Egalité et Réconciliation
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La petite cuisine indienne de faux papiers

En Haute-Savoie, certains restaurateurs indiens et pakistanais s’adonnent à un vaste trafic de faux papiers pour faire venir leurs compatriotes en Europe.

Tambouille épicée dans les cuisines de plusieurs restaurants indiens de Haute-Savoie. Entre curry, tandoori et pain naan, les tenanciers de gargotes de Thonon-les-Bains ou Morzine ont aussi goûté à l’emploi de salariés en situation irrégulière, au travail dissimulé… et à un trafic de faux papiers qui remonte jusqu’à Paris, la Grande-Bretagne et l’Espagne. Un menu rempli qui, après deux ans d’enquête policière, a renvoyé 14 membres d’un réseau de faussaires indo-pakistanais au tribunal correctionnel de Lyon, du 18 au 22 octobre. Pour un délibéré, le 26 novembre prochain, qui promet d’être goûtu. De huit mois avec sursis à sept ans ferme ont été requis.

Au commencement de 2008, un peu las d’être exploité, un employé d’un restaurant de Thonon s’en va balancer son patron aux poulets. Pas payé, sans papiers, voilà le bon CV à présenter pour bosser aux ordres de M. K., un Pakistanais qui, bon prince, offre tout de même le gîte à ses cuisiniers… « Au-dessus du restaurant, des pièces avaient été sommairement meublées avec trois matelas et deux canapés », notent les limiers lors d’une descente. En furetant, ils trouvent une flopée de faux passeports, de documents administratifs et tout un nécessaire pour gruger la si probe administration française en charge de l’immigration. Diantre ! Un réseau, une bande organisée, une association de malfaiteurs !

Le tenancier de restaurants indo-savoyards partait à Genève chercher des compatriotes, alors munis d’un visa en bonne et due forme. Puis il leur remettait un faux passeport britannique et les envoyait, au choix, vers l’Espagne, la perfide Albion ou, en majorité, vers Paris. Consignes étaient données d’adopter un « style british, en costume, sans moustache, barbes coupées et bien rasés ».

Les passeports, souvent volés en Espagne à des touristes étourdis, étaient envoyés en Thaïlande pour « reformatage » avant de revenir dans le réseau. Tout un parcours qui nécessitait un investissement sonnant et trébuchant de la part des candidats au voyage. Autour de 10 000 euros par passeport… Bien moins – entre 2 000 et 3 000 euros – pour des packs de fausses attestations, promesses d’embauche ou domiciliations fictives, qui permettent d’obtenir, auprès des préfectures d’Ile-de-France, une carte de séjour sous une fausse identité. Établissement officiel préféré des faussaires, la sous-préfecture du Raincy, en Seine-Saint-Denis, avait l’avantage d’être peu regardante et de ne pratiquer « aucune recherche approfondie ».

Au grand étonnement du président du tribunal, il n’y a pas eu d’investigation menée vers les contacts du réseau dans les préfectures françaises. Alors que la procédure fait apparaître clairement le nom d’un fonctionnaire du Raincy pour sa participation au micmac. Il n’aurait fallu qu’une plongée dans les cuisines des restaurants indiens débouche dans les arrière-cuisines de l’administration française !