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Denis Zmirou-Navier : "Pas de mobile avant 12 ans"

Si rien ne prouve que le téléphone mobile présente des dangers pour la santé, des études incitent à la prudence dans la manière de l’utiliser, notamment chez les adolescents.

Professeur de santé publique à la faculté de Médecine de Nancy, chercheur à l’Inserm, Denis Zmirou-Navier a été directeur scientifique de l’Agence française de sécurité sanitaire environnementale.


En l’état actuel des connaissances, l’usage du téléphone portable peut-il avoir des conséquences néfastes sur la santé ?

Il n’y a aujourd’hui aucune preuve pour affirmer que le téléphone portable présente des dangers. Mais il existe des éléments de doutes sérieux, résultant de plusieurs études internationales menées au cours des trois dernières années, en particulier dans le cadre d’un programme international (Interphone) initié par le Centre international de recherche sur le cancer, qui concerne 13 pays. Certaines ont donné des résultats négatifs. D’autres suggèrent en revanche qu’il pourrait y avoir un lien entre l’usage important et prolongé d’un téléphone mobile et certains types de tumeurs. Cela concerne deux types de tumeurs à ce jour : le neurinome, une tumeur bénigne du nerf acoustique qui est douloureuse, et des tumeurs bénignes ou malignes de la glande parotide. On voit que leur localisation n’est pas anodine, près de la zone où l’on place le téléphone.

Qu’entendez-vous par un usage important et prolongé ?

Les études ne sont pas toutes harmonisées. Un usage prolongé correspond généralement à une période de dix ans. Un usage important, c’est un grand nombre d’heures par semaine. Des travaux israéliens ont par ailleurs mis en évidence que certaines conditions d’utilisation occasionnent une exposition élevée aux champs électromagnétiques. En pratique, si j’utilise mon portable dans une zone où la réception est mauvaise, où il n’y a qu’une ou deux barrettes sur l’écran, mon téléphone va émettre à pleine puissance. Je vais donc recevoir des quantités de champs plus importantes. De même, quand j’utilise mon téléphone dans un train, un bus ou une voiture, comme passager dans ce cas, il doit émettre à plein régime pour se connecter successivement à plusieurs antennes relais. Encore une fois, les risques ne sont pas démontrés, on reste dans le suggestif. C’est pourquoi de nombreux spécialistes disent : N’attendons pas d’en être absolument certains pour utiliser intelligemment un téléphone portable.

Quel écueil faut-il éviter en téléphonant avec son mobile ?

D’abord, il ne faut pas croire que c’est un fixe ! Personnellement, si j’ai une conversation très longue, je fais en sorte d’utiliser un téléphone fixe, ou un kit oreillette. Et je n’ai pas l’impression d’être obsessionnel ! De même, si je suis en déplacement, dans le train par exemple, je téléphone avec mon kit oreillette.

Y a-t-il d’autres attitudes préventives à adopter ?

Oui, qui concernent les enfants, pour lesquels nous n’avons pas de données, contrairement aux adultes. Or si des travaux scientifiques nous disent qu’il y aurait peut-être certains effets chez les adultes, a fortiori, ce pourrait être le cas aussi chez des enfants. On voudrait éviter que les pré-adolescents aient tous un téléphone portable avant que nous soyons sûrs que cela n’induit pas de conséquences péjoratives. Les parents doivent bien réfléchir avant d’offrir un mobile à un enfant avant 12 ans. Chez les enfants de moins de 12 ans, la construction du cerveau se poursuit, accompagnée de phénomènes de divisions cellulaires. Or on sait que ce sont les cellules chez lesquelles la division cellulaire est plus importante où le risque de cancer est pus élevé. Encore une fois, on ne sait pas si les risques sont réels, mais par prudence, il faut mieux faire attention. On conseille par ailleurs aux adolescents garçons de ne pas porter leur téléphone à la ceinture, de le porter dans la poche arrière plutôt que dans la poche avant. Les tissus des testicules sont susceptibles d’être plus fragiles. Même conseil pour les femmes enceintes, cette fois afin de protéger l’embryon.

Le téléphone portable peut-il générer chez les adolescents une forme d’addiction, de dépendance psychologique ?

Essayez d’enlever son téléphone à un adolescent, il faut se lever tôt ! Il existe un effet de groupe indéniable, une addiction qui le pousse à être constamment en contact avec ce groupe grâce à son téléphone. Les parents qui achètent un portable à un enfant de 9 ans aussi ont une responsabilité. A cet âge, il a besoin d’autonomie quand il va à l’école, au sport... On n’a pas besoin de pouvoir le joindre en permanence. Tout parent est protecteur. Mais certains le sont plus maladivement que d’autres. Ce sont les parents qui offrent des téléphones, pas les opérateurs. En 2005, l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement a rendu un avis demandant à ces derniers de ne pas cibler les enfants dans leurs campagnes. Pour l’instant, en France, c’est respecté. Seuls quelques fabricants s’aventurent à concevoir des appareils destinés aux enfants, ce qui est selon moi une attitude irresponsable.

Les antennes relais de téléphones mobiles présentent-elles des dangers ?

Non, en l’état actuel des connaissances, rien n’indique qu’elles puissent avoir des conséquences biologiques ou sanitaires nocives. Il est vrai que des personnes y sont hostiles. Mais des gens répandent des informations erronées sur le sujet et font peur. En terme d’énergie et de gammes de fréquences, les ondes émises par les antennes relais sont très proches de celles de la radio, à des niveaux d’énergie soit égaux, soit plus faibles que la radio, à laquelle nous sommes exposés continuellement depuis 50 ans.

Benoît GAUDIBERT