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L’énorme contre-vérité de Jacques Attali : "La chute du mur de Berlin est une anecdote sans importance"

Dans un entretien fleuve accordé au magazine Le Point, celui dans lequel BHL signe son Bloc-Notes, l’ancien conseiller des présidents de la République (Chirac mis à part) Jacques Attali revient sur l’anniversaire de la chute du mur de Berlin, symbole d’un changement des temps géopolitiques. Nous avons lu avec intérêt ses réponses et évidemment tiqué sur sa phrase qui n’est pas une provocation. Car pour lui, la réunification allemande et le processus d’intégration européenne étaient inéluctables. Sauf qu’il s’est agi d’une volonté oligarchique contre les intérêts des peuples, et Attali était le conseiller des grands, pas des petits.
Les conseilleurs ne sont pas les payeurs, dit le proverbe populaire. Et comment !

 

Pour analyser correctement les réponses d’Attali, il faut revenir sur le processus de réunification allemande, qui n’était pas gagné dans les années 80, loin de là. D’ailleurs, à l’occasion des 30 ans de cet événement symbolique (1989-2019), de nombreuses personnalités se sont exprimées, parfois à contre-courant de la pensée dominante.

« Mythe fondateur de l’Union européenne, l’année 1989 est pourtant un symbole équivoque. Ainsi, en Allemagne de l’Est, l’accès aux libertés politiques et à la consommation de masse fut payé au prix fort — celui d’un effondrement social et d’une prédation économique souvent ignorés à l’Ouest. »

Par exemple, Le Monde diplomatique daté de novembre 2019 a sorti une étude sur la greffe pas forcément réussie ni désirée à l’Est par les Allemands qui ont subi, après le rouleau compresseur soviétique et la Stasi, le rouleau compresseur libéral ouest-allemand et le BND (renseignemet fédéral), dont le but était simple : s’étendre à l’Est, soumettre l’Hinterland et gagner des parts de marché vers la Russie. On exagère à peine.
On oublie, parce que ce sont nos voisins, que l’Allemagne fait comme l’Amérique en matière économique : expansion avant tout, au détriment de tous ses partenaires. C’est la logique ouest-allemande en Europe depuis sa création, avec bien sûr l’arrière-pensée de la réunification, celle dont Thatcher et Mitterrand ne voulaient pas. Mais un Mitterrand affaibli par la maladie et attendri par Kohl, pour rester poli, ouvrit la porte au démon européiste qui cachait le renouveau de la puissance et de la domination allemande sur l’Europe. C’était reparti, comme en 40 !

 

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Après sa chute, Mielke s’explique devant l’Assemblée qui lui rit au nez

 

Le Monde diplo a donc sorti un article mal-pensant au moment où tous les couillons ou les complices fêtaient la chute du mur de Berlin. Nous ne défendons pas la Stasi ici et sa surveillance d’État avec son dictateur Erich Mielke ni les exactions contre les Allemands qui voulaient goûter après 1961 la vie rêvée à l’Ouest, alors sous domination américaine, ce que l’Allemagne est toujours aujourd’hui. On parle de la perfide Angleterre qui aura été traîtresse au cœur de l’union européenne, quand elle s’appelait encore CEE ou CE, Communauté économique européenne puis Communauté européenne, mais l’Allemagne, sous couvert de « couple franco-allemand » à la noix, a toujours joué ses intérêts avant ceux de l’Europe, et a fortiori de la France. L’article du Diplo a fait du bruit car il montre qu’à l’Est, une expérience socialiste réelle, c’est-à-dire antilibérale, était encore dans les esprits malgré la chute du régime autoritaire de Mielke. Et ça, la légende de la libération libérale ne peut l’accepter, ainsi que ses thuriféraires...

 

 

Jean-Michel Aphatie fait une fois encore ici la preuve de sa grande ignorance en matière politique et de son alignement sur les intérêts des grands milieux d’affaires. Mais une telle réaction épidermique est compréhensible : quand on fait de la propagande, quand on vit de la propagande, on ne doit pas aller trop loin dans la connaissance, sinon tout s’écroule et on ne croit plus en la doxa dominante. Car la réunification allemande, si elle a pu soulager des citoyens qui ne croyaient plus dans le socialisme à la soviétique, avec toutes les dérives que l’on connaît, a eu pour beaucoup la réalité d’une annexion.
Extrait du Monde diplo :

« À l’automne 1989, la population de la RDA écrit sa propre histoire. Sans concours extérieur, les manifestations de masse à Berlin, Leipzig, Dresde destituent l’État-parti dirigé par le Parti socialiste unifié (SED), sa police politique, ses médias aux ordres. Dans les semaines qui suivent la chute du Mur, l’écrasante majorité des opposants au régime aspire non pas à l’unification, mais à une RDA démocratique – à 71 %, selon un sondage du Spiegel (17 décembre 1989). Les propos d’un pasteur lors du rassemblement monstre du 4 novembre 1989 sur l’Alexanderplatz à Berlin traduisent cet état d’esprit : “Nous autres Allemands avons une responsabilité devant l’histoire, celle de montrer qu’un vrai socialisme est possible”. »

 

Des travailleurs forcés de l’Est aux chômeurs forcés de l’Est...

