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Barack Obama explique "sa" guerre en Afghanistan

Si ce n’était pas "sa" guerre, elle l’est devenue. En dévoilant, vendredi 27 mars, sa stratégie pour l’Afghanistan et le Pakistan, le président américain Barack Obama a repris à son compte l’offensive lancée par George Bush, le 7 octobre 2001, contre les talibans. "Cette cause ne pourrait être plus juste", a-t-il dit.

Mais la nouvelle stratégie porte la "marque" Obama : structurée, complexe, très ambitieuse. Trop étroitement associé à l’ Irak, le mot "surge", escalade renforcée, ne fait pas partie du vocabulaire. Mais c’est bien de cela qu’il s’agit sur le plan tant militaire que civil et diplomatique. "Barak Obama essaie de le masquer avec un langage modéré, mais il double la mise", a commenté David Brooks, l’éditorialiste conservateur du New York Times.

M. Obama appelle la communauté internationale à participer ; de l’ONU à l’OTAN, de l’Arabie saoudite à l’Iran. A une opinion qui, à 51 %, se déclare désormais "opposée à la guerre en Afghanistan", il a réexpliqué les raisons de la présence américaine : "Démanteler et vaincre Al-Qaida au Pakistan et en Afghanistan."

Dans des termes que n’aurait pas désavoués son prédécesseur, il a affirmé que les extrémistes continuaient à "préparer activement des attaques" contre le sol américain. "Aux terroristes qui sont contre nous, mon message est le même : nous vous vaincrons."

La priorité est donnée à la lutte antiterroriste, ce qui, dans la doctrine Obama, suppose un gros volet d’aide au développement. Pour ne pas effrayer les "minimalistes", il n’est pas question de "nation building", mot que l’envoyé spécial Richard Holbrooke a balayé d’un geste : "L’Afghanistan est une nation depuis de longues années."

Mais le détail des projets laisse peu d’ambiguïté. M. Obama souhaite envoyer des centaines de civils (ingénieurs, professeurs, agriculteurs) pour aider au développement du pays. Il compte sur sa secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, pour convaincre ses collègues d’en faire autant, mardi 31 mars à la réunion de La Haye sur l’Afghanistan. Pour une conférence sortie de son chapeau "sous l’égide de l’ONU" par le président américain, 65 pays ont répondu présent, se félicitait, vendredi, le général James Jones, conseiller à la sécurité nationale.

Sur le plan militaire, les effectifs américains passeront à 60 000 avant l’automne, soit un doublement en neuf mois. Le général David Petraeus, commandant en chef dans la région, a souligné la difficulté : "Nous devons être perçus comme des invités bien élevés, des amis qui viennent aider et pas comme des conquérants." Près de 4 000 soldats (de la 82e division aéroportée) s’ajouteront aux 17 000 annoncés mi-février pour accélérer la formation de l’armée afghane.

MAILLON CENTRAL

Avec le Pakistan, maillon central de l’instabilité dans la région, Washington est "sur le mode "restart"" (reprise), a indiqué le général Jones. Pas plus qu’à Kaboul les Américains ne veulent se mêler de politique intérieure : la page est tournée sur les video-conférences hebdomadaires entre George Bush et ses fidèles Hamid Karzaï et Pervez Musharraf. Pour convaincre le Congrès de voter une aide de 1,5 milliard de dollars à Islamabad pendant cinq ans, Barak Obama a comparé Al-Qaida à un "cancer qui risque de tuer le Pakistan de l’intérieur". Pour convaincre les Américains que l’argent ne disparaîtrait pas dans le puits sans fond de la corruption, il a promis qu’il ne ferait "pas de chèque en blanc". Le gouvernement pakistanais y étant formellement opposé, les forces étrangères ne pénétreront pas sur le sol pakistanais, a promis Richard Holbrooke. Mais les tirs de missiles par les avions sans pilote continueront sur les zones tribales et M. Obama a eu une formule elliptique signalant qu’il ne s’interdisait pas d’ordonner des frappes si Islamabad n’agissait pas contre les suspects.

Une stratégie diplomatique tous azimuts se met en place. Un sommet trilatéral (Etats-Unis, Pakistan, Afghanistan) est prévu en mai, dans la veine de celui tenu en février à Washington, à la surprise quasi générale, après que M. Holbrooke eut réussi à faire asseoir les chefs des services secrets afghan et pakistanais à la même table. Le ministre afghan de l’intérieur, venu plaider pour le renforcement des effectifs des services de sécurité (qu’il a obtenu, avec 4 000 de plus) n’en revenait pas d’avoir été consulté.

Un groupe de contact devrait enfin être créé. Son ampleur a suscité la perplexité des diplomates étrangers. Outre les alliés de l’OTAN, M. Obama y a convié la Chine, l’Iran, l’Arabie saoudite, la Russie, tous les pays avec lesquels Washington aimerait trouver des bases de discussion, à la faveur de la stabilisation de l’Afghanistan.

A part le républicain John McCain, qui a regretté que M. Obama n’ait pas dit aux Américains que le bilan des victimes risquait de s’alourdir, la classe politique a réagi de manière favorable. Les néo-conservateurs se sont déclarés "soulagés" que M. Obama poursuive l’entreprise de son prédécesseur, même s’il n’a pas parlé de démocratie. Certains critiques ont néanmoins fait remarquer que la "guerre" de M. Obama visait Al-Qaida et pas les talibans.