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Derrière la dette grecque

Le débat actuel sur la dette grecque a donné lieu à toutes sortes de menaces, d’abord contre le gouvernement Tsípras, puis contre les électeurs grecs. S’abstenant d’entrer dans une discussion sur la partie odieuse de cette dette, Thierry Meyssan observe la campagne internationale contre la sortie de la Grèce de la zone euro. Il met en lumière le projet historique de l’Union et de l’euro, tel que formulé en 1946 par Churchill et Truman, pour conclure que la Grèce est aujourd’hui piégée par l’environnement géopolitique international et non pas par sa situation économique.

 

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Joseph Retinger, ex-fasciste polonais devenu agent britannique. Dans le cadre de ses fonctions au MI6, il fonda l’European League for Economic Cooperation dont il devint le secrétaire général. À ce titre, il est le père de l’euro. Par la suite, il anima le Mouvement européen et créa le Club de Bilderberg.

 

Le référendum grec a donné lieu à de vifs débats dans l’Union européenne qui illustrent l’ignorance générale sur les règles du jeu. Les participants se sont déchirés pour savoir si les Grecs étaient ou non responsables de leur dette tout en veillant à ne jamais accuser leurs créanciers d’usure. Mais ils l’ont fait en ignorant l’histoire de l’euro et les motifs de sa création.

L’euro : un projet anglo-saxon de la Guerre froide

Depuis le Traité de Rome, il y a soixante-quatre ans, les instances administratives successives du « projet européen » (CECA, CEE, UE) ont dépensé des sommes colossales et sans équivalent pour financer leur propagande dans les médias. Quotidiennement des centaines d’articles, d’émissions de radio et de télévision, sont payées par Bruxelles pour nous raconter une version mensongère de son histoire et nous faire croire que le « projet européen » actuel est celui des Européens de l’entre-deux-guerres.

Les archives sont pourtant désormais accessibles à tous. Elles montrent qu’en 1946, Winston Churchill et Harry Truman décidèrent de diviser le continent européen en deux : d’un côté, leurs vassaux, de l’autre l’URSS et les siens. Pour s’assurer qu’aucun État ne s’affranchirait de leur suzeraineté, ils décidèrent de manipuler les idéaux de leur époque.

Ce que l’on appelait alors le « projet européen » ne consistait pas à défendre de prétendues valeurs communes, mais à fusionner l’exploitation des matières premières et des industries de Défense de la France et de l’Allemagne de manière à être certain que ces pays ne pourraient plus se faire la guerre (théorie de Louis Loucheur et du comte Richard de Coudenhove-Kalergi [1]). Il ne s’agissait pas de nier de profondes différences idéologiques, mais de s’assurer qu’elles ne se confronteraient plus par la force.

Le MI6 britannique et la CIA états-unienne ont alors été chargés d’organiser le premier « Congrès de l’Europe », à La Haye en mai 1948, auquel participèrent 750 personnalités (dont François Mitterrand) de 16 pays. Il s’agissait, ni plus, ni moins, que de ressusciter le « projet d’Europe fédérale » (rédigé par Walter Hallstein —le futur président de la Commission européenne— pour le chancelier Adolf Hitler) en se basant sur la rhétorique de Coudenhove-Kalergi.

Plusieurs idées fausses doivent être corrigées à propos de ce Congrès.

- En premier lieu, il convient de le replacer dans son contexte. Les États-Unis et le Royaume-Uni venaient de déclarer la Guerre froide à l’URSS. Celle-ci répliqua en soutenant les communistes tchèques qui parvinrent légalement à s’emparer du pouvoir lors du « Coup de Prague » (« Février victorieux », selon l’historiographie soviétique). Washington et Londres organisèrent alors le Traité de Bruxelles qui préfigure la création de l’Otan. Tous les participants au Congrès de l’Europe étaient pro-Anglo-Saxons et anti-Soviétiques.

