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Affaire Dieudonné : l’ordonnance du Conseil d’État

Le Conseil d’État a annulé la décision du Tribunal administratif de Nantes concernant l’interdiction, par le préfet de la Loire-Atlantique, du spectacle de Dieudonné M’Bala M’Bala.

Au soutien de sa décision, le Conseil d’État invoque notamment le « risque sérieux » de « graves atteintes au respect des valeurs et principes, notamment de dignité de la personne humaine ». Il se fonde également sur « les risques que le spectacle projeté représentait pour l’ordre public ».

Les exigences d’ordre public, estime le Conseil d’État, peuvent ainsi justifier qu’il soit porté atteinte à l’exercice des libertés d’expression et de réunion. Il conclut en conséquence que le préfet « n’a pas commis, dans l’exercice de ses pouvoirs de police administrative, d’illégalité grave et manifeste ». Le site du Conseil d’État demeurant inaccessible, nous reproduisions le texte intégral de l’ordonnance.

Ordonnance du 9 janvier 2014 :

Ministre de l’Intérieur c/ Société Les Productions de la Plume et M. Dieudonné M’Bala M’Bala

N° 374508

Vu le recours, enregistré le 9 janvier 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, présenté par le ministre de l’Intérieur, qui demande au juge des référés du Conseil d’État :

1°) d’annuler l’ordonnance n° 1400110 du 9 janvier 2014 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Nantes, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative, a suspendu l’exécution de l’arrêté du 7 janvier 2014 du préfet de la Loire-Atlantique portant interdiction du spectacle « Le Mur » le 9 janvier 2014 à Saint-Herblain ;

2°) de rejeter la demande présentée, sur le fondement de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative, devant le juge des référés du Tribunal administratif de Nantes par la société Les Productions de la Plume et M. Dieudonné M’Bala M’Bala ;

il soutient que :

- le préfet a pu, sans illégalité, procéder à l’interdiction du spectacle à raison de son contenu dès lors que ce dernier est connu et porte atteinte à la dignité de la personne humaine ;

- le juge des référés du Tribunal administratif de Nantes a entaché son ordonnance d’une erreur manifeste d’appréciation en estimant que les troubles à l’ordre public susceptibles d’être provoqués par le spectacle n’étaient pas suffisants pour justifier la mesure attaquée ;

Vu l’ordonnance attaquée ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d’une part, le ministre de l’Intérieur et, d’autre part, la société Les Productions de la Plume et M. Dieudonné M’Bala M’Bala

Vu le procés-verbal de l’audience publique du 9 janvier 2014 à 17 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- la représentante du ministre de l’Intérieur ;

- Me Rousseau, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, avocat de la société Les Productions de la Plume et M. Dieudonné M’Bala M’Bala ;

- Me Ricard, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, avocat de la société Les Productions de la Plume et M. Dieudonné M’Bala M’Bala :

- les représentants de la société Les Productions de la Plume et M. Dieudonné M’Bala M’Bala ;

et à l’issue de laquelle le juge des référés a clos l’instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment le Préambule ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu le Code pénal ;

Vu le Code général des collectivités territoriales ;

Vu la Loi du 30 juin 1881 sur la liberté de réunion ;

Vu la Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;

Vu les décisions du Conseil d’État, statuant au contentieux, Benjamin du 19 mai 1933, commune de Morsang-sur-Orge du 27 octobre 1995 et Mme Hoffman-Glemane du 16 février 2009 ;

Vu le Code de justice administrative ;

1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures » et qu’aux termes de l’article L. 522-1 dudit code : « Le juge des référés statue au terme d’une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu’il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d’y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l’heure de l’audience publique (…) ;

2. Considérant que le ministre de l’Intérieur relève appel de l’ordonnance du 9 janvier 2014 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Nantes a suspendu l’exécution de l’arrêté du 7 janvier 2014 du préfet de la Loire-Atlantique portant interdiction du spectacle « Le Mur » le 9 janvier 2014 à Saint-Herblain ;

