Egalité et Réconciliation
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Dossier ONG

Des empires à L’Empire.

On ne peut pas attribuer à toutes les ONG les mêmes intentions, mais certains emblèmes de la solidarité internationale servent manifestement d’autres intérêts que ceux auxquels ils prétendent. Bien avant que le Congo devienne un des fonds de commerce des soi-disant défenseurs des droits de l’homme, il fut déjà l’objet du combat d’un des tous premiers organismes humanitaires. Cet organisme est né au début du XXème siècle, soit précisément au croisement des dynamiques coloniales qui précédèrent la chute des Empires. En Afrique, l’Empire Britannique apparaissait alors comme l’Empire le plus important, notamment avec le Nigeria qui comptait plus de 15 millions d’habitants, mais aussi grâce au libre-échange, dont ils étaient alors les champions. Cependant, l’industrialisation naissante des nations occidentales entraîna une compétition acharnée pour le contrôle des ressources et des marchés. Cette réalité historique fut à l’origine de la régression de l’Empire Britannique, dont la part de marché mondial passa du quart en 1880 au sixième en 1913. A cette époque, l’industrie automobile se développe considérablement, une aubaine pour le roi de Belgique Léopold II, dont un des avantages providentiels est le caoutchouc importé du Congo. Ce dernier trouve donc un moyen efficace de rentabiliser sa colonie personnelle : y faire travailler de force les Congolais, alors traités de façon horrible et inhumaine, afin de collecter un maximum de caoutchouc[1]. Edmund Dene Morel, qui n’est alors qu’un simple journaliste britannique, se rend au Congo dès la fin du XIXème siècle. Après avoir salué l’œuvre du Roi Léopold II au Congo, il s’investit subitement dans la critique de son colonialisme : il est indigné par les conditions de vie des Congolais, ainsi que par l’exploitation de leurs ressources. Le combat initié par Morel prend vite de l’ampleur au sein de la communauté anglophone et européenne grâce à son journal le West African Mail. Puis, en 1904, il fonde la Congo Reform Association, qui militera en faveur d’un retrait belge du Congo et qui aura pour ambition d’y faire cesser les atrocités.

Il y avait un intérêt stratégique pour l’Empire Britannique - conduit par les perspectives de Ceci Rhodes, [2] - à déstabiliser le Congo du Roi Léopold II. Ce territoire, convoité par la Grande Bretagne, permettait de faire le lien entre le Cap et le Caire, tout en interdisant la jonction des colonies australes portugaises entre elles. Idem pour les colonies allemandes. En outre, Morel était considéré comme l’agent des « Marchands de Liverpool »[3], groupe dont l’activité était alors nettement précarisée par le Congo et qui n’aurait rien eu contre sa ruine. Il est difficile de dire si l’action humanitaire de Morel, soutenue par l’Empire Britannique, avait pour objectif de simplement déstabiliser le Congo de Léopold et d’en imposer l’annexion à l’Etat Belge – ce qui devint officiel le 13 Décembre 1906, sous la pression de la communauté européenne et américaine, incitée par les démarches de Morel - ou si une vision plus profonde animait ces démarches. Toujours est-il que la ligne de chemin de fer, voulue par Cecil Rhodes, fut construite dés 1906 et inaugurée en 1911. L’usage de moyens dévoyés afin de perpétuer l’extension de l’Empire Britannique en Afrique ne fait aucun doute, même si la démarche de Morel peut paraître sincère. La grande dépression des années 30 précipitera le déclin économique du grand Empire Britannique, et la partition des Indes, en 1947, y mettra définitivement fin. Parallèlement, la création des Nations Unies et la fin de la Seconde Guerre Mondiale conduisirent à deux faits essentiels : les proclamations d’indépendance de nombreuses nations et la fin des grands empires coloniaux. Par conséquent, on assiste déjà à l’émergence d’un monde aux ambitions unipolaires, bien qu’à l’aube de la Guerre Froide tout ceci n’est encore que virtuel. Dans la foulée, les Nations Unies officialisent l’expression et le sigle « ONG » dés 1945, puis elles créent en 1948 le département économique et social des Nations Unies. Celui-ci est chargé d’encadrer la participation des ONG aux sommets, en accréditant celles qui y interviendront. Elles sont au nombre de 41 en 1948 et elles sont aujourd’hui plus de 3000. D’autres organismes interétatiques formaliseront, par la suite, leur relation avec les ONG, d’abord l’OCDE, puis l’OTAN, l’OMC, etc. De nos jours, 42 ONG, défendant officiellement la population et les intérêts congolais, sont accréditées au Conseil économique et social des Nations Unies. On y trouve notamment l’AEDH (Agir Ensemble pour les Droits de l’Homme), qui est affiliée à la LDH (Ligue des Droits de l’Homme). L’AEDH fait, en outre, partie des 37 ONG financées par le NED (National Endowment for Democracy) au Congo et elle a reçu 35000$ de sa part cette année. Le NED a été crée par Donal Reagan afin de poursuivre les actions secrètes de la CIA. Cette association est, officiellement, un des principaux organismes humanitaires dépendant du Département d’État Américain par l’intermédiaire d’USAID5. La majorité des 37 ONG financées par le NED au Congo est également accréditée par le Conseil économique et social des Nations Unies. Autrement dit, l’hégémonie américaine au sein des Nations Unies est déployée dans tous les domaines et l’humanitaire n’y échappe pas. L’exemple de la Congo Reform Association de Morel (devenue depuis le Congo Reform Network, qui est également accrédité au Conseil économique et social des Nations Unies) montre que ce phénomène est ancien, et que les ONG ont été, dès le départ, des outils des Empires. Quelles seront, sur le long terme, les conséquences de leur institutionnalisation, initiée par les Nations Unies en 1948 ?