- Deuxièmement, lorsque Winston Churchill prononça son discours, il employa le terme « Européen » pour désigner les habitants du continent européen (pas ceux du Royaume-Uni qui, selon lui, ne sont pas des Européens) qui se disaient anti-communistes. Il n’était pas question, à l’époque pour Churchill, que Londres adhère à l’Union européenne, mais uniquement qu’il la supervise.

- Troisièmement, deux tendances se firent jour au sein du Congrès : les « unionistes » pour qui il s’agissait uniquement de mettre en commun des moyens pour résister à l’expansion du communisme, et les « fédéralistes » qui souhaitaient réaliser le projet nazi d’État fédéral placé sous l’autorité d’une administration non-élue.

 

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Walter Hallstein, haut fonctionnaire allemand, rédigea le projet hitlérien d’Europe fédérale. Il s’agissait de détruire les États européens et de fédérer les populations par ethnies autour du Reich aryen. L’ensemble aurait été soumis à la dictature d’une bureaucratie non-élue, contrôlée par Berlin. À la Libération, il mit en œuvre son projet avec l’aide des Anglo-Saxons et devint, en 1958, le premier président de la Commission européenne.

 

Le Congrès précisa tout ce qui a été réalisé depuis sous les noms successifs de CECA, CEE et UE.

Le Congrès adopta le principe d’une monnaie commune. Mais le MI6 et la CIA avaient déjà fondé l’Independent League for European Cooperation (ILEC) [2] — devenue European League for Economic Cooperation (ELEC). Son objectif était, une fois les institutions de l’Union créées, de passer de la monnaie commune (la future European Currency Unit – ECU) à une monnaie unique (l’euro), de sorte que les pays adhérents à l’Union ne puissent plus la quitter [3].

C’est ce projet que François Mitterrand réalisa, en 1992. Au regard de l’Histoire et de la participation de François Mitterrand au Congrès de La Haye, en 1948, il est absurde de prétendre aujourd’hui que l’euro ait eu un autre but. C’est pourquoi, en toute logique, les Traités actuels ne prévoient pas la sortie de l’euro, contraignant la Grèce, si elle le souhaite, à sortir d’abord de l’Union pour pouvoir sortir de l’euro.

Le glissement du « projet européen » dans le système états-unien

L’Union a connu deux tournants principaux :

- À la fin des 60, le Royaume-Uni refusa de participer à la guerre du Vietnam et retira ses troupes du Golfe persique et d’Asie. Les Britanniques cessèrent alors de se penser en 51ème État des États-Unis et d’invoquer leur « special relationship » avec Washington. Ils décidèrent donc d’adhérer à l’Union (1973).

- À la dissolution de l’URSS, les États-Unis restèrent seuls maîtres du jeu, le Royaume-Uni les assista, et les autres États leur obéirent. Par conséquent, l’Union n’a jamais délibéré de son élargissement à l’Est, mais uniquement validé une décision prise par Washington et annoncée par son secrétaire d’État James Baker. De même, elle a adopté aussi bien la stratégie militaire des États-Unis [4] que leur modèle économique et social caractérisé par de très fortes inégalités.

Le référendum grec a fait apparaître une ligne de partage entre d’un côté des élites européennes qui trouvent la vie de plus en plus facile et soutiennent sans réserve le « projet européen » et, d’autre part, des classes laborieuses qui souffrent de ce système et le rejettent ; un phénomène qui s’était déjà exprimé, mais uniquement à l’échelle nationale, lors de la ratification du Traité de Maastricht et du projet de Constitution européenne par le Danemark et la France.

Dans un premier temps, les dirigeants européens ont mis en cause la validité démocratique du référendum. Le secrétaire général du Conseil de l’Europe, Thorbjørn Jagland (l’homme qui a été viré du jury Nobel pour corruption [5]) a déclaré

- que la durée de la campagne était trop courte (10 jours au lieu de 14) ;

- qu’il ne pourrait pas être surveillé par des organisations internationales (trop longues à s’organiser),

- et que la question posée n’était ni claire ni compréhensible (alors que la proposition de l’Union publiée au Journal officiel est bien plus courte et simple que les Traités européens qui furent soumis à référendum).

