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La métamorphose de Bachar el-Assad

Depuis la retraite de Fidel Castro, la mort d’Hugo Chávez et l’interdiction faite à Mahmoud Ahmadinejad de présenter un candidat à l’élection présidentielle iranienne, le mouvement révolutionnaire n’a plus de leader mondial. Ou plutôt, n’en avait plus. Cependant, l’incroyable ténacité et sang-froid de Bachar el-Assad a fait de lui le seul chef d’Exécutif au monde qui ait survécu à une attaque concertée d’une vaste coalition coloniale conduite par Washington et qui ait été largement réélu par son peuple.

Bachar el-Assad ne souhaitait pas entrer en politique. Il se destinait à être ophtalmologue. Cependant, à la mort de son frère Bassel, il rentra du Royaume-uni où il poursuivait ses études et accepta de servir sa patrie et son père. À la mort de celui-ci, il consentit à lui succéder pour maintenir l’unité du pays. Ses premières années de gouvernement furent une tentative de modifier la composition des classes sociales de manière à rendre possible un système démocratique que personne ne lui réclamait. Patiemment, il démantela le système autoritaire du passé et commença à associer la population à la vie publique.

Cependant, à peine arrivé au pouvoir, il fut informé que les États-Unis avaient décidé de détruire la Syrie. Aussi sa présidence fut-elle principalement tournée vers le renforcement de l’Armée arabe syrienne, l’élaboration d’alliances extérieures, et des tentatives de déjouer le complot. Dès 2005, avec la commission Mehlis, il dut affronter l’opposition du monde entier qui l’accusait de l’assassinat de Rafic Hariri. Mais ce n’est qu’en 2011, que les puissances coloniales s’unirent à la fois contre lui personnellement et contre la Syrie.

Quelle ne fut pas sa surprise, au début des événements, en recevant une délégation de la bourgade syrienne où s’était tenue la plus importante manifestation, d’entendre celle-ci lui réclamer pour toute revendication l’expulsion des alaouites de la ville. Révolté, il mit fin à l’entretien et décida de défendre jusqu’au bout la civilisation syrienne du « vivre ensemble ».

Durant trois ans, le timide médecin se transforma en chef de guerre. D’abord soutenu presque exclusivement par son armée, puis progressivement rejoint par son peuple, il fut élu en pleine guerre pour un troisième mandat par 88,7 % des suffrages exprimés, soit 65 % du corps électoral. Son discours d’investiture exprime à quel point il a changé au cours des événements.

L’idéal qu’il y exprima est d’abord celui du service de la Patrie républicaine. Il s’est battu pour défendre ces hommes et ces femmes que l’on destinait à vivre sous la férule d’une dictature religieuse au service de l’impérialisme. Et parfois, il s’est battu pour eux, et contre leur volonté. Il s’est battu pour eux en doutant de parvenir à la victoire, préférant mourir pour la Justice que d’accepter l’exil doré mais honteux que lui proposaient les « Occidentaux ».

Pourtant, peu avant, les dictateurs Zine el-Abidine Ben Ali et Hosni Moubarak avaient cédé dès les premières injonctions de Washington, et laissé leur pays aux mains des Frères musulmans. Pis, l’autocrate Hamad ben Khalifa Al Thani avait abdiqué, comme un enfant docile, au premier froncement de sourcils de Barack Obama, préférant jouir de sa fortune volée que de combattre.

Il s’agissait au départ pour Bachar el-Assad de résister aux coups de l’impérialisme. Mais alors que s’approche la victoire, la volonté lui est venue d’aller plus loin, de remettre en cause le désordre mondial. Il s’est découvert comme un vrai leader révolutionnaire, exactement comme Hugo Chávez l’avait perçu alors que le monde le prenait encore pour un simple fils-à-papa. Et à ce titre, et quelle que soit la félonie de certains politiciens, il ne peut pas ne pas prendre la défense du peuple palestinien que les colons israéliens massacrent à Gaza.

La Révolution de Bachar el-Assad est d’abord un combat de libération contre l’obscurantisme religieux, que les monarchies wahhabites d’Arabie saoudite et du Qatar incarnent dans le monde arabe. Elle entend garantir le libre épanouissement de chacun quelle que soit sa religion et s’affirme donc comme laïque, c’est-à-dire qu’elle s’oppose au conformisme religieux. Elle pose que Dieu ne soutient aucune religion en particulier, mais la Justice commune à tous. De fait, elle renvoie la croyance en Dieu dans la sphère privée, pour en faire la source de la force qui permet à chacun de lutter contre un ennemi supérieur en force et de le vaincre collectivement.