1 - Les Fantômes du Roi Léopold – Adam Hochschild -2007

2 - La décomposition des nations européennes : De l’union euro-Atlantique à l’Etat mondial – Pierre Hillard - 2010

3 Histoire générale du Congo, de l’héritage ancien à la République Démocratique - Isidore Ndaywelè Nziem – 1998

4 « Organisations non ( ?) gouvernementales », par Thibault Le Texier, La Lettre du Forum de Delphes, novembre 2007.

La société civile : Institutionnalisation ou normalisation ?

Depuis leur reconnaissance par les Nations Unies en 1948, la place occupée par les ONG, aussi bien sur le plan médiatique que dans l’inconscient collectif, induit une méconnaissance des véritables enjeux qu’elles soulèvent. Par ailleurs, le statut juridique et associatif des ONG, doit inviter à une véritable réflexion de fond quant au rôle majeur qu’elles jouent dans la prise de décisions internationales. Les ONG prétendent notamment instruire une forme de contre-pouvoir, qu’elles exerceraient via un dialogue continu avec les forces politiques et économiques. Face à la violence de la mondialisation et ses conséquences désastreuses, la solidarité internationale ne peut naturellement que jouir d’une image collectivement perçue comme positive. Mais, de par leur collaboration avec différents systèmes de coopération internationale, elles sont de fait intégrées à la globalisation. Elles participent notamment aux sommets des Nations Unies, dont le fonctionnement repose sur une architecture plus que discutable. En effet, le Conseil de Sécurité des Nations Unies et le Tribunal Pénal International sont contrôlés par les États-Unis et leurs alliés, grâce aux invraisemblables droits de véto dont ils disposent. Ceci permet l’accaparement de la guerre en l’excluant de tout débat démocratique, mais aussi de fixer les règles de sa légalité. Du point de vue de leur immersion dans ce système de domination onusienne, elles ne peuvent donc pas être considérées comme un contre-pouvoir mais plutôt comme un adjoint du pouvoir. Il est donc tout à fait logique, qu’en période de globalisation accrue, les ONG ne s’opposent pas aux principes légaux de l’organisation des Nations Unies. Bien au contraire, elles adoubent ces règles, tout en sachant qu’elles ordonnent inévitablement une politique internationale précarisée par l’hégémonie d’un monde unipolaire et conduit par le Conseil de Sécurité des Nations Unies.

