La pensée Malka, l’avocat de Charlie Hebdo, est très simple : il est pour la liberté d’expression, mais pas pour celle des anti-Charlie, qui ne sont pas tous des terroristes, soit dit en passant. Or, le 7 janvier 2015 a fait des anti-Charlie d’avant la tuerie de potentiels terroristes rétroactifs.
Interrogé le 25 novembre 2024 par un jeune journaliste de France Info, qui pour une fois n’est pas lèche-cul comme ses collègues, Malka tente de concilier son amour de la liberté d’expression et son amour de la répression des mal-pensants. On applaudit le pilpoul du sophiste.
0:06 – Nous souhaitions vous entendre ce matin parce que vous êtes l’avocat de Charlie Hebdo, parce que ce sujet concerne la lutte contre le terrorisme et la liberté d’expression, deux causes qui sont les vôtres. D’abord comment est-ce que vous avez réagi à cette information, à cette proposition de loi ?
Oh, bah les bras m’en sont tombés, euh, comme tout le monde. Ça voudrait dire, puisque la proposition de loi vise à l’abrogation pure et simple…
Alors c’est pas ce que dit Mathilde Panot, on reviendra dans les détails, mais, voilà.
C’est pas ce que dit Mathilde Panot, on va y revenir, mais moi j’ai lu la proposition de loi, et on parle d’abrogation. Il y a trois articles, le premier c’est l’abrogation, le deuxième, c’est faut faire des rapports. On parle pas de remplacer, de déplacer, de changer, on parle d’abroger, donc ça voudrait dire que, pour LFI, il faudrait vivre dans un monde où l’on pourrait dire concrètement, euh, les massacres du Bataclan, c’est merveilleux, assassiner des profs d’histoire-géo, c’est bien, et, rafaler des jeunes sur des terrasses, c’est parfait. Ça c’est ce qui arriverait, pourquoi pas, hein, c’est le monde qu’ils proposent, mais c’est ça le résultat de l’abrogation de la loi telle que on la propose.
2:58 – Alors c’est important parce que vous venez de citer le juge Marc Trévidic, qui est un ancien juge antiterroriste.
Qui ne demande pas l’abrogation.
Oui, mais qui dit lui-même qu’il défendait l’évolution de cette loi en 2014 et qui dit qu’aujourd’hui, faut préciser les choses, parce qu’il y a un flou. Il dit par exemple, on peut aujourd’hui clamer que les bombardements sur Gaza sont légitimes sans être poursuivi, tandis qu’un simple tag en soutien à la Palestine vous fait encourir la prison, ça c’est ce que dit le juge Trévidic, est-ce que vous êtes d’accord, pas d’accord avec ça ? Est-ce que vous êtes d’accord avec lui sur le fait qu’il faudrait peut-être préciser la loi de 2014 ?
Mais, d’abord, moi, contrairement au juge Trévidic, je n’étais pas pour que l’on sorte cette disposition de la loi sur la presse.
Ah, c’est le monde à l’envers.
Absolument, et par ailleurs, il n’y a pas de tabou, moi je n’ai jamais poursuivi sur le fondement de ce domaine, comme vous pouvez l’imaginer on me le demande parfois. Donc, j’ai pas de tabou, on peut évidemment discuter des termes, on peut éventuellement les préciser, mais c’est le rôle de la jurisprudence. On parle d’un exemple où quelqu’un de la CGT a été condamné, il a fait appel.
3:59 – On va le donner cet exemple. Il s’agit d’un responsable CGT du département du Nord, en octobre 2023, quelques jours après le 7 Octobre, il signe un tract, je cite ce tract : « Les horreurs de l’occupation illégale se sont accumulées depuis samedi 7 Octobre, elles reçoivent les réponses qu’elles ont provoquées. » Vous, Richard Malka, qui êtes attaché à la liberté d’expression, la peine d’un an de prison avec sursis à laquelle il est condamné, est-ce qu’elle vous choque ?
D’abord il a fait appel, donc il y aura une décision d’appel, et puis éventuellement une décision de la Cour de cassation, laissons le processus aller jusqu’au bout. Mais c’est pas parce qu’il y a parfois une décision de première instance qui peut poser question, et poser sujet, celle-là le pose éventuellement, ou qu’il y a des plaintes abusives, qu’il faut abroger un délit. Or, c’est ce qui est proposé. Et ça, c’est n’importe quoi, là on est dans le n’importe quoi. Si à chaque fois il faut abroger les délits parce que certains en font un mauvais usage, bah, il y a plus de délit, il y a plus de Code pénal, on n’est plus dans un État de droit. Euh, ils sont députés, ils sont censés réfléchir un peu, proposer des solutions qui ne soient pas aberrantes, celle-là l’est.
5:10 – Est-ce qu’il n’y a pas eu trop de mauvais usages de cette loi ? Parce qu’on dit que, voilà, depuis notamment le 7 Octobre, il y a des centaines et des centaines de signalements et que ça peut aboutir à des décisions de justice qui sont parfois différentes.
Pardon, mais ça c’est leur obsession, euh, de la question juive, en gros, parce que après 2015, il y a eu énormément de poursuites aussi, il y a plus d’utilisation de cette loi parce qu’il y a plus de terrorisme et parce qu’on parle plus de terrorisme. Et après 2015 il y a eu des condamnations extrêmement lourdes, Dieudonné a été condamné, d’autres ont été condamnés, donc c’est pas réservé à ce fait d’actualité, faut prendre un peu de hauteur, faut un peu travailler ces questions avant d’en parler et de dire n’importe quoi.