Cependant, la polémique a fait long feu après que le Conseil d’État grec, saisi par des particuliers de ces trois points, a validé la légalité de cette consultation.

La presse dominante a alors affirmé qu’en votant « non », l’économie grecque sauterait dans l’inconnu.

Pourtant, le fait d’appartenir à la zone euro n’est pas une garantie de performance économique. Si l’on se réfère à la liste du FMI du Produit intérieur brut (PIB) en Parité de pouvoir d’achat (PPA), un seul État membre de l’Union se trouve parmi les 10 premiers dans le monde : le paradis fiscal du Luxembourg. La France ne figure qu’en 25ème position sur 193.

La croissance de l’Union européenne était de 1,2 % en 2014, ce qui la classe au 173e rang mondial, c’est à dire un des plus mauvais résultats dans le monde (la moyenne mondiale est de 2,2 %).

 

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Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne, est l’ancien vice-président Europe de la banque Goldman-Sachs. Il a masqué au Parlement européen son rôle dans les malversation opérées par la banque pour le compte du gouvernement grec, pourtant attesté par des documents de la banque.

 

Force est de constater qu’appartenir à l’Union et utiliser l’euro ne sont pas des garanties de succès. Mais si les élites européennes soutiennent ce « projet », c’est qu’il leur est profitable. En effet, en créant un marché unique, puis une monnaie unique, les Unionistes ont brouillé les cartes. Désormais, les différences ne sont plus entre les États membres, mais entre des classes sociales qui se sont uniformisées à l’échelle européenne. C’est pourquoi les plus riches défendent l’Union, tandis que les plus pauvres aspirent au retour des États membres.

Les contresens à propos de l’Union et de l’euro

Voici des années que le débat est faussé par le vocabulaire officiel : les Européens ne seraient pas les porteurs de la culture européenne, mais uniquement les membres de l’Union. Depuis la Guerre froide, on affirme ainsi que les Russes ne seraient pas Européens, et désormais qu’en sortant de l’Union, la Grèce quitterait la culture européenne dont elle est le berceau.

Or, « les chiens ne font pas des chats ». L’Union a été conçue par les Anglo-Saxons, avec d’anciens nazis, contre l’URSS. Elle soutient aujourd’hui le gouvernement ukrainien, nazis inclus, et a déclaré la guerre économique à la Russie en la parant du nom de « sanctions ».

Comme son nom ne l’indique pas, l’Union n’a pas été créée pour unir le continent européen, mais pour le diviser, en écartant définitivement la Russie. C’est ce que Charles De Gaulle avait dénoncé en plaidant, lui, pour une Europe « de Brest à Vladivostock ».

Les unionistes assurent que le « projet européen » a permis la paix en Europe depuis 65 ans. Mais parlent-ils de l’appartenance à l’Union ou de leur vassalité aux États-Unis ? En réalité, c’est celle-ci qui a garanti la paix entre les États ouest-européens, tout en maintenant leur rivalité hors de la zone Otan. Doit-on rappeler, par exemple, que les membres de l’Union européenne ont soutenu des camps différents en ex-Yougoslavie avant de s’unifier derrière l’Otan ? Et doit-on considérer que s’ils redevenaient souverains, les membres de l’Union recommenceraient nécessairement à se quereller ?

 

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Jean-Claude Juncker, s’est indigné du référendum grec qu’il a qualifié de « trahison ». M. Juncker a été contraint à la démission de ses fonctions de Premier ministre du Luxembourg, après que l’ont eut établi son appartenance au réseau d’espionnage Gladio de l’Alliance atlantique. Un an plus tard, il devenait président de la Commission européenne.

