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Alter-Mondialisme, "Un autre monde (n’) est (pas) possible" ?

La "société civile" jouit d’une place de plus en plus déterminante sur la scène internationale. C’est notamment par leur présence au conseil économique et social des Nations Unies, que les OSC (Organismes de la Société Civile) parviennent à mettre en avant leurs idées, leurs diagnostics, et les préconisations qui en découlent.

Malgré la réputation de contre-pouvoir dont ils jouissent, il est nécessaire de s’interroger sur le rôle de certains OSC, ces derniers entretenant d’étroites relations avec le pouvoir politique et économique, allant même parfois jusqu’à prolonger la mise en œuvre de leurs objectifs. (1)

Mais là n’est pas l’unique rôle de la société civile, car il s’agit également de prétendre à un transfert de centre de décision. Il s’agit assurément du transfert du pouvoir du peuple (civique) vers une "société" indéterminée socialement, mais se revendiquant "civile". Cette particularité dialectique, bien souvent passée sous silence, contribue à la paralysie de la démocratie populaire. En effet, du point de vue de cette "société civile" autoproclamée, il s’agit d’influer, au nom du peuple et sans aucun mandat, sur des décisions échappant au contrôle démocratique et souverain des peuples. Ces décisions peuvent parfois influencer la vie politique internationale, et engager des mutations considérables dans l’équilibre géostratégique déjà précarisé par l’hégémonie des États-Unis et de leurs alliés au sein des Nations Unies.

Ceci étant dit, une partie de cette "société civile" se revendique d’un courant né lors des premiers Forums Sociaux : l’altermondialisme. Ce mouvement, auquel les médias ne semblent pas fermer les portes, est supporté par des critiques de la mondialisation, dont ils s’auto désignent porte-paroles. Pourtant, c’est un mouvement très hétérogène mais qui trouve malgré tout une relative unité dans la critique de la mondialisation néolibérale et de ses conséquences. Mais il y a un problème dialectique : L’alter-mondialisme, propose une autre (alter) mondialisation. "Un autre monde est possible" pour reprendre le slogan d’ATTAC (Association pour la Taxation des Transactions et pour l’Action Citoyenne).

Cet autre mondialisme est-il réellement un frein au mondialisme néolibéral, ou sert il à donner une légitimité à ce dernier tout en le faisant muter dans l’intérêt de l’oligarchie ? - Existe-t-il une "mondialisation heureuse" ?

Le premier problème frappant réside dans l’indistinction entre la mondialisation, qui est un processus naturel inhérent à l’accélération des échanges et de l’innovation technique ; et le mondialisme qui est une idéologie. Cette ambiguïté repose sur une incohérence dialectique :

- la proposition d’une alternative via un "autre-mondialisme", à visage plus humain.

- le refus d’un certain mondialisme "néolibéral", théorie économique dominant le système mondialisé.

Mais le système néolibéral n’a de libéral que son titre et est avant tout un système de domination mondiale comme un autre. Les économistes contemporains justifient les pratiques prédatrices de l’économie mondialisée par des théories vieilles de plusieurs siècles, ce qui est une imposture. Les véritables auteurs de ces théories seraient horrifiés par les pratiques actuelles. Il y a simplement un système de domination mondiale, que l’on peut examiner sur le plan économique, militaire, etc.

Le néo-libéralisme n’est qu’un outil pour soumettre les pays alliés à ce système de domination mondiale, en leur imposant une politique économique allant contre l’intérêt de leurs peuples. Pour les altermondialistes, il s’agit donc de discuter des modalités, du refus du néo-libéralisme économique par exemple, mais jamais du cadre général. Pourtant, c’est bien ce cadre qui est à la source des désordres actuels : le mondialisme, et non l’obéissance à une théorie économique, cette dernière ne servant qu’à verrouiller le ralliement forcé des États alliés (aliénés ?) à ce système de domination.

Les positions de Susan George, porte parole de l’altermondialisme et présidente d’honneur d’ATTAC, illustre parfaitement cette ambiguïté dialectique. Susan George s’est en effet associée à L’UNPA (Campagne pour la création d’une assemblée parlementaire des Nations Unies). L’UNPA est également soutenue par le COPAM (Comité pour un parlement mondial) dont le président est Olivier Giscard d’Estaing, mondialiste convaincu à qui l’on doit entres autres le TCE (Traité Constitutionnel Européen).

Lors du ralliement à l’UNPA, Olivier Giscard d’Estaing avait alors déclaré : "Nous avons donc le plaisir de joindre ce réseau. Quant aux détails de la proposition, je voulais mettre en évidence que selon notre point de vue, les futurs délégués d’une assemblée parlementaire mondiale, pourraient initialement être nommés par les Parlements nationaux. Cependant, nous croyons que les délégués ne devraient pas nécessairement être eux-mêmes des députés élus. Le cumul du mandat mondial avec un autre mandat parlementaire au niveau national serait à l’inconvénient du premier ». (2)

- Si les délégués ne devraient pas être des députés élus, seraient ils nommés comme le sont les commissaires européens ?

