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Sarkozy sur TF1 : profil bas ?

C’est un Nicolas Sarkozy grave que les Français ont découvert lundi soir. Pas de rire carnassier, de dodelinement de la tête, pas ou peu de cette rhétorique bravache qui retourne à l’envoyeur sa question (« Que diriez-vous, Jean-Pierre Pernaut, si je… »).

Visage lisse, expressions minimalistes, voix contenue, sans éclat, le président de la République était le douzième Français au milieu du panel que lui avait sélectionné TF 1. Même la mise en scène reflétait ce parti pris d’humilité. La jeune femme au chômage, l’ouvrier CGT, le jeune de banlieue, l’agricultrice qui produit à perte, l’infirmière des urgences, le retraité à 410 euros par mois, l’entrepreneur routier victime de la concurrence européenne, le prof en lycée technique, précarisé, et le chef de l’État, « dont le métier n’est pas facile non plus, croyez-moi ! », étaient au coude à coude, serrés autour de modestes guéridons de cuisine. Même Jean-Pierre Pernaut s’était mis au diapason. On a cru rêver quand on a entendu le champion des « usagers en colère » faire l’apologie de la lutte syndicale (« C’est grâce au combat syndical que votre entreprise n’a pas fermé », a-t-il concédé en guise de présentation au militant CGT). Pour un peu, on n’aurait pas été étonné de voir le présentateur du 13 heures déboucher un petit vin de soif et offrir de la cochonnaille à ses invités. Il fallait non seulement être à l’écoute des Français, mais être parmi eux, comme eux. Bling-bling avait enfilé le bleu de chauffe. Loin du Fouquet’s et du yacht de Bolloré.

Et sur le fond, me direz-vous ? Sur le fond, rien. Un exercice archiconvenu qui consistait à écouter avec componction le récit de l’injustice et de l’âpreté des temps de crise, puis à montrer à l’aide de deux ou trois chiffres que le dossier était connu. Nicolas Sarkozy avait appris pour la circonstance le coût de production du litre de lait, les effectifs délocalisés de Renault, le nombre de chômeurs à bac + 5, pour mieux riper ensuite vers un discours idéologique, grossièrement libéral. Le « travailler plus pour gagner plus » à toutes les sauces. Ou encore : « Je trouve normal que M. Bill Gates gagne bien sa vie. » On ne pouvait qu’être perplexe quand on entendait, après quelques formules compassionnelles, le Président dire à la jeune chômeuse qu’il ne fallait pas d’assistanat mais relancer l’emploi par la croissance. Si les apparences ont été sauves (aucun des Français du panel TF 1 n’a vraiment mis Nicolas Sarkozy en difficulté, ne serait-ce que parce que la cadence imposée à l’émission interdisait tout droit de suite), le subterfuge n’en risque pas moins de se révéler dangereux à terme. On connaît la faiblesse de Nicolas Sarkozy : c’est la fuite en avant. À 30 et quelque pour cent dans les sondages, l’homme a beaucoup promis. « Je n’accepte pas ce système » (les délocalisations dans l’automobile) ; « Si j’y suis obligé, je passerai par la loi » (le partage un tiers, un tiers, un tiers entre salaires, investissements et profits) ; « Le chômage, ça ira mieux dès cette année » ; « Je ne laisserai pas mourir l’agriculture française » ; « Je garantirai le pouvoir d’achat des retraités », « J’assurerai la pérennité du système »… J’en passe, et des meilleures… Autant d’engagements, dont certains hautement fantaisistes (« On va rééquilibrer la concurrence »), pourraient lui revenir en boomerang. Si ses adversaires avaient un jour de la mémoire. Les mauvaises langues diront que tout sonnait faux. La preuve : lorsqu’il a affirmé qu’il ne pensait jamais à sa réélection, Nicolas Sarkozy a eu les mêmes accents de sincérité. De quoi éveiller les soupçons. Et puis, deux heures de monopole télévisé pour circonvenir l’opinion, en démocratie, c’est beaucoup.