 

Pour revenir au cas grec, les experts ont largement démontré que cette dette est imputable à des problèmes nationaux non-résolus depuis la fin de l’Empire ottoman tout autant qu’à une escroquerie de grandes banques privées et de dirigeants politiques. Au demeurant, cette dette est insolvable comme le sont également les dettes des principaux États développés [6]. Quoi qu’il en soit, Athènes pourrait facilement s’en sortir en refusant de payer la partie odieuse de sa dette [7], en quittant l’Union, et en faisant alliance avec la Russie qui est pour elle un partenaire historique et culturel bien plus sérieux que la bureaucratie bruxelloise. La volonté de Moscou et de Beijing d’investir en Grèce et d’y créer de nouvelles institutions internationales est un secret de polichinelle. Cependant, la situation de la Grèce est d’autant plus complexe qu’elle est également membre de l’Otan et que l’Alliance y avait organisé un coup d’État militaire, en 1967, pour l’empêcher de se rapprocher de l’URSS [8] ; [9].

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17 Commentaires

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  • #1223519
    Le 7 juillet 2015 à 15:42 par Babar
    Derrière la dette grecque

    Meyssan parle du " Paradis fiscal du Luxembourg " : c’est grâce à Juncker que les multinationales US y ont pu bénéficier de l’ "optimisation fiscale" qu’il avait mis en place, c’est à dire éviter de payer l’impôt dans les différents pays de la zone euro où elles travaillaient . Et c’est pour le récompenser que les US ont bombardé cet organisateur d’une fraude colossale... Président de la Commission Européenne . Président de la Commission pour avoir su si bien faire les "commissions" des multinationales US...

     

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  • #1223523
    Le 7 juillet 2015 à 15:54 par Clio
    Derrière la dette grecque

    Le rapprochement entre les différents pays d’Europe a été motivé par le très grand affaiblissement de ces pays en 1945 . Avant 1939 L’Angleterre et son immense empire, la France avec ses 10 millions de km2 de colonies, l’Allemagne devenue très puissante sous Hitler, étaient des puissances souveraines et universellement respectée . Songez que la Mer Méditerranée était en partie "Française", le Maghreb était à nous, comme la Syrie et le Liban . La 2GM a fait de ces pays des Etats de deuxième zone et c’est pourquoi, l’union faisant la force, ils se sont rapprochés jusqu’à créer l’UE .

     

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    • #1223606
      Le Juillet 2015 à 18:18 par francky
      Derrière la dette grecque

      Oui et la marmotte c’est elle aussi qui emballe dans le papier aluminium..... Ah lala il y avait longtemps qu avait pas eu un troll sur ER. C est vrai qu ils nous font rire, de temps en temps !!!!!

       
    • #1223723
      Le Juillet 2015 à 20:58 par Jojo l’Afreux
      Derrière la dette grecque

      Pourtant ce qu’il dit est majoritairement juste, à rapprocher : 1956 est l’année de ratification du traité de Rome et de la crise du canal de Suez au terme de laquelle, les Américains et les Russes ont accru leur emprise sur notre dépendance énergétique. Jusqu’en 56, la Méditerranée était une mer Franco-Britannique grâce au contrôle des voies d’accès, c’est un fait, depuis c’est une mer Américaine.
      La signature des traités successifs s’est un peu faite contrainte et forcée, certains pays signataires sont directement occupés par l’armée Américaine, les autres sont tenus par les enjeux géostratégiques et tout les états qui ont été sur le point de s’émanciper de la puissance de tutelle ont connu des coups d’états ou des troubles sociaux pouvant aller jusqu’à une guerre civile de basse intensité.
      Le raisonnement est plutôt juste, seule la conclusion est erronée : la construction Européenne est la clé de voute pour chapeauter et cimenter l’ensemble du système de domination Américain du continent Européen et certainement pas une tentative de s’en émanciper, seul de Gaulle avait tenté de retourner la construction Européenne contre ses concepteurs en pensant que ce serait possible mais de Gaulle est mort depuis longtemps.