Avec plus de distance, il est évident que les Nations Unies tendent à imposer la globalisation, car sa propre survie en dépend, et réciproquement. Les différents organes qui les composent sont donc spontanément amenés à s’ajuster. De la même manière, on pourrait penser, au premier abord, que la surreprésentation de la société civile et sa prétention à une reconnaissance de plus en plus accrue, aboutirent à son auto-institutionnalisation : Une sorte de réalité indubitable lui ayant permis de "forcer" son intégration au sein des institutions politiques, et dont elle aurait été unilatéralement responsable. Mais en réalité, il ne s’agit que d’ajustements croissants au sein d’un système, ce dernier cooptant ses différents représentants afin d’entretenir une progression illimitée de la globalisation.1 En ce qui concerne le caractère apolitique des ONG, et leur exclusion du cadre constitutionnel, elles sont en effet en-dehors des procédés de gouvernements traditionnels : Elles ne sont ni élues, ni théoriquement affiliées à des orientations politiques. Pourtant, elles ont la capacité de pousser leurs idées, et les préconisations qui en découlent lors des sommets internationaux. Cette particularité entraîne une imprécision, aussi bien concernant leur objectif, que leur constitution. En effet, le Conseil Economique et Social des Nations Unies, qui est chargé d’accréditer les OSC (Organismes de la Société Civile) par l’intermédiaire du Département des ONG, met sur le même plan des organismes qui n’ont officiellement pas les mêmes objectifs. On y trouve aussi bien la Fondation Ford (qui est un paravent de la CIA) ; des associations dites citoyennes comme ATTAC ; des ONG de solidarité internationale comme Action Contre la Faim ; des syndicats patronaux comme la Business Roundtable2 ; des instituts et think-tanks comme le Club de Rome ; etc. Cette extension du sens communément accepté des ONG, jette un flou considérable sur leurs objectifs : tantôt venir en aide à des populations et proposer des régulations de l’économie mondialisée (ce qui est le cas d’Action Contre la Faim et d’ATTAC) ; tantôt représenter cette même économie et/ou servir les intérêts d’un ou de plusieurs États (Ce que font la Fondation Ford, la Business Roundtable et le Club de Rome).

Lors du récent sommet de Copenhague, nous avons pu assister à l’explosion du nombre des ONG, et à une avancée considérable de leur capacité à faire connaître leur(s) opinion(s). Comme dans le cas des Nations Unies, aucune d’entre-elles n’a critiqué le fond de ce sommet, alors qu’il ne repose ni sur un consensus scientifique international, ni sur une véritable coopération des Nations. Ce sommet, avait simplement pour objectif d’aboutir à de nouvelles règles "écologiques" internationales, voire mondiales, et cela afin de contenir le développement industriel des pays émergents qui seront les puissances de demain. En particulier celui de la Chine, Nation que les États-Unis ne souhaitent pas voir défier leur hégémonie en plein essoufflement. Là où les ONG furent donc "utiles" c’est dans leur soutien indéfectible à la tenue de ce sommet et dans le travail effectué en amont et visant à définir les perspectives énergétiques d’avenir. Perspectives qui envisagent ouvertement la création d’un ministère mondial de l’écologie. "L’échec de Copenhague" - pour reprendre l’expression d’une grande partie de la société civile -, n’est donc que virtuel de ce point de vue. De plus, depuis la fin du sommet, de grandes opérations, dont les conséquences seront semblables à celles attendues au sommet de Copenhague, ont été lancées. C’est notamment le cas de la Robin Hood Tax, initiative poussée, entres autres, par Georges Soros et Warren Buffet. Son objectif est la mise en place d’une taxe sur les transactions bancaires pour lutter contre le réchauffement climatique. Ce projet est soutenu par les centaines d’ONG qui déclaraient quelques semaines auparavant qu’elles avaient assistées au naufrage de la cause écologique lors d’un sommet qui n’avait mené à rien de concret. Mais surtout, cette idée, si elle aboutit, entraînera forcément une aggravation de la globalisation via les règles qu’elle fixera unilatéralement. Pourtant, la réalité industrielle est différente pour chaque état, en particulier pour les Pays émergents dont le développement repose en grande partie sur leur capacité à déployer un arsenal industriel. Mais selon les règles que veulent imposer le G20 et ses ONG alliées, ceci provoquerait des émissions de C02, ce qui n’est évidemment pas acceptable, et cela bien que le socle scientifique de la théorie du GIEC soit présentement encore à l’état spéculatif.

Le point de ralliement des ONG au système de domination, est donc contenu dans sa composante la plus essentielle : l’uni-polarité. Par conséquent, et afin d’exporter les règles et principes du système de domination mondiale, les ONG tout comme le marché, se doivent d’être transnationales ou internationales. Elles disposent de bureaux dans l’extrême majorité des Nations du monde et elles font remonter leurs travaux, études et expertises auprès des véritables architectes de la globalisation dont elles sont, de fait, un des principaux vecteurs. Elles ne font que s’aligner sur le système qui les chapeaute, et servent de porte-paroles à une opposition fantasmée par les médias vassaux de la globalisation. Elles ne sont donc ni un contre-pouvoir, ni un outil de régulation démocratique. Il ne s’agit pas simplement d’une institutionnalisation de l’apolitique mais surtout d’une normalisation des circuits du système de gouvernance mondiale. Comme l’écrivait Foucault : « la société civile, ce n’est pas une réalité première et immédiate […], c’est quelque chose qui fait partie de la technologie gouvernementale moderne" 3 ; C’est en effet le cas, mais quels sont ses objectifs à court et long terme ?