3. Considérant qu’en vertu de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative, il appartient au juge administratif des référés d’ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une autorité administrative aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale ; que l’usage par le juge des référés des pouvoirs qu’il tient de cet article est ainsi subordonné au caractère grave et manifeste de l’illégalité à l’origine d’une atteinte à une liberté fondamentale ; que le deuxième alinéa de l’article R. 522-13 du Code de justice administrative prévoit que le juge des référés peut décider que son ordonnance sera exécutoire aussitôt qu’elle aura été rendue ;

4. Considérant que l’exercice de la liberté d’expression est une condition de la démocratie et l’une des garanties du respect des autres droits et libertés ; qu’il appartient aux autorités chargées de la police administrative de prendre les mesures nécessaires à l’exercice de la liberté de réunion ; que les atteintes portées, pour des exigences d’ordre public, à l’exercice de ces libertés fondamentales doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées ;

5. Considérant que, pour interdire la représentation à Saint-Herblain du spectacle « Le Mur », précédemment interprété au théâtre de la Main d’Or à Paris, le préfet de la Loire-Atlantique a relevé que ce spectacle, tel qu’il est conçu, contient des propos de caractère antisémite, qui incitent à la haine raciale, et font, en méconnaissance de la dignité de la personne humaine, l’apologie des discriminations, persécutions et exterminations perpétrées au cours de la Seconde Guerre mondiale ; que l’arrêté contesté du préfet rappelle que M. Dieudonné M’Bala M’Bala a fait l’objet de neuf condamnations pénales, dont sept sont définitives, pour des propos de même nature ; qu’il indique enfin que les réactions à la tenue du spectacle du 9 janvier font apparaître, dans un climat de vive tension, des risques sérieux de troubles à l’ordre public qu’il serait très difficile aux forces de police de maîtriser ;

6. Considérant que la réalité et la gravité des risques de troubles à l’ordre public mentionnés par l’arrêté litigieux sont établis tant par les pièces du dossier que par les échanges tenus au cours de l’audience publique ; qu’au regard du spectacle prévu, tel qu’il a été annoncé et programmé, les allégations selon lesquelles les propos pénalement répréhensibles et de nature à mettre en cause la cohésion nationale relevés lors des séances tenues à Paris ne seraient pas repris à Nantes ne suffisent pas pour écarter le risque sérieux que soient de nouveau portées de graves atteintes au respect des valeurs et principes, notamment de dignité de la personne humaine, consacrés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et par la tradition républicaine ; qu’il appartient en outre à l’autorité administrative de prendre les mesures de nature à éviter que des infractions pénales soient commises ; qu’ainsi, en se fondant sur les risques que le spectacle projeté représentait pour l’ordre public et sur la méconnaissance des principes au respect desquels il incombe aux autorités de l’État de veiller, le préfet de la Loire-Atlantique n’a pas commis, dans l’exercice de ses pouvoirs de police administrative, d’illégalité grave et manifeste ;

7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le ministre de l’Intérieur est fondé à soutenir que c’est à tort que, par l’ordonnance attaquée, le juge des référés du Tribunal administratif de Nantes a fait droit à la requête présentée, sur le fondement de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative, par la SARL Les Productions de la Plume et par M. Dieudonné M’Bala M’Bala et à demander le rejet de la requête, y compris les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative, présentée par ce dernier devant le juge des référés du Tribunal administratif de Nantes ;

ORDONNE :

Article 1er : L’ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Nantes en date du 9 janvier 2014 est annulée.

Article 2 : La requête présentée par la SARL Les Productions de la Plume et par M. Dieudonné M’Bala M’Bala devant le juge des référés du Tribunal administratif de Nantes, y compris les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative, est rejetée.