- Quand aux fameux "détails de la proposition", ne sont-ils que de simples "détails" ou changent-ils radicalement la donne lorsque l’on sait que le cadre général a déjà été débattu par l’oligarchie mondialiste ?

On pourrait trouver les réponses à ces questions en examinant d’autres propositions auxquelles Madame Susan George s’est associée, comme le "Global Marshall Plan", vague éponyme du Plan Marshall. Ce projet essentiellement américain est présidé par Al Gore et aspire à « la création d’une économie de marché écologique et sociale à l’échelle mondiale ». La reprise du nom du Plan Marshall américain d’après guerre, dont fut issue une grande partie des européanistes et atlantistes français (comme Jean Guyot ou Jean Monnet), ne semble vraiment pas dû au hasard..(3) Le fait que l’oligarchie mondialiste cherche à coopter les alternatives économiques au mondialisme néolibéral n’a rien de surprenant non plus, ni qu’elle en soit à l’origine comme dans ce cas précis. (4)

Ainsi se dessinent les connivences silencieuses qui existent entre l’alter-"mondialisme" et l’oligarchie mondialiste dont Al Gore et Olivier Giscard d’Estaing sont de fervents supporters. On peut donc sérieusement douter de l’efficacité des positions de Susan George et d’ATTAC sur ces questions.

Pour conclure, cet "alter"-mondialisme, idéologie à laquelle souscrit une grande part de la "société civile" française, doit être considérée non pas comme un contre-pouvoir mais comme un "autre mondialisme". Ce mondialisme ne se réjouit pas nécessairement de l’hégémonie du néo-libéralisme économique, mais se réclame fréquemment d’une prétendue "solidarité" entre les peuples oppressés. Seulement, pour qu’il puisse s’agir de véritables revendications du peuple, il faudrait que celui-ci puisse prendre une position souveraine et non être représenté par des organismes qui ne sont pas élus, et qui n’ont rien de "civil". De plus, il faudrait que les propositions alternatives issues de cette société civile ne soient pas des projets à l’initiative de l’oligarchie mondialiste.

En définitif, cette "société civile" accompagne le pouvoir politique et économique dans son ambition de création d’un "Nouvel Ordre Mondial" via la privation de démocratie populaire. Ce projet admet plusieurs chemins pour y parvenir, et l’un d’entre eux repose sur l’idée qu’un gouvernement mondial ne peut exister qu’avec le concours de la société civile. Cette dernière fusionnerait avec les pôles économiques et politiques afin de définitivement neutraliser les décisions démocratiques, tout en développant une néo économie prétendument équitable. Cette néo économie " de marché écologique et sociale" - dixit Al Gore- est à l’image du microcrédit dont on connaîtra bientôt l’effet dévastateur via le prolongement des mécanismes de la dette dans les Pays en Voie de Développement.

C’est aussi ce qu’annonce, d’une manière magnifiquement cryptée, Jacques Attali, qui est entre-autres le président du deuxième organisme de microcrédit au monde : Planet Finance. Pour lui, « Les ONG vont être l’esquisse de l’amorce du gouvernement mondial, de la démocratie planétaire, de ce qui va faire basculer l’économie de marché vers la gratuité et vers l’intérêt général et le dépassement de la société capitaliste ». Des perspectives d’avenir qui en disent long sur le futur de la société civile et de l’alter-nouvel ordre mondial. (5)

(1) Les relations incestueuses des ONG avec les Etats et les transnationales, Réseau Voltaire : http://www.voltairenet.org/article1...

(2) Site internet de l’UNPA : http://fr.unpacampaign.org/news/377.php

(3) Les ONG , instruments des gouvernements et des transnationales ? , Réseau Voltaire : http://www.voltairenet.org/article1...

(4) Site internet du Global Marshall Plan : http://www.globalmarshallplan.org/i...

(5) Conversation d’avenirs, Public Sénat, « L’avenir des ONG » : http://www.publicsenat.fr/cms/emiss...

 
 






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1 Commentaire

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  • #92872
    Le 30 janvier 2012 à 00:44 par Youssef
    Alter-Mondialisme, "Un autre monde (n’) est (pas) possible" ?

    à voir la place de choix que les médias dominants réservent aux alter-mondialistes aux quatre coins de la planète, aux commentaires dithyrambiques concernants le micro-crédit, à voir aussi le traitement plein de mansuétude que TF1 et les forces de police appliquent à l’association DAL, je me dis que toutes ces officines ne sont que des succursales de divers gouvernements, dont le but bien senti est de préparer l’avénement du gouvernement supra-national dont rêvent les élites mondiales...peu à peu le sentiment national se dissout, les peuples ne s’aperçoivent pas qu’ils font le lit de la Banque et qu’ils se donnent, pieds et poings liés aux multinationales...

     

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