A propos du naturisme, personne ne semble au courant qu’il est d’abord une invention des chrétiens adamites, arguant qu’on n’était pas pur lorsqu’on éprouvait encore de la honte ou du désir en présence de la nudité de l’autre sexe.
Bref, une volonté de retrouver l’état d’innocence précédant la Chute par un exercice de castration spirituelle (une autre solution - interprétation littérale de l’Évangile selon Matthieu - consistait à se couper les couilles, mais elle fut interdite par l’Eglise romaine au XIIe siècle, y voyant une solution de facilité).
C’est sur ce vieil héritage puritain que se construit le naturisme moderne au XIXe et XXe siècle, comme l’analysa Norbert Elias. La haine et le dégoût pour la sexualité qui transpirent des écrits des pionniers du naturisme n’ont rien à envier aux sermons des religieux les plus sévères. Un homme sain et civilisé ne doit plus éprouver de désir pour le corps de la femme. La nudité mixte a au fond pour but de désexualiser la femme en banalisant son corps. Sans pudeur, pas d’érotisme.
Khalid Gibran (Libanais chrétien) résume admirablement cette pensée antiérotique :
« N’oubliez pas que la pudeur est un bouclier contre le regard impur. Et quand l’impur n’est plus, que devient la pudeur sinon un carcan pour le corps et une souillure pour l’esprit ? » (l’impur n’étant autre que le désir sexuel).
Ainsi, contrairement à ce que les gens superficiels et/ou peu cultivés pourraient penser, les naturistes ne sont pas des décadents dégénérés, mais au contraire des puritains bien plus radicaux que n’importe quel barbu (barbu qui, si il bannit toute forme d’érotisme dans l’espace public, tient à son désir érotique pour la sphère intime).
Lorsque l’on songe que depuis les années 70 le naturisme déborde largement des camps et plages qui lui sont réservés via le topless de plage publique, on est en droit de se poser des questions sur la soit disant décadence lubrique occidentale, qui s’apparente plutôt à un ramollissement castré.
« Si je tonne contre la destruction des digues libérant un flot (par exemple) d’érotisme fessu, pileux et mammaire, ça n’est pas parce que fesses, poils et mamelles me choquent, mais parce que, à force de répandre le vice, les sources profondes d’où il jaillissait seront taries » - Jean Cau
« La pudeur est le parfum de la volupté ; la satiété est l’arôme du dégoût. Et la pudeur accroît la volupté, comme la satiété l’écœure » - André Suarès
Vive la pudeur, l’érotisme et la vie.