Article 3 : En application de l’article R. 522-13 du Code de justice administrative, la présente ordonnance est immédiatement exécutoire.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l’Intérieur, à la SARL Les Productions de la Plume et à M. Dieudonné M’Bala M’Bala.

Autour des questions judiciaires, chez Kontre Kulture :

 






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31 Commentaires

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  • #672442
    Le 10 janvier 2014 à 14:26 par Erdoval
    Affaire Dieudonné : l’ordonnance du Conseil d’État

    Cela s’appelle un coup monté. Plus qu’un coup contre Dieudonné, c’est un coup contre la République et particulièrement une des ses principales institutions, dont la fonction est d’assurer le contrôle juridictionnel au plus haut niveau, au regard des principes fondamentaux du droit et de la législation, de l’action de l’administration.

    Il est clair que ce Conseil d’Etat est la grande victime de ce coup monté. Un conseiller d’Etat s’est prêté à ce jeu et il est fort à parier qu’il a participé étroitement à son élaboration. C’est plus que de la servilité, c’est de la complicité avec un pouvoir lui-même soumis au diktat des intérêts privés mondialisés. Cela révèle que cette institution à laquelle s’attachait jusqu’alors un grand prestige (un des grands corps de l’Etat dont l’accès était réservé aux plus brillants élèves sortant de l’ENA, classés dans la "botte"), est lui même désormais à la botte du gouvernement donc par son intermédiaire aux mêmes maîtres auxquels celui-ci est soumis.

    C’est la confirmation qu’il est urgent de procéder à une grande réforme des institutions de l’Etat qui ne sont plus en mesure de fonctionner normalement et de garantir, grâce à la plus grande impartialité possible due au recul nécessaire pour juger des situations et des intérêts collectifs et particuliers en présence, l’exercice des droits et libertés démocratiques.

    L’Etat est totalement gangrené : une classe politico-administrative inféodée aux intérêts privés a mis la main sur tous les secteurs de la vie publique. Cette classe est issue en très grande partie de Sciences Po Paris et de l’ENA. C’est une classe parasite dont on voit bien à travers cette affaire qu’elle est un danger pour la République et dont nous ne mesurons pas assez combien elle est responsable de l’état d’affaiblissement économique et politique de la France.

    Oui il nous faut une 6ème République pour rétablir les équilibres démocratiques. Mais pas celle que nous promet le leader des Fascistes de Gauche, l’infâme Mélenchon, le trompeur de la gauche, payé pour maintenir dans le giron les déçus de la gauche !

     

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  • #672465
    Le 10 janvier 2014 à 14:38 par balbuzard
    Affaire Dieudonné : l’ordonnance du Conseil d’État

    DSK n’a jamais "porté atteinte à la dignité de la personne humaine", meme dans la chambre du Sofitel, par contre, laisser entendre qu’il n’a fait que 2 semaines de prison parce qu’il appartient à la Race Elue, ça, c’est "porter atteinte à la dignité de la personne humaine"...

     

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  • #672483
    Le 10 janvier 2014 à 14:45 par équitable
    Affaire Dieudonné : l’ordonnance du Conseil d’État

    Toute la Communauté savait que le spectacle de Dieudo serait annulé car elle savait qu’entre les mains de Bernard Stirn, arrière petit neveu de Dreyfus, le sort de Dieudo était plié, ce qui explique l’impassibilité de Cindy Leoni quand elle apprit en direct la nouvelle de l’annulation, et la surprise de l’honnète Bilger qui n’était pas au courant .

     

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  • #672523
    Le 10 janvier 2014 à 15:02 par Korbak
    Affaire Dieudonné : l’ordonnance du Conseil d’État

    Quelqu’un peut traduire svp ? Je ne sais pas lire l’hebreu talmudique.

     

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  • #672632
    Le 10 janvier 2014 à 15:51 par Smith
    Affaire Dieudonné : l’ordonnance du Conseil d’État

    Je suis juriste, et surpris. Je ne savais pas que la DDHC consacrait les valeurs et principes de la dignité de la personne humaine (point 6 de l’ordonnance).

