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13 septembre 2022 : dernier souffle pour Jean-Luc Godard

Le cinéma iconique, pour le spectateur moyen, ce serait probablement Jean-Luc Godard comme figure du réalisateur, Brigitte Bardot comme modèle d’actrice et Georges Delerue à la musique. Finalement, l’image archétypique du cinéma dans l’inconscient du spectateur moyen (et aussi d’âge moyen), c’est un peu ça :

 

 

Jean-Luc Godard est donc une icône, et comme icône il a produit au moins un film culte, en l’occurrence son premier film, À bout de souffle (1960), avec Jean-Paul Belmondo (dont nous avons d’ailleurs fait la nécrologie ici – nécrologies qui s’enchaînent de plus en plus vite, signe décisif que nous arrivons à la phase terminale d’une époque bientôt révolue). Mais film culte ne signifie pas chef d’œuvre, bien que certains cumulent les deux (La Passion de Jeanne d’Arc (1928), Citizen Kane (1941), Il était une fois dans l’Ouest (1968) ou la trilogie des Parrain, par exemple).

En définitive, Jean-Luc Godard était aussi (et peut-être surtout) une image, celui du réalisateur de génie dont les films ne peuvent que survoler l’art cinématographique, à tel point que plus personne ne les regardait. Comme si les films de Godard n’étaient pas faits pour être vus, mais seulement pour exister, comme des objets symboliques. Godard fascine, Godard interroge, et in extremis Godard contraint à se déterminer.

Car, en effet, Jean-Luc Godard, c’est celui que l’on adore ou que l’on déteste et choisir son camp vous positionne et vous engage. Impossible de choisir la demi-mesure devant des films rapidement assommants dès que l’on sort de la période Anna Karina (et même déjà pendant cette période diront les mauvaises langues, Godard évoluant lentement du film intelligent au film intellichiant). Jean-Luc Godard, c’est de l’art contemporain, de celui dont il faut une longue explication de texte pour en savourer le génie. D’aucuns pensent que c’est précisément l’exact contraire de l’art, de son objet et de sa finalité. Voire...

 

 

Mais l’art de Jean-Luc Godard n’est pas que dans le cinéma, il est aussi dans la manifestation de son être, un physique singulier, le blésement d’une voix caractéristique, des formules qui marquent (« Quand on va au cinéma, on lève la tête. Quand on regarde la télévision, on la baisse. »). Cela concourt à l’objet culte Godard, parfois moqué par les imitateurs.

 

 

Et puis Jean-Luc Godard, c’est aussi le cinéaste politique, le cinéaste engagé. Sa période « gauchiste » – comme le disait même un Costa-Gavras, en la critiquant par ailleurs – donna des résultats cinématographiques approximatifs, curieux ou parfois critiquables. Et parmi ses diverses prises de position sur tel ou tel sujet, c’est son positionnement antisioniste qui le fit soupçonner bien naturellement d’antisémitisme. Il faut dire que certaines sorties prêtèrent le flanc à cette critique :

Les attentats-suicides des Palestiniens pour parvenir à faire exister un État palestinien ressemblent en fin de compte à ce que firent les juifs en se laissant conduire comme des moutons et exterminer dans les chambres à gaz, se sacrifiant ainsi pour parvenir à faire exister l’État d’Israël.

Notons d’ailleurs que cette affirmation est fausse pour deux raisons. Tout d’abord, on ne peut prêter une telle intention, presque téléologique, dans l’attitude des juifs, alors que le sionisme n’était pas réellement pour ces juifs du quotidien un concept particulièrement concret ou possiblement proche.

 

Il y a un certain temps déjà, il y eut un projet de film où Godard devait débattre avec Claude Lanzmann – Shoah (1985). L’arbitre de ce dialogue devait être Bernard-Henri Lévy : « Lanzmann et moi étions les instruments de sa cure : celle d’un antisémite qui essaye de se soigner. J’étais prêt à jouer le jeu, mais il a changé de plan. »

Cet entretien ne vit donc pas le jour et nous ne saurons jamais si nous devons le déplorer. Il est bien probable que beaucoup d’eau tiède en serait sorti, alors même que Jean-Luc Godard disposait vraisemblablement d’un avis assez arrêté sur la question, lui qui avait d’une part grandi avec un grand-père maternel assez hostile aux « youpins » (sic !) et qui d’autre part avait dit quelques années auparavant que « les juifs font aux Arabes ce que les nazis ont fait aux juifs ». Ce débat aura lieu outre-tombe, Godard ayant désormais rejoint Claude Lanzmann.

 

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Bonus pour les intellos

Jean-Luc Godard, sur E&R :

 






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52 Commentaires

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  • #3029534
    Le 14 septembre 2022 à 17:35 par Archo
    13 septembre 2022 : dernier souffle pour Jean-Luc Godard

    Face au cinéma italien, japonais, américain et russe, le cinéma français n’est qu’un art mineur.

     

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  • #3029587
    Le 14 septembre 2022 à 19:24 par Prosper Youplaboum
    13 septembre 2022 : dernier souffle pour Jean-Luc Godard

    "Et mes jambes, tu les aimes mes jambes ?""Si vous n’aimez pas la campagne, si vous n’aimez pas la ville, allez vous faire foutre" "ma ligne de chance/ta ligne de hanches", le plus long travelling du cinéma pour l’embouteillage de "Week-end", les Rolling Stones qui créent devant sa caméra "Sympathy for the devil"....un véritable laboratoire à idées, le génie du fragment, de l’association et de l’intuition, inventeur de formes et dont TOUT le cinéma mondial lui doit qq chose : de David Lean à Wong-Kar Wai, de Gaspar Noé à Carax en passant par Tarantino ou De Palma. J’aimais bien quand il passait à la télé, et saboter le process...Dire qu’il voulait inscrire sur sa tombe "au contraire" n’est pas surprenant....