       
    • #1223775
      Le Juillet 2015 à 22:11 par MaxC
      Derrière la dette grecque

      Bonne mise au point Jojo. Évitons les sarcasmes ça n’apporte rien au débat d’idée. Et oui, Clio a une conclusion erronée ou plutôt une conclusion "Fernand Nathan". Ce qui revient au même.

       
    • #1223808
      Le Juillet 2015 à 23:05 par clio
      Derrière la dette grecque

      Clio répond à jojo l’affreux : Céline prétendait que l’affaire de Suez - les Franco-britanniques qui se font taper sur les doigts par les US - démontrait que la France avait perdu sa souveraineté, qu’elle ne pouvait plus bouger sans demander au préalable l’autorisation des USA .

       
    • #1223877
      Le Juillet 2015 à 01:10 par MaxC
      Derrière la dette grecque

      @clio

      Mais l’UE n’a rien changé à la donne, au contraire c’est la formalisation de la domination Atlantiste. Si l’UE fait la force, la force a bénéficié à l’hégémonie US et absolument pas aux pays de l’Union. Si la France était soumise aux USA, la création de l’UE n’a fait que formaliser et renforcer la soumission.

       
    • #1223889
      Le Juillet 2015 à 01:49 par Pierre Loup
      Derrière la dette grecque

      Pourtant mes chère amis, Pierre Hillard a ’’débunké’’ si je peut me permettre ce terme, l’UE et ceux qui sont véritablement derrière sa création, sa date de bien avant 1945, et même avant 1914. Allez voir ses conférences toute les preuves factuels y sont sans exception.

       
  • #1223543
    Le 7 juillet 2015 à 16:49 par dbk
    Derrière la dette grecque

    Merci pour cet article aussi admirable qu’instructif.

     

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  • #1223697
    Le 7 juillet 2015 à 20:37 par Marcorèle
    Derrière la dette grecque

    thierry Meyssan est vraiment un de nos meilleurs juornalistes français condamné à vivre en exil, pas étonnant avec tout ce qu’ il balance

     

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  • #1223700
    Le 7 juillet 2015 à 20:39 par JMS
    Derrière la dette grecque

    Avant le début de la crise actuelle de la dette en 2010, la Grèce a dépensé quelque 7% de son PIB pour la défense, alors que de nombreux autres pays européens allouent environ 2%. Même maintenant, cinq ans après l’effondrement économique, la Grèce a encore le niveau de dépenses militaires plus élevé dans l’Union européenne – à 2,2% du PIB. Sur les 28 membres de l’Otan, la Grèce est le deuxième plus grand dépensier après les États-Unis, qui allouent environ 3,8% de leur production économique au militaire.
    Dans le déluge de reportages des médias occidentaux sur la crise de la dette grecque, un aspect clé reste étrangement caché. Autrement dit, le fait que le fardeau de la dette de la Grèce de $320 Mds a été largement engagé par des décennies de militarisme exorbitant. Selon certaines estimations, au moins la moitié de la dette grecque totale – plus de 150 Mds – est due aux dépenses militaires... Si la Grèce devait réduire ses dépenses militaires de moitié, à environ 1% cent du PIB, comme en Italie, en Belgique, en Espagne ou en Allemagne, elle pourrait générer $2 Mds qui satisferaient les demandes immédiates du FMI et contribuerait aussi à éviter les mesures d’austérité drastiques exigées par la troïka.

    Pour faire suite : http://www.lepoint.fr/editos-du-poi...

     

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    • #1223816
      Le Juillet 2015 à 23:09 par mimi
      Derrière la dette grecque

      A la télé quelqu’un a fait une remarque pertinente sur l’endettement de la Grèce : les prêteurs ne pouvaient pas ne pas savoir que la Grèce ne pourrait jamais rembourser . Alors pourquoi ont-ils tant prêté ?...