Comme tous ceux qui ont traversé une guerre, Bachar el-Assad n’a pu admettre l’idée que les horreurs commises l’aient été par des hommes mauvais plantant « leurs crocs dans le corps syrien, semant mort et destruction, dévorant cœurs et foies humains, égorgeant et décapitant ». L’accepter aurait été perdre tout espoir en l’espèce humaine. Aussi a-t-il vu derrière leurs agissements l’influence du Diable, les manipulant à travers les soi-disant « Frères musulmans ».

Le nom du « Diable » fait étymologiquement référence au double discours qu’il tient. Le président el-Assad a donc démonté le slogan des « printemps arabes », imaginé par le département d’État pour placer les Frères musulmans partout au pouvoir au Maghreb, au Levant et dans le Golfe. Partout l’asservissement à l’impérialisme suivait les drapeaux coloniaux, celui de la monarchie wahhabite des Sénoussi en Libye, celui du mandat français en Syrie, tout en se réclamant paradoxalement de « la Révolution » aux côtés des tyrans de Riyad et de Doha.

La guerre fut pour lui un long cheminement personnel. Il l’a vécue guidé par sa morale : le « service de l’intérêt public », ce que les Romains appelaient « la République », mais que les Britanniques considèrent comme une chimère masquant des ambitions autoritaires. Comme Robespierre « l’Incorruptible », il a compris que ce service ne souffrait aucune trahison, donc aucune corruption. À l’instar de son père, Hafez el-Assad, il vit sobrement et se méfie du luxe ostentatoire de certains capitaines du commerce et de l’industrie, fussent-ils de ses proches.

Il est devenu un leader révolutionnaire ; le seul chef d’Exécutif au monde qui ait survécu à une attaque concertée d’une vaste coalition coloniale conduite par Washington. Ce faisant, il entre dans l’Histoire.

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28 Commentaires

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  • #914774
    Le 28 juillet 2014 à 15:17 par Resistance mecanik
    La métamorphose de Bachar el-Assad

    L’empire est dans une phase de déclin, par son funeste projet, qui, aujourd’hui est DEVOILE à l’ensemble des peuples du monde. L’ennemi est parfaitement ciblé, il nous reste la partie la plus effrayante, qui est l’attaque de tous ces traitres arabes, de leurs chiens vendus que sont les égorgeurs. Poutine, lui et les brics, s’occupent des commanditaires que sont, : le grand satan, 2 ou 3 pays d’europe, et le fils illegitime de satan, israel.

     

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  • #914810
    Le 28 juillet 2014 à 15:40 par Paskl
    La métamorphose de Bachar el-Assad

    Beau portrait d’un homme réel et ouvert. J’aime cet idéal praticable du "vivre-ensemble" en république . On le retrouve ici sur E&R.
    J’espère qu’il va se sortir du guêpier actuel et qu’ils ne réussiront pas à l’assassiner. Cet homme a une destinée tout à fait particulière.

     

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  • #914857
    Le 28 juillet 2014 à 16:19 par h3kt0r
    La métamorphose de Bachar el-Assad

    Je crois en Bachar el Assad et j’espère voir un jour laurent fabius dans le box des accusés au cours d’un procès à l’issue duquel il sera fermement condamné à une peine incompressible de PRISON FERME !
    Oh oui, j’attends ce grand jour avec une infinie patience...

     

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  • #914937
    Le 28 juillet 2014 à 17:09 par Bé Hache Elle
    La métamorphose de Bachar el-Assad

    le seul chef d’Exécutif au monde qui ait survécu à une attaque concertée d’une vaste coalition coloniale conduite par Washington. Ce faisant, il entre dans l’Histoire.



    Quand je pense qu’en France, on est gouverné par des employés de banques avec le fion à l’air.

     

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  • #915138
    Le 28 juillet 2014 à 20:19 par vincentgétorix
    La métamorphose de Bachar el-Assad

    Comme Nasser lui aussi qui était rentré dans l’Histoire, Bachar El Assad incarne un renouveau possible pour le monde arabe . Qu’il vive plus longtemps que Nasser !
    Cet homme ne voulait pas faire de politique au départ. Celà illustre bien le propos d’ E. Chouard : ne donnons pas le pouvoir à ceux qui le veulent, si on veut avoir une petite chance que le peuple soit servi en premier.

     

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    • #915503
      Le Juillet 2014 à 01:42 par solmed
      La métamorphose de Bachar el-Assad