L’économie de marché, au prix de grands sacrifices sociaux (pour ceux d’en bas), dont on voit le résultat politique aujourd’hui (explosion de l’immigration et du chômage, montée de l’AfD), s’imposera dans une Europe libérale qui fermera évidemment les yeux. Heureusement, dans les médias dominants, c’est le discours libéral qui prend toute la place. L’économie est-allemande a subi une guerre éclair, et les citoyens européens émerveillés par la victoire de la Démocratie sur l’Obscurantisme n’y ont vu que du feu.
Et alors que tout le monde parlait du coût faramineux pour l’économie ouest-allemande de la réunification, dans le genre quel sacrifice pour la liberté des peuples !, les banques s’enrichissaient au-delà de toute raison :

« Parmi les aberrations provoquées par la conversion-éclair d’une économie planifiée en une économie libérale, celle des “vieilles dettes” décroche assurément le pompon. En République démocratique allemande (RDA), toutes les entreprises appartenaient à l’État et lui reversaient l’intégralité de leurs bénéfices éventuels. Lorsque la puissance publique injectait du capital dans une société, cette subvention était par convention inscrite dans la comptabilité des banques sous la forme d’un crédit. Lors de l’unification, les hauts fonctionnaires de l’Ouest décidèrent de convertir ces écritures en véritables dettes que les entreprises, déjà exsangues, devaient rembourser aux banques. Lesquelles furent privatisées et vendues à bas prix à des institutions financières de l’Ouest. Ces dernières purent témoigner des vertus miraculeuses du capitalisme : la Berliner Bank racheta pour 49 millions de marks la Berliner Stadtbank qui avait à son actif… 11,5 milliards de créances bénéficiant d’une garantie d’État, soit plus de 200 fois le prix d’achat ! En tout, “quatre grandes banques de l’Ouest, qui avaient acheté les banques de RDA pour 824,3 millions de marks, se retrouvèrent à la tête de 40,5 milliards de marks de créances.” Les intérêts, passés en un an de moins de 1 % à plus de 10 %, ont représenté à eux seuls plusieurs fois le prix d’acquisition. »

Retour au présent et à l’interview du sherpa socialo-sioniste

Attali, le sherpa de Mitterrand, pour ne pas dire le lien entre le président de la République et le lobby sioniste, considère donc que la chute du Mur est un non-événement. Mais ce n’est pas cette petite provocation qui est importante, c’est la déformation du passé, ce dont Mitterrand s’était déjà plaint de son vivant avec le premier tome de Verbatim, livre dans lequel il ne retrouvait pas toujours ses propres mots...

Le point : « Lorsqu’on relit les déclarations de François Mitterrand et de Roland Dumas, on remarque un double discours. L’on explique que la réunification était un fait historique (la chute du mur de Berlin est comparée à la Révolution française), mais on semble inquiet de ce retour de la grande Allemagne… François Mitterrand a-t-il eu peur de la réunification ? »

Jacques Attali : « François Mitterrand était lui très net sur la réunification : “Je ne veux pas m’en mêler, c’est une affaire allemande”. Mais il pose néanmoins quatre conditions pour que la France approuve : la reconnaissance de la frontière Oder-Neisse avec la Pologne (source de nombreuses tensions au cours du siècle entre les deux pays, NDLR), la reconnaissance de la dénucléarisation de l’Allemagne, l’acceptation de l’avancée vers la construction de l’euro et une vision partagée sur les relations avec le reste des pays d’Europe de l’Est. Il n’était pas hostile à la réunification, quand Margaret Thatcher l’était, elle, et frontalement. François Mitterrand ne s’est jamais exprimé pour ou contre. Il pensait que Helmut Kohl allait reporter les négociations une fois l’Allemagne réunifiée, mais il ne l’a pas fait et là est la grandeur du chancelier. Il y a deux grands hommes dans ce moment de l’Histoire : Kohl et Gorbatchev. Ils ont tous les deux fait ce qu’ils avaient à faire aux yeux de l’Histoire. »

Roland Dumas dit le contraire dans son livre Politiquement incorrect et donne quelques coups de patte à Attali en passant. Mitterrand, homme de l’entre-deux guerres, a toujours craint la réunification allemande, car il savait trop à quoi elle mènerait : à un cavalier seul allemand en Europe, au détriment de la France en premier lieu, des autres pays européens en second lieu. Là-dessus, le Sphinx ne s’est pas trompé. Mais Attali militait déjà pour une Europe élargie, qui s’élargira bientôt aux pays de l’Est après le conflit yougoslave, justement bien préparé par les services secrets (ouest-)allemands...

