son douzième album, le bien nommé Cuck. Jusque-là, rien d’inhabituel ; si ce n’est la pensée furtive à Henri de Lesquen qu’évoque ce titre aux polyglottes que nous sommes. La chanson, en revanche, est intitulée Heil Hitler ; ce qui est moins commun. Car nul n’ignore qu’il demeure un stigmate vibrant à se parer des oripeaux de l’Allemagne nazie, même de longues années après sa gloire passée. L’aura de cette curieuse période de l’histoire, en effet, semble n’avoir rien perdu de sa vigueur et saisir d’effroi, aujourd’hui encore, quiconque s’y trouve malgré lui associé. Pour Ye, c’est différent. La filiation au peintre contrarié devenu chef d’État adulé est revendiquée. Les écueils vécus par l’artiste dans sa croisade de vérité sont tels, qu’il se voie lui aussi en prophète martyr à la vision incomprise. Il a donc décidé de le dire en chanson. Et son génie, d’en faire le succès que nous savons [7].
Ye et ses excuses
Le 22 mai 2025, Ye demande miséricorde aux juifs et juives de ce bas monde et renie définitivement toute tendance antisémite. La hache de guerre est enterrée [8].
- On s’embrasse et on oublie ?
Léon et son avis
Alors ? Que conclure de cette relation toxique ? Ye déteste-t-il vraiment les juifs ? On n’ose y croire. Trop de tentatives d’apaisement clairsèment sa soi-disant hystérie antisémite, pour qu’on le croit totalement hostile au peuple (auto-)élu. En revanche, qu’il haïsse un système politico-médiatico-bancaire cadenassé par une minorité religieuse influente, cela s’entend. D’autant plus lorsque celle-ci donne, par ses représailles vengeresses disproportionnées, un curieux crédit à toutes les accusations dont Ye aime l’accabler.
Aussi, rien d’étonnant à voir le rappeur, dans une posture eschatologique du paria seul contre tous, revêtir l’habit du diable teuton et défourailler à l’avenant. Parfois, il fait mouche et révèle sa cible sous le jour qui est vraiment le sien. Parfois, il rate son effet et rajoute une confusion grossière à un climat déjà délétère.
Mais peut-on le lui reprocher ?
Après tout, Ye a été diagnostiqué bipolaire en 2017. L’argument est d’ailleurs régulièrement invoqué par ses adversaires pour déprécier ses propos dérangeants au rang de babillages pathologiques. N’étant praticien lui-même, votre serviteur se gardera de porter le moindre jugement. Mais si le mal est avéré et les tares invétérées, est-il vraiment éthique de retenir contre l’artiste ses paroles déplacées ? Si maître Jakubowicz a pu plaider l’irresponsabilité pour Lelhandais, qui nous empêche d’en faire autant pour Ye ? Hein... QUI ?
- Vous le savez bien…