     

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    • #3029995
      Le Septembre 2022 à 14:01 par Bibi
      13 septembre 2022 : dernier souffle pour Jean-Luc Godard

      Tout comme Scorcese qui lui rend hommage dans Mean streets quand Harvey Keitel simule un coup de feu allongé dans une chambre d’hôtel avec sa maîtresse.
      Godard a entrouvert une multitude de possibilités cinématographiques, pour cela il me fait penser à Pasolini en plus décousu.

       
  • #3029590
    Le 14 septembre 2022 à 19:32 par Jacques
    13 septembre 2022 : dernier souffle pour Jean-Luc Godard

    N’est-ce pas entre autres Godard que Lino Ventura évoquait, lorsqu’il parlait des réalisateurs qui n’avaient pas vécu et qui faisaient du parisianisme ?

     

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  • #3029754
    Le 15 septembre 2022 à 08:13 par dédé
    13 septembre 2022 : dernier souffle pour Jean-Luc Godard

    quitte à choisir mon jour de mort en septembre, j’aurais choisi le 11 plutôt que le 13 septembre

     

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  • #3029805
    Le 15 septembre 2022 à 09:35 par André
    13 septembre 2022 : dernier souffle pour Jean-Luc Godard

    Désolé, mais le cinéma "révolutionnaire" de Godard ne m’a jamais attiré. Je n’y vois qu’une volonté de détruire toutes les anciennes conventions, sans rien proposer en retour. Toutes ces conventions, développées progressivement depuis les débuts du cinéma, visaient à créer l’illusion de la réalité, et c’était très bien ainsi. C’était pourquoi on "embarquait" dans une histoire, en oubliant le temps. Avec Godard, les dialogues sont quelconques, les acteurs ne sont pas concentrés et ont l’air de s’en foutre, les décors ont l’air de décors et on entend presque tourner le moteur de la caméra, bref l’illusion est complètement brisée. Et tout ça, c’est important, était conscient et voulu par Godard, qui voulait substituer l’ "auteur" à l’illusion. Chez moi, ses films n’ont donc jamais réussi qu’à générer deux types d’émotions, en alternance : soit une profonde irritation, soit une complète hilarité. Tout ça explique peut-être pourquoi le cinéma de Godard n’a pas eu de suite. Avec respect pour l’opinion contraire.

     

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  • #3029858
    Le 15 septembre 2022 à 10:34 par jour, nuit !
    13 septembre 2022 : dernier souffle pour Jean-Luc Godard

    On peut dire que ces hommes et ces femmes ont joué et écrit la vie encore rebelle et qui pourtant se dirige vers une soumission qui donne une impression de liberté ! du grand art !

     

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  • #3030012
    Le 15 septembre 2022 à 14:43 par dav59
    13 septembre 2022 : dernier souffle pour Jean-Luc Godard

    j’avoue que godard je m’en fou un peu...mon ciné a moi c’est plutot audiard gabin lino ventura..mais je viens d’entendre sur un reseau social le crachat du trés communautaire gerard darmon sur la dépouille a peine tiéde de godard jugé donc antisémite antisioniste antiisraelien... du coup je vais m’interesser a jean luc godard qui m’apparait sous un jour nouveau !! merci gérard...

     

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  • #3030038
    Le 15 septembre 2022 à 15:52 par Bianchi
    13 septembre 2022 : dernier souffle pour Jean-Luc Godard

    Godard était génial ..
    Grâce à lui tout le monde connaît la Casa Malaparte .

     

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  • #3030052
    Le 15 septembre 2022 à 16:23 par Vakksen le Suédois
    13 septembre 2022 : dernier souffle pour Jean-Luc Godard

    Je viens de revoir "A bout de souffle". J’ai passé un bon moment de cinéma ? Oui. Adorable. Le saviez-vous ? Les villes où il y a le plus de belles filles sont Lausanne et Genève... dixit JLG dans le même film. Qu’en pense le Patron ?

     

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  • #3030089
    Le 15 septembre 2022 à 17:24 par Gros dard
    13 septembre 2022 : dernier souffle pour Jean-Luc Godard

    Ce soir, sur FAKENIOUZE, le paraît-il génial bock-côté parle de Godard. Un vilain antisémite, en plus pro-palesto, mais aussi un vilain Maoïste, mais moins vilain Maoïste que vilain antisémite... Je ne supporte plus. D’ailleurs, on dit des "bougnoules" et "négros" qui la ramènent sur les plateaux, mais ces précités sont "en tout ou partie" Français (après, Français de papier... Mais Français malgré tout, Voyez Zéribi). Ce canadien n’est pas Français et il vient nous expliquer la France, et il vient se poser en censeur, et il analyse, et il commente, et il conseille.
    Qu’il aille analyser Trudeau ce clown !
    Ceci dit, Godard, comme Voltaire et d’autres, avait compris, au moins, que partout où "ils" sont, ils foutent leur merde ! Godard Vs bock-côté ? On croit rèver... Darmon a peut-être un côté légitime, comme les autres de sa communauté, qu’on aime ou pas.
    Et, je m’en branle de Godard.

     

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