Devant cette évidence historique, la justification d’Attali se fait plus tordue :

« Il y avait un homme qui avait une influence considérable sur François Mitterrand, c’est l’écrivain Michel Tournier. Il était obsédé par la réunification allemande parce que cela signifiait pour lui le retour de la Prusse. “Je vous comprends, mais nous n’y pouvons rien, c’est le sens de l’Histoire”, lui répondait François Mitterrand. Tant que nous avons des chanceliers venant de l’Ouest, le risque historique est moindre. C’est vrai qu’Angela Merkel, cette fille d’un pasteur qui est allé volontairement à l’Est, aurait pu être l’un de nos cauchemars à l’époque. Et aujourd’hui, quand on voit les négociations entre l’AfD (extrême droite) et la CDU (le parti de Merkel), il y a une inquiétude légitime que la Prusse reprenne le pouvoir. C’est pourquoi nous avions rapidement lancé l’entrée de l’Allemagne dans la communauté européenne tout en faisant patienter les pays de l’Europe de l’Est, le temps qu’ils rentrent pleinement dans l’Euro. Or, les Européens de l’Est ne voulaient pas de l’Union européenne. “On ne va pas quitter le Comecon pour rentrer dans une autre bureaucratie”, nous disaient-ils. Par contre, ils souhaitaient vivement entrer dans l’OTAN en profitant d’être, pour la première fois, détachés de l’orbite soviétique. Très habilement, les Américains ont poussé les pays de l’Est à entrer dans l’Union européenne non pas pour la renforcer mais pour l’affaiblir. »

Les Américains ont bon dos ! La polémique devient encore plus franco-française lorsque Le Point cite le livre de Mélenchon, qui est aujourd’hui beaucoup plus agressé par le CRIF que ne l’est Marine Le Pen, mais c’est sûrement hors sujet...

« Dans son livre Le Hareng de Bismarck, Jean-Luc Mélenchon écrit que l’Allemagne de l’Est a été “annexée” et que les Allemands de l’Est réclamaient “une constituante”, un vote donc sur l’intégration est-ouest et sur la préservation d’un certain nombre de leurs acquis. Il l’a répété dans un tweet. Qu’en pensez-vous ? »

« C’est triste. Jean-Luc Mélenchon est un grand intellectuel parfois. Parfois, il dit des choses absurdes. »

Nous atteignons ici la limite de l’honnêteté attalienne.

Et maintenant que tout est accompli, que l’Union européenne a affaibli les souverainetés, sauf celle de l’Allemagne, grâce à Kohl, ce « grand homme » selon Attali, tout est devenu merveilleux dans cette Europe rêvée par Attali, une Europe qui devait résoudre tous les problèmes économiques, le chômage, la dette...
C’est ce que le conseiller des princes affirmait sans honte dans ce débat de 1996 devenu célèbre, tant il était visionnaire...

Attali à Garaud : « Quand on dit que l’Europe de Maastricht créera des emplois ça reste vrai, il se trouve que le traité de Maastricht n’est pas encore appliqué. Lorsqu’il le sera, il est évident qu’il y aura une très forte croissance qui en découlera car nous aurons un grand espace économique avec une monnaie unique.
[...]
Ensuite c’est élargir l’Europe à l’Europe de l’Est et en particulier à la Russie car il faudra faire avec la Russie exactement ce qu’on vient de faire avec l’Allemagne... Je ne crois pas une seconde que l’Allemagne soit le fourrier des intérêts américains. Je crois au contraire que si on ne fait pas l’Union européenne, l’Allemagne deviendra le fourrier des intérêts américains. »

Réponse de Chevènement  : « C’est mal connaître l’Allemagne ! »

 

Nous l’avons déjà diffusé mais une piqûre de rappel dans la fesse gauche d’Attali ne fait pas de mal. Dans Le Point, le mage revient comme toujours sur son dada, le gouvernement mondial, mais sans le citer expressément, car l’expression mondialiste soulève automatiquement des boucliers.
Sa grande crainte, c’est que l’Homme ne croit plus au Marché (en ex-Allemagne de l’Est, c’est le cas depuis 30 ans déjà) :

« Le marché est par nature mondial, sans frontières, tandis que la démocratie a des frontières. Le marché va donc dominer la démocratie sauf si on étend le champ de la démocratie très vite. De plus, le marché et la démocratie sont par nature fondés par l’apologie de la liberté (droit de changer d’avis avec le risque d’une obsession du court terme). Si on n’est pas capable de mettre très vite en place un moyen de gérer les enjeux du long terme, on va être bouffé par l’instant. Les peuples vont critiquer le marché et la démocratie. On y est. »

Conclusion : vite un gouvernement mondial à Jérusalem pour que le Marché n’étouffe pas la Démocratie ! Autrement dit, accélérons les réformes libérales et l’intégration économique mondiale avec un centre où vous savez, et tout ira mieux pour tout le monde dans le meilleur des mondes. Il n’y aura plus ni chômage ni misère ni guerres. On a déjà entendu ça en 1996 sur le plateau télé...

 

La version politiquement correcte de la chute du Mur et de la libération des peuples opprimés par Le Monde :

Blitzkrieg politique, sur E&R :

 






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