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Des soldats américains en Irak ont perdu en bourse l’argent gagné au combat

En allumant son ordinateur ces dernières semaines, le lieutenant-colonel Mark Grabski ne consultait pas les derniers sondages sur la présidentielle américaine mais contemplait l’étendue de ses pertes sur des sites financiers.


"Mes favoris comprenaient la liste des sociétés dans lesquelles ma caisse de retraite complémentaire investissait. Et tous les jours, je voyais leurs cours s’effondrer", dit ce militaire en poste sur la base américaine de Speicher, au nord de Bagdad. "J’ai perdu actuellement des dizaines de milliers de dollars" dans la crise financière, assure cet officier de 31 ans, chargé de l’inspection générale de la base.

"Le tiers de mon salaire est versé sur le thrift savings program", une retraite complémentaire privée réservée aux fonctionnaires et militaires américains. "J’ai perdu 30% de cette retraite dans la crise financière", assure-t-il. Cette retraite privée s’ajoute à la pension de l’armée, qui n’a pas pâti de la crise, et qui atteint 50% du salaire des militaires qui ont servi 20 ans, 75% pour ceux qui ont 30 ans d’ancienneté. A Camp Speicher, la crise a souvent éclipsé la campagne présidentielle. Le cyclone financier a été d’autant plus cruellement ressenti qu’il s’agit pour ces soldats d’argent gagné à force de patrouilles, parfois de combats, dans la poussière de Tikrit, un fief de l’ancien dictateur irakien Saddam Hussein.

L’impact de la crise sur les portefeuilles et les retraites privées des soldats américains déployés en Irak est difficile à mesurer. Les officiers, plus âgés et soucieux de leur avenir, ont sûrement plus pâti du tourbillon des places boursières. Mais les jeunes recrues ne sont pas épargnées. "Nous avons encouragé les jeunes soldats à souscrire à des retraites privées.

Quand un soldat arrive au Koweït, avant d’être déployé en Irak, c’est même un des premiers prospectus qu’on lui donne", souligne le lieutenant-colonel Grabski.

Pour le commandant Daniel Meyers, qui travaille au commandement central de l’armée américaine pour le nord de l’Irak, les pertes sont plus limitées, "3.100 dollars". "Je ne verse que 8% de mon salaire (environ 5.000 dollars en Irak, ndlr), mais c’est une somme pour moi", dit-il.
En regard, un simple soldat déployé en Irak touche environ 2.000 dollars par mois. Dans le centre de commandement, au pire de la crise, les analystes financiers ont succédé aux joueurs de base-ball du "World Series" sur les écrans de télévision.

"Tout le monde suivait la crise. Quand la cloche (de fin de séance à Wall Street, ndlr) retentissait, j’étais traumatisé. Je ne dormais plus que deux heures par nuit", se souvient l’officier, originaire de l’Etat de New York. Ce militaire de 32 ans, dont la division est basée en Allemagne, attend peu du prochain président américain. "Sauf peut-être si (Barack) Obama nomme quelqu’un à l’instance de régulation des marchés ou si le Congrès adopte des lois de régulation", dit-il. Depuis, le lieutenant-colonel Grabski, comme le commandant Meyers, attendent simplement que le marché remonte pour pouvoir espérer récupérer leur mise.

D’autres soldats, plus proches de la retraite, ont en revanche beaucoup perdu ces dernières semaines. "Je suis à trois ans de la retraite et j’ai perdu la moitié de mes fonds", peste un sergent originaire d’Alabama sous couvert de l’anonymat. "Je n’accuse personne, en signant le contrat, je savais que ces placements étaient risqués", dit cet homme d’une cinquantaine d’années, dont bientôt 30 dans l’armée. "Mais quand je pars en mission, il m’arrive de penser que j’étais tout près d’une belle retraite. Quelques mois à tirer avant de toucher enfin la retraite de l’armée, plus ma complémentaire privée. Je ne m’imaginais pas continuer à travailler dans le civil après 30 ans de carrière militaire", regrette-t-il.

Source : http://news.tageblatt.lu