      @ vincentgétorix
      C’est très exactement ce qui a fait la grandeur de l’état musulman à ses débuts, les quatre Califes élus ne voulaient pas de responsabilité, ils ont été forcés par leurs coreligionnaires, ni aucun de ceux qui ont été placés à la tête des provinces. Et c’est aussi ce qui peut constituer le tamis pour savoir si ceux qui se targuent de défendre les valeurs de l’Islam sont dans le vrai. Dans la culture politique musulmane courir après des postes de responsabilité ou après le pouvoir est en contradiction flagrante avec l’enseignement fondamental tel qu’enseigné par l’envoyé de Dieu/Allah Mohamed (PSL)... Un des très rares qui tentent de revivifier cet enseignement est l’Imam d’El Qods (Jerusalem), le Cheikh Salaheddine Ibn Ibrahim Abou Arafa et à un autre niveau Cheikh Imran Hussein.
      Pendant que j’écrivais ces quelques lignes, l’armée des criminels tueurs d’enfants détruit en ce moment des usines encore debout à Gaza : Une fabrique de cartons et une autre de bonbonnes de gaz !!! La maison de Ismail Hanyeh, l’ancien premier ministre du Hamas vient d’être détruite. En réponse, 4 missiles viennent d’atteindre Tel Aviv...
      Autre info, selon l’ancien patron des renseignements sioniste, le rapport de morts palestiniens/sionistes est de 1 pour 7, ce qui signifie que le nombre de morts sionistes réel serait autour de 150 et près de 1000 blessés, ce qui confirmerait les données transmises par la résistance palestinienne... ;)

       
    • #915837
      Le Juillet 2014 à 11:27 par solmed
      La métamorphose de Bachar el-Assad

      Erratum
      Je voulais dire usine de boissons gazeuses et non de bonbonnes de gaz, désolé...

       
  • #915198
    Le 28 juillet 2014 à 21:14 par Skidmark
    La métamorphose de Bachar el-Assad

    Il se destinait à être ophtalmologue.



    Il aura finalement ouvert les yeux à beaucoup par sa bravoure dans son rôle de Président.

     

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  • #915540
    Le 29 juillet 2014 à 02:28 par Malcom X
    La métamorphose de Bachar el-Assad

    Que dieu l’aide.

     

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  • #915572
    Le 29 juillet 2014 à 03:55 par pseudonyme
    La métamorphose de Bachar el-Assad

    Ca fait mal à la tête cet auto-plébiscite de la révolution française et de l’esprit républicain.

    Vivement que Meyssan et Benajam étudient cette tache dans l’humanité ailleurs que dans les bouquins républicains.

    Assad se fout de voltaire, robespierre, la république, etc. Il n’a pas de fond "républicain", il a un fond ésotérique musulman. Ca change complètement la donne.

    Il ne se bat pas pour la laïcité républicaine, il se bat pour la stricte justice dont parle l’islam, qui interdit de piquer à son prochain ce qui ne nous appartient pas, de tuer ou de manquer de respect, quelle que soit la religion.

    Si Assad était républicain _laïc_ (avec l’accent dieudo), il ne ferait pas ostentatoirement la prière à la mosquée en écoutant le prêche du religieux comme n’importe quel musulman. Il ne serait pas dans cette immanence de groupe (dont les musulmans tirent leur foi autant que dans la transcendance divine).

    Bref, le réseau voltaire pour avoir deux trois infos c’est cool. Mais sa propagande droit de l’homme-iste fait mal à la tête.

    Ils ne voient pas la contradiction à être contre les révolutions colorées et pour la révolution française qui a été un génocide, massacre, régicide, coup d’état, fomenté dans l’ombre par l’étranger et l’équivalent des néo-con américain de l’époque en france.

    Fermez-la, physiquement.

     

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  • #915860
    Le 29 juillet 2014 à 11:51 par Un cendy
    La métamorphose de Bachar el-Assad

    Celui qui accepte la lourde charge de diriger un pays n’a pas la voracité malfaisante de celui qui accapare le pouvoir par rapacité.
    Il aurait pu se montrer faible et dépassé par la tâche, finalement il a fait face. Il prouve que tout n’est pas perdu dans ce que l’on nomme improprement "le monde arabe" et sa prétendue "rue arabe".

     

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  • #916734
    Le 30 juillet 2014 à 00:20 par D. Kada - Oran
    La métamorphose de Bachar el-Assad

    Elle pose que Dieu ne soutient aucune religion en particulier, mais la Justice commune à tous.



    Thierry Meyssan est un laïque et de ce fait ses affirmations sur Dieu ne peuvent être qu’erronées. Dire que Dieu ne soutient aucune religion en particulier, c’est prétendre qu’elles sont toutes égales et acceptables à ses yeux et de fait adopter l’une d’elles, c’est comme consommer un produit donné sur un étalage en fonction de l’attrait de son emballage. La marque importe peu étant donné que le produit est le même…

    La religion ne peut jamais être contenue dans le moule de la laïcité. TM ferait mieux de se contenter de ses assertions apologétiques relatives à un type comme Bachar, président de l’une des premières mystifications républicaines depuis la Création à savoir la république héréditaire, sans entrer dans des considérations d’ordre religieux qui, en toute évidence, dépassent son entendement fini et ses habitudes mentales relevant uniquement de ce qu’il peut voir, entendre et toucher. Thierry pense donc Meyssan existe…

    Le Meilleur DK

     

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