     

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  • #672710
    Le 10 janvier 2014 à 16:28 par MN
    Affaire Dieudonné : l’ordonnance du Conseil d’État

    Suis-je le seul à avoir un malaise en me rendant compte qu’en France il n’y a plus de séparation entre la justice et l’état ?

     

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  • #672891
    Le 10 janvier 2014 à 17:32 par solaine
    Affaire Dieudonné : l’ordonnance du Conseil d’État

    Bienvenue dans la république bananière... la France !

     

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  • #674632
    Le 11 janvier 2014 à 10:49 par 729
    Affaire Dieudonné : l’ordonnance du Conseil d’État

    729 les 3 premiers chiffres du code barre c’est ’eux’ n’en achetez plus, les vampires vous veulent du mal

     

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  • #674867
    Le 11 janvier 2014 à 12:49 par ulenon
    Affaire Dieudonné : l’ordonnance du Conseil d’État

    Mr Walls est un petit agitateur qui ne fait rire personne et ne réussira pas à faire marcher les français au pas.

     

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  • #678129
    Le 12 janvier 2014 à 19:29 par EL
    Affaire Dieudonné : l’ordonnance du Conseil d’État

    Il y avait un vrai motif de de récusation du juge (article 341 du code de procédure civile) :

    "La récusation d’un juge n’est admise que pour les causes déterminées par la loi.
    Comme il est dit à l’article L. 731-1 du code de l’organisation judiciaire "sauf dispositions particulières à certaines juridictions la récusation d’un juge peut être demandée :

    1° Si lui-même ou son conjoint a un intérêt personnel à la contestation ;

    2° Si lui-même ou son conjoint est créancier, débiteur, héritier présomptif ou donataire de l’une des parties ;

    3° Si lui-même ou son conjoint est parent ou allié de l’une des parties ou de son conjoint jusqu’au quatrième degré inclusivement ;"

    Le juge Bernard Stirn aurait du se récuser car il a un intérêt personnel dans l’affaire Dieudonné et très certainement un parent ou allié dans l’une des parties, sachant que son frêre Olivier Stirn est un ancien Ministre et un membre de l’association France-Israel.

     

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    • #680421
      Le Janvier 2014 à 20:21 par ivahnoe
      Affaire Dieudonné : l’ordonnance du Conseil d’État

      La question du référé devant le Conseil d’Etat de la part du Ministère de l’intérieur me surprend. En effet, L 521-2 du CJA postule la possibilité d’un référé liberté en faveur des administrés-citoyens et non pas de l’administration. Le référé liberté est un outil à la disposition des citoyens pour empêcher l’administration de porter atteinte à une liberté fondamentale à laquelle l’administration aurait porté atteinte. Ce n’est pas une disposition qui peut être invoquée par le Ministre de l’intérieur. Quand bien même M. Dieudonné aurait porté atteinte à une liberté fondamentale, et je n’ai pas bien compris de quelle liberté fondamentale il était ici question (on se souvient des critiques de la doctrine publiciste à propos de l’affaire ’commune de Morsang su Orge’ lorsqu’avait été invoquée la dignité humaine), l’article L 521-1 DU CJA évoqué par M. Stirn pour justifier la célérité de sa décision, n’offre aucun recours au Ministre de l’intérieur. Pour l’administration, la contestation doit être portée au fond et il faut attendre l’examen au fond de l’affaire pour déterminer si l’administration avait raison ou non d’interdire le spectacle de Dieudonné. Il faut relire attentivement l’article L 521-2du code de justice administrative pour s’en rendre compte :

      Cf L. 521-2 du Code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures » et qu’aux termes de l’article L. 522-1 dudit code : « Le juge des référés statue au terme d’une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu’il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d’y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l’heure de l’audience publique (…) ;

      Un universitaire spécialiste de droit public

       
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