1 L’institutionnalisation de la société civile » - Thibault Le Texier – Janvier 2010 -

2 La Business Roundable a été fondée par de grands groupes économiques américains en 1972.

3 FOUCAULT Michel, Naissance de la Biopolitique, Cours au Collège de France, 1978-1979, Paris : Gallimard/Seuil, 2004, p.300

Relations franco-américaines

Les relations franco-américaines sont incontestablement un des vecteurs de la globalisation et un de ses verrous. En effet, la construction européenne, qui est le cheval de Troie de la gouvernance mondiale, n’aurait pas pu se parfaire sans la participation de la France. De plus, l’histoire de la France et les possibles alliances stratégiques qu’elle pourrait initier sur la scène internationale, imposent sa neutralisation. Cette mise en quarantaine, nécessaire pour le processus globalisant, fut exponentielle depuis l’avancée manifeste de son intégration dans l’Europe. Les Etats-Unis, quant à eux, ont incorporés une dimension humanitaire à toute entreprise expansionniste depuis la fin de la seconde guerre mondiale avec le Plan Marshall. Cette stratégie leur permit de traiter les conséquences de leurs actions militaires, tout en produisant un tas de bénéfices médiatiques et politiques. C’est pourquoi, les relations franco-américaines d’après-guerre révèlent un flagrant ajustement de certaines ONG avec les volontés expansionnistes des Etats-Unis. Par conséquent et dans ce cadre précis, il est avant tout question des réactions étatsuniennes à la politique extérieure de la France et de l’accélération de son intégration dans le processus européen. Dans le cadre du Plan Marshall, outre la contribution financière à la reconstruction de l’Europe, une ONG avait alors été créée : CARE1, qui deviendra plus tard CARE International. Des colis alimentaires furent gracieusement distribués par l’ONG dans les pays européens dévastés par la guerre. En France, les fonds du Plan Marshall furent administrés par le Commissariat Général au Plan, où officiait Jean Guyot qui en était chargé. Puis, il occupa le poste de directeur financier de la CECA (Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier) - l’ancêtre de l’Union Européenne telle que nous la connaissons aujourd’hui – sous la direction Jean Monnet. Ce dernier en démissionna en 1954 pour prendre la tête du Comité d’Action pour les États-Unis d’Europe. Jean Guyot entra ensuite à la banque Lazard dont il fut associé-gérant pendant près de 50 ans et où il participa à la renommée internationale de la banque. En 1983, il crée le bureau français de l’ONG Care, qui est actuellement présidée par Arielle de Rothschild. 

Les États-Unis avaient donc affirmé, dés la fin de la Seconde Guerre Mondiale, un besoin de camoufler leurs ambitions impériales, en employant des moyens subversifs. Cette nécessité se fit de plus en plus grande pendant la Guerre Froide, ce qui les incita à poursuivre dans cette voie insidieuse. Jusqu’en 1969, Charles De Gaulle est au pouvoir et résiste aux pressions américaines en refusant tant qu’il peut la construction d’une Europe inféodée aux intérêts américains. Il ira même jusqu’à proposer à Willy Brandt le développement d’un projet européen alternatif à celui attendu du côté étasunien. Au lendemain de la chute de Charles De Gaulle, la France est alors à la fois dans l’orbite des États-Unis et dans l’incapacité de répondre à leurs tentatives de cooptations. La porte est donc entièrement ouverte, ce qui permit à certains personnages de collaborer étroitement avec les États-Unis. Afin de coaliser l’opinion publique et les forces politico-économiques en faveur d’une construction européenne américano-centrée, ces derniers créent de nombreux think-tanks, ONG, qui de plus, assurent le bon fonctionnement des relations franco-américaines.

- La Fondation Franco-américaine, qui fut officialisée en 1976 par le président Ford et son homologue français Valérie Giscard-d’Estaing, en est l’icône la plus limpide. Elle œuvre ouvertement pour "enrichir les relations franco-américaines et encourager un dialogue actif entre les deux nations". 2C’est notamment grâce au soutien de Thierry de Montbrial 3et Jean Louis Gergorin, que la création du bureau français de cette fondation fut possible. Elle est aujourd’hui financée par la Banque Lazard : un des architectes - sinon l’architecte principal - des relations franco-américaines d’après-guerre. Pour saluer son engagement, Michel-David Weill recevra le prix Benjamin Franklyn de la Fondation Franco Américaine en 2003, prix qui récompense "une personne qui, à travers sa vie, a œuvré à l’amélioration des relations entre la France et les États-Unis » - on ne peut faire plus clair.