       
  • #1224060
    Le 8 juillet 2015 à 14:45 par ·٭·щargueri†e·٭·
    Derrière la dette grecque

    Ici, Meyssan ne fait que reprendre les démêlages de François Asselineau, dont les exposés sur l’histoire de la construction européenne - facilement accessibles - sont très bien documentés et pédagogiques.
    Ce qui n’enlève rien à son mérite : écrire et faire savoir ces vérités importantes.

     

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    • #1224573
      Le Juillet 2015 à 15:36 par francky
      Derrière la dette grecque

      Exacte et F Asselineau ne fait que reprendre les travaux de P Hilard, mais effectivement chacun apporte sa pierre à l edifice et c’est tant mieux...

       
  • #1224661
    Le 9 juillet 2015 à 19:02 par Andrée
    Derrière la dette grecque

    Sans revenir sur le processus de "construction européenne" que présente Thierry Meyssan, il y a un point sur lequel je pense qu’il se trompe. Mais il est important de l’exposer, si E&R le permet, parce qu’il éclaire autrement la question du détournement véritable dont l’idée européenne, préexistante et légitime car historiquement cohérente, a fait l’objet, par le noyautage des élites européennes acquises à cette idée.

    Thierry Meyssan identifie l’origine nazie de ce projet par le biais de la paternité attribuée à Walter Hallstein. Ce fait, qui semble être le seul indice qu’il ait trouvé, mais peu détaillé, me paraît insuffisant en termes de preuve. On ne peut déduire du rapport d’un fonctionnaire d’État, quand bien même il s’agirait d’un professeur de droit affilié à une amicale de juristes nazis qui aurait eu l’honneur de participer à un voyage diplomatique en 1938, l’existence d’un projet politique qui résulte d’une décision politique. Surtout dans un régime où le Führer avait seul le pouvoir décisionnel suprême, civil et militaire (on sait, par exemple, que le plan du jeune général Manstein d’attaquer par les Ardennes en mai 40, Hitler l’a adopté et modifié seul contre l’OKW).
    A-t-on des preuves que ce rapport Hallstein, dont ne connaît pas les termes, a été présenté à Hitler (quand ?) et que celui-ci ait manifesté la volonté de l’adopter pour en faire un projet du Reich ?

    Hitler avait indéniablement un plan stratégique pour l’Europe, une idée plus ou moins précise et à bien des égards assez avant-gardiste (objectivement, j’entends, par rapport à notre regard actuel). Cette idée reposait sur la certitude que les conflits futurs allaient opposer des continents et non plus des nations. Le continent européen devait donc être en mesure d’établir une défense stratégique, allant de l’Atlantique à l’Oural et au Caucase. Le fait est que cette idée, qui l’obsédait, a pris un tour différent quand, à partir du printemps 41, il prit définitivement conscience que l’Angleterre ne pourrait être du projet. Or il n’avait jamais caché jusque-là une certaine sympathie pour l’Angleterre et pour ce qu’il considérait être l’utilité de l’empire britannique pour l’équilibre du monde (on le voit bien dans Mein Kampf et il l’a dit à suffisamment de gens pour qu’on ne puisse en douter). Ce nouveau constat a donc bouleversé ses plans. [1/3]

     

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  • #1224663
    Le 9 juillet 2015 à 19:02 par Andrée
    Derrière la dette grecque

    A partir de là, et dans sa perspective de long terme, il avait besoin de la France (l’Italie seule ne faisant pas le poids) pour boucler la Méditerranée, une fois expulsés définitivement les Britanniques de Gibraltar, de Suez et du Proche-Orient, sauvegarder ce secteur ainsi que servir de bouclier atlantique. Il en a fait très longuement état, lors d’un entretien privé à Berchtesgaden (11 mai 1941), à Darlan à qui il avait proposé (pour l’après-guerre) la création d’une marine européenne dont la France prendrait le commandement (il le disait à un amiral de France, ce qui fut perçu par ce dernier comme une simple habileté tactique).

    Cependant il est un fait établi que tant que la question militaire n’était pas réglée, celle de l’organisation politique de l’Europe après la guerre l’était encore moins. Hitler la laissait volontairement en suspens pour se ménager le soutien, dans son effort de guerre, de ceux qu’il considérait comme les États piliers (hormis ses alliés, la France, surtout). Il faisait reposer cette pression tantôt sur l’idée qu’il croyait généreuse du "donnant-donnant", tantôt sur le rapport de forces frontal (et brutal). Or le gouvernement français était, en 1941, nettement demandeur de ces garanties politiques, pour alléger précisément la pression exercée sur la France, tout en restant attaché à la neutralité politique dans le conflit (exigence à laquelle Pétain ne voulait pas déroger). Cercle vicieux et incompréhension réciproque qui symbolisent assez bien l’écart entre d’un côté une vision où prime le politique et de l’autre un pragmatisme où le résultat dépend toujours d’un rapport de forces concret. C’est toute la différence, au fond, entre la France et l’Allemagne, qu’on observe encore aujourd’hui.

    Tout cela pour dire que si en 1941 (année où tout objectivement pouvait laisser croire à une victoire de l’Allemagne), Hitler n’avait pas défini son projet politique pour l’Europe (qu’il faisait dépendre de l’issue de la guerre et de l’implication des uns et des autres), ce n’est pas après, quand le rapport de forces lui était moins favorable, que l’on peut deviner un tel projet. Tout le reste n’est donc que spéculation. [2/3]

     

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  • #1224664
    Le 9 juillet 2015 à 19:03 par Andrée
    Derrière la dette grecque

    Il n’en demeure pas moins que l’idée européenne, presque aussi vieille que l’Europe elle-même, occupait partout de nombreux esprits, avec des variantes selon les sensibilités de chacun. En France, cette idée revêtait un caractère plus abstrait, car la France est la plus vieille nation d’Europe. En Allemagne et en Europe centrale, elle était indissociable de la question ethnique. Et depuis toujours pour ainsi dire. Celle-ci se trouvait déjà au cœur de l’équilibre recherché en 1815 par Metternich et que le traité de Versailles avait purement et simplement ruiné sans lui substituer quoi que ce soit de meilleur. Alors il est évident qu’en 40-45 on se trouvait de nouveau à la croisée des chemins !

    Le règlement de la question européenne s’est donc dessiné à la fin de la guerre du fait des armes et d’un noyautage précoce et habile de la part des Anglo-Américains des mouvements de résistance à l’Allemagne nazie. Il suffit d’observer la naissance (dès 46 je crois) et les premiers développements de l’Union des fédéralistes européens qui tiendra le rôle qu’on sait au congrès de La Haye de 1948, pour comprendre. Et là, tout concorde avec ce que développe Thierry Meyssan. Mais il me paraît absurde, littéralement, de prétendre, comme le fait Asselineau, que ce règlement puisse être la reprise pure et simple d’un projet nazi. Comment imaginer deux secondes, que l’Europe divisée en deux, avec un rideau de fer qui traversait de part en part une Allemagne soumise et ruinée, pût avoir quoi que ce soit de commun avec une Europe où la « Grande Allemagne » aurait été le cœur (et sans doute la tête aussi) du continent ?
    Qu’un certain nombre de membres de l’élite d’une Allemagne déchue et occupée se soient ralliés à ce projet européen guidé par les intérêts américains n’a absolument rien de surprenant. Ils n’ont fait que suivre, plus contraints encore, le sort de leurs homologues des autres pays de l’Europe occidentale. Quand on voit le nombre de scientifiques allemands débauchés par les Américains, d’as de la Luftwaffe qui se sont recyclés après la guerre en consultants pour l’industrie aéronautique américaine, de militaires de la Wehrmacht qui ont intégré les structures de commandement de l’Otan (l’exemple de Hans Speidel, qui était chef d’état-major du commandant en chef de la Wehrmacht en France, pendant la guerre, et qui deviendra de 1947 à 1963 commandant des forces Centre-Europe du SHAPE, est éloquent), eh bien, on comprend mieux. [3/3]

     

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