Mais, Richard Malka, qu’est-ce qu’il se passerait si cette loi était abrogée ?
Bah, c’est ce que je vous disais, vous pourriez dire « le Bataclan c’est merveilleux ». Moi j’veux bien.
Ça, ce serait possible ?
Bah oui !
Ça libérerait la parole ? Mais c’est déjà un peu le cas.
De l’apologie du terrorisme, oui. Mais, bon, après faut l’assumer, faut l’dire, faut l’assumer, puis les gens votent pour ce qu’ils veulent, mais en fait ça aboutirait à ça. Je veux dire, pour reprendre la terminologie de cette proposition de loi, dans quel pays au monde ce type de propos est autorisé ? En fait il n’y en a pas, y compris aux États-Unis, avec leur premier amendement.
Ça c’est intéressant parce que eux disent, dans l’exposé des motifs de leur proposition de loi : « Quelle démocratie peut encore conserver son nom lorsque des méthodes de l’antiterrorisme sont utilisées pour réprimer des militants, syndicaux par exemple. »
Mais, encore une fois, il s’agit pas de, de, de, de nier que parfois il y a des plaintes abusives, que il y a des plaintes infondées, que il y a une utilisation qui est faite par certaines associations, euh, trop importante de cette loi, mais les juges sont là pour juger. Mathilde Panot a été entendue, Rima Hassan aussi, ben il s’est rien passé ensuite, donc où est le problème ?
6:56 – Je termine par une question peut-être plus personnelle, je parlais des deux causes qui vous tiennent à cœur, Richard Malka, liberté d’expression et lutte contre le terrorisme et donc contre la propagande terroriste, vous sentez pas parfois, voilà, une contradiction entre ces deux causes ?
Mais justement, enfin je veux dire, le, on est là précisément, il y a pas de contradiction, c’est en tension, c’est un mouvement de, d’équilibre, mais si on essaie de regarder les choses avec bonne foi, avec bon sens, en prenant de la hauteur, eh bien on les concilie, et on trouve un bon équilibre.
Et cette loi est utile donc ?
Et cette loi est évidemment utile.
"[Abroger] Cela voudrait dire, pour LFI, vivre dans un monde où l'on pourrait dire 'Les massacres du Bataclan, c'est merveilleux, assassiner des profs d'histoire-géo, c'est bien et rafaler des jeunes sur les terrasses, c'est parfait'", dit Me Richard Malka, avocat. pic.twitter.com/8NXxAwVtWb
— franceinfo (@franceinfo) November 25, 2024
On le sait tous ici depuis maintenant 10 ans ou presque : Charlie a le droit de blasphémer sur les musulmans, mais personne n’a le droit de blasphémer sur les juifs. C’est ce postulat qui fait bredouiller Malka dans ses réponses, et le fait botter en touche dès qu’il est coincé.
En parlant de Charlie, on est allés regarder l’interview de Riss, son PDG, dans Le Figaro. Pour dire qui est Riss, c’était un mec presque toujours pas drôle avant le 7 janvier 2015, et encore moins après, naturellement. En comparaison, Vuillemin est presque toujours drôle, sauf quand il dessine de la couille gauche, rapport au respect moyen qu’il voue au nouveau canard.
C’est pareil pour nous : comment respecter un canard prétendument satirique ou humoristique qui se place du côté du pouvoir ?
Soyons honnêtes, depuis 2015, nous sommes aidés et soutenus par les pouvoirs publics. Les responsables au pouvoir sont derrière Charlie, notamment quand nous publions des dessins susceptibles de faire polémique à l’étranger. Le principe de la liberté d’expression est respecté en France. Nous pouvons publier ce que nous voulons, et en dehors des extrémistes, plus personne ne nous fait des procès en amoralité. S’il nous arrive encore quelque chose, on trouvera bien quelques-uns pour se réjouir que le « boulot » soit fini. Dix ans plus tard, je sais que la possibilité de la violence n’a pas disparu.
De plus, comme toutes les minorités intolérantes, Charlie fait de la propagande dans les lycées. Mais cela ne suffit pas à accrocher la jeunesse.
Que dites-vous aux élèves qui refusent de respecter les minutes de silence, et à ceux disent ne pas « être Charlie » ?
Cela me heurte mais je n’ai pas envie de juger définitivement les plus jeunes. Peut-être est-ce une question d’immaturité ? J’espère qu’un jour, après une sanction pour le principe, ils comprendront que c’était bête. Ils ont le temps d’évoluer, restons optimistes. Quant à ceux qui disent « ne pas être Charlie », je ne suis pas sûr qu’ils soient nombreux. Cet anathème est devenu un slogan de ralliement à la cause du communautarisme, et parfois, une posture pour signifier que l’on n’est pas bien-pensant. Aujourd’hui décomplexés, les anti-Charlie font du bruit. Nous aussi, nous en faisons, et ils vont devoir nous supporter encore longtemps.
L’État pseudo laïc, lui, continue sa propagande pour farcir les têtes avec les fausses valeurs de Charlie, qui expliquent l’impopularité et de ce journal en particulier, et des élites en général.
La région a présenté ce vendredi un projet pédagogique concernant les caricatures au lycée pic.twitter.com/nFMDAxizxo
— BFM Paris Île-de-France (@BFMParis) November 22, 2024