Egalité et Réconciliation
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Au pied du Mur des Fédérés

« Ponctualité suisse ! » note Alain Soral, amusé, lorsque je frappe à sa porte, à quinze heures précises, le retrouvant comme il avait été convenu à l’adresse qu’il m’a remise la vieille. Petit studio parisien, intérieur propre et fonctionnel ; une place pour chaque chose et chaque chose à sa place. Les paletots et les casquettes alignés en rangs sur les crochets, quelques tableaux d’art moderne, de nombreux livres (dont les siens, parfois traduits en italien), un grand sofa rouge, un portrait de Céline, et, face à son bureau, bien en évidence, en bleu-blanc-rouge sur noir, la charte d’Egalité & Réconciliation. Alain Soral est très occupé, il passe quelques derniers coups de téléphone avant de commencer l’entretien ; il n’est à Paris que pour quelques jours, il prépare une conférence à Dijon sur le thème "Gauche du travail, Droite des valeurs", il sort à peine d’une violente querelle médiatique où il a été vertement attaqué sur sa dernière apparition télévisuelle chez Franz-Olivier Guisbert. «  Je connais bien Genève, me dit-il tandis que je mets en place le trépied de ma caméra. Je suis Savoyard, les Soral sont originaires de la région genevoise. Comme Jean-Jacques Rousseau ! »

Nous prenons place sur l’imposant canapé rouge, la discussion s’engage. Le président d’Egalité&Réconciliation est en forme, il revient sur la création du mouvement, rappelant l’acharnement de la classe médiatique à le faire taire. Il fustige au passage avec une verve réjouissante les droitards qui tentent depuis le début de lui mettre des bâtons dans les rouges, les Bruno Larebière, les Bernard Antony, les Guillaume Faye, ces esthètes de la théorie métapolitique, économiquement incultes et historiquement attardés, toujours prêts à défendre une utopique union des droites, c’est-à-dire à pactiser avec les partis de la spéculation et de l’ultralibéralisme, ceux contre lesquels, justement, tout patriote devrait s’élever. « Vous noterez que dans le Front National, il y a "national" mais il n’y a pas "droite"  » ajoute-t-il, rappelant qu’il place de grands espoirs dans le développement futur du premier parti ouvrier de France, notamment dans la ligne mariniste. Le pari est audacieux mais il peut mener loin : la place historique laissée par un Parti Communiste moribond est laissée vacante... Le Pen lui-même n’a-t-il pas dit : « Je suis le seul homme politique anti-système depuis la mort de Georges Marchais » ? Oui, il l’a dit, c’était dans le discours prononcé en 2007 devant le moulin de Valmy , un discours co-écrit par Alain Soral.

Mais la droite financière n’est pas seule en cause, nunance mon hôte. Elle est devenue l’alliée objective de la gauche bobo, celle des sociaux-libéraux PS et des trotskistes de la LCR : le cosmopolitisme, le multiculturalisme, l’esprit bourgeois, l’atlantisme, la haine du peuple, de ses valeurs et de son enracinement, ils ont tout cela en commun avec Sarkozy. «  Nous ne voulons pas la dictature du prolétariat, rassure Soral. Défendre les travailleurs, défendre l’emploi, c’est aussi défendre les PME et les artisans, car ce sont eux qui font marcher le pays. Pas les multinationales ! » Et il explique que l’apparition de la grande bourgeoisie financière et internationale a profondément changé la donne  ; les ouvriers, les employés et la petite bourgeoisie française, celle des employeurs modestes et des petits commerçants, ont trouvé là leur véritable ennemi et l’occasion historique de se réconcilier pour tenir tête à cet ennemi – c’est là le vrai clivage signifiant de notre réalité politique, rien à voir avec un duel gauche-droite.

Soral évoque avec attendrissement la figure de Jean Gabin, l’image même du Français populaire, avec sa gouaille des faubourgs et son bon sens terrien, dont la filmographie dessine l’itinéraire de l’honnête homme : du jeune ouvrier ou soldat frondeur de ses débuts au patriarche des derniers films, celui qui s’est élevé à force de travail et d’efforts, c’est tout un reflet de la France qui se montre à nous – une France de solidarité, de patriotisme, de conscience de classe, d’honneur et de common decency. « C’est pour cette France-là que nous nous battons. »


Lorsque je sors de chez le président d’Egalité & Réconciliation, le temps s’est rafraîchi et il pleut. Comme je n’ai plus rien à faire cet après-midi, je vais flâner un moment du côté du Père Lachaise. Le grand cimetière labyrinthique est presque vide cette fois, certainement à cause du temps. Pas besoin, pour une fois, de répondre aux hordes de touristes américains qui cherchent la stèle en marbre de Jim Morrison. Comme à chacune de mes visites, je me rends directement vers la tombe de Blanqui ; elle n’est pas facile à dénicher mais je sais où elle se trouve. Après avoir épousseté la vieille pierre cachée dans un coin du cimetière laissé en friche, je parviens à distinguer, presque effacées, les lettres du nom de l’illustre révolutionnaire. Aucune gerbe de fleurs pour les héros du peuple de France, on préfère orner les tombes des gens du spectacle et des amuseurs publics.

Continuant à marcher, je me retrouve sans y penser face au Mur des Fédérés, terrible vestige du massacre des derniers résistants communards par les troupes versaillaises du maréchal Mac-Mahon. Les paroles de La Commune de Vae Victis me reviennent en tête :

Si tu te balades un beau jour
Près du cimetière du Père Lachaise
N’oublie pas d’aller faire un tour
Au pied du Mur des Fédérés

Ici les gars de la Commune
Ont fredonné leur dernier chant
Et leurs corps noyés dans le sang
Ont jonché les fosses communes...

Les bourgeois n’ont plus à trembler
Depuis ce joli moi de mai
La république des bâtards
Est née du sang des communards...

Après avoir quitté le cimetière, j’entre dans un café pour prendre une bière. Un de ces cafés parisiens typiques où les gens du quartier, toutes origines sociales confondues, se retrouvent à la fin de la journée de travail et parient sur les courses de chevaux devant un ballon de blanc. Je songe, en terminant mon verre, que la France est un pays plein de potentialités, où le possible est roi, et que le travail de réconciliation que nous avons entrepris, avec Alain Soral et tous ceux qui nous ont rejoints à travers le pays et à travers une partie grandissante de l’Europe francophone, s’il commence à peine, ouvre un avenir plein de promesses. La sépulture des communards est laissée à la merci des ronces et du lierre rampant, mais leur esprit connaît une nouvelle jeunesse.

La vidéo de mon entretien avec Alain Soral sera prochainement visionnable sur le blog.


David L’Epée