- Michel David Weill a régné en grand patron de Lazard de 1970 à 2001, période pendant laquelle il signa le chèque permettant la création du bureau américain de l’ONG française Action Contre la Faim. Cette association humanitaire a été fondée en 1979 sous le nom d’AICF (Action Internationale Contre la Faim) par un groupe d’intellectuels français. Parmi les plus actifs, on y trouve : Jacques Attali, Bernard Henri-Lévy ; Guy Sorman (qui entrera en tant que Young leader4 de la fondation franco-américaine trois ans plus tard) ; Marc Ullmann (qui officia sous la direction de Jean Monnet à la CECA avant d’entrer au CSIS5 sous la direction d’Henry Kissinger) ; Marek Halter (qui fondera ensuite SOS Racisme avec Bernard Henry Lévy et avec qui il se rendit en Afghanistan en 1980 pour le compte d’AICF). AICF fut donc fondée par un groupe d’individus qui ont avalisé la politique américaine pendant, et au delà de la Guerre Froide. Concernant les actions menées par l’association, elle poursuit visiblement dés sa fondation la défense des intérêts américains. Elle se rend par exemple en 1980 à la frontière afghano-pakistanaise où l’ISI recrute les combattants afghans pour le compte de la CIA. La guerre sale imaginée par Zbigniew Brzezinski et qui consiste à offrir à l’armée soviétique sa "Guerre du Vietnam" en attirant les russes dans le bourbier afghan, provoquera la mort de près d’un million d’afghans. Mais le discours médiatique d’Action Contre la Faim permet d’en minimiser les conséquences, et au passage d’édulcorer une Guerre qui n’est que peu froide dans certaines contrées. Par ailleurs, il s’agissait évidemment de soutenir la doctrine de guerre américaine qui consistait à présenter la situation de la manière la plus subversive possible. Comme le rappelait d’ailleurs Olivier Roy, un membre du fameux groupe d’intellectuels français fondateur d’AICF en 1979, dans une interview récente : « En août 1980, je forçais avec un âne et quelques porteurs le blocus russe en Afghanistan pour faire passer une aide humanitaire dérisoire. L’opération Caravanes pour l’Afghanistan ». Une opération qui avait été organisée par Bernard Henri Lévy, lui même un des fondateurs d’AICF en 1979. Depuis, les missions de l’association suivent les ambitions impériales américaines : Afghanistan, Cambodge, Soudan, etc. Plus récemment, Airbus et EADS ont mis des avions à disposition d’Action Contre la Faim lors du séisme en Haïti en Janvier 2010. EADS est un des principaux soutiens financier de la Fondation Franco-Américaine et son ex vice-président n’est autre que Jean Louis Gergorin. L’action soi-disant humanitaire, mais en réalité impérialiste des Etats-Unis lors du séisme en Haïti était donc vraisemblablement appuyé en France par ses canaux traditionnels que sont la Fondation Franco-américaine et Action Contre la Faim.

L’humanitaire mis au service des États-Unis est constamment renouvelé en fonction des stratégies du département d’état, utilisant pour ce faire des fondations et instituts, qui mettent sur pied de nouvelles initiatives. C’est, par exemple, le cas du "Plan Marshall Global", lancé par Al Gore en 2003, et qui reprend en partie le nom de son ancêtre : Le Plan Marshall de la Seconde Guerre Mondiale. La fondation instigatrice du projet fut accrédité en tant qu’ONG par le Département des ONG des Nations Unies dés son année de création. La solidarité internationale américaine, au delà de représenter un intérêt géopolitique, est historiquement inscrite dans la conception sociétale américaine.C’est pourquoi, une étude complète de ces mécanismes est complexe, tant le terrain est vaste. Mais ces pratiques, notamment les collaborations entre le domaine commercial et caritatif comme dans le cas d’EADS et d’Action Contre la Faim, se multiplient et se modernisent, jusqu’à créer de nouveaux secteurs d’activité.

1 Care est l’acronyme de "Comitee for American Relief Everywhere-,

2 Pierre Hillard ; La Fondation Bertelsmann et la gouvernance mondiale ; François-Xavier de Guibert ; 2009

3 Thierry de Montbrial fait partie du comité directeur des Bilderberