Egalité et Réconciliation
https://www.egaliteetreconciliation.fr/
 

Copinage et désinformation chez M6

Comment M6 a passé à la trappe une enquête sur la restauration rapide. Hamburgers vendus quatre heures après leur préparation, viande prétendument halal, le constat des journalistes était accablant. Le voici, non censuré.

Début 2009, l’agence de presse Tony Comiti vend à M6 une enquête sur les coulisses de la restauration rapide. La première partie du film montre que certains restaurants et boulangeries de quartier n’offrent pas toujours des produits irréprochables. Du classique. Les journalistes s’intéressent alors à McDonald’s et KFC, où ils enquêtent en caméra cachée faute d’obtenir des autorisations de tournage. Là encore du classique. Ce qui l’est moins, c’est la découverte que, contrairement à ce qu’affirme le site de McDonald’s, les hamburgers qui ne sont pas vendus en dix minutes ne sont pas jetés. Chez le franchisé où sont tournées les images, ils continuent même d’être vendus... quatre heures après leur fabrication. Mieux, des étiquettes mentionnant la date de péremption des produits sont remplacées sitôt leur durée de vie dépassée. A KFC, l’enquête, aussi décapante, prouve que le poulet censé être halal, n’est pas abattu selon le rite musulman.

Les journalistes font connaître le résultat de leurs trouvailles aux directions de McDonald’s et de KFC pour recueillir leurs réactions. Un triomphe. McDonald’s dénonce des méthodes de voyou, exige de voir le film et surtout de connaître le nom du franchisé. L’agence refuse mais doit concéder un visionnage au terme duquel le vice-président de McDonald’s France disposera d’un quart d’heure de réflexion avant de répondre face caméra. Le quart d’heure se transforme en une journée puis en trois jours et finira par un refus de répondre. Entre-temps, la pression monte. La régie publicitaire de M6 intervient auprès de la rédaction en chef. McDonald’s exige la livraison du film et de tous les rushes tournés en caméra cachée faute de quoi il menace la chaîne d’un procès. Des députés appellent le producteur en lui demandant de « laisser tomber » avec cet argument imparable : « C’est des copains. » Copains vraiment ?

A M6, la pression est maximale, les réunions se succèdent. Le lissage du film aussi. La séquence du syndicaliste racontant que les croque-monsieur sont baptisés « disques durs » quand ils ont trop attendu, est coupée. M6 et McDonald’s finissent par transiger : pour contrebalancer l’image désastreuse donnée par le film, une nouvelle séquence sera tournée chez un autre franchisé. Un savoureux moment de communication d’entreprise.

La réaction de KFC est moins brutale. Le directeur général accepte l’interview mais répond trop légèrement. Il en prend conscience et exige une seconde interview. Elle se déroulera chez les avocats de KFC. Communication verrouillée là aussi. Une semaine avant la diffusion, la direction de l’information de M6 et l’agence s’accordent sur une version finale. Fin de l’histoire ? Pas encore. Au dernier moment, les dirigeants de M6 se ravisent et exigent la suppression de toute la séquence McDonald’s et KFC. Tony Comiti refuse et renvoie la balle à M6. En clair : nous vous livrons le film, à vous d’assumer la censure. M6 assume. L’intégralité de l’enquête est « trappée ». Coût pour la chaîne : environ 70 000 euros et un bug d’image sans lendemain. Moins cher que de perdre un de ses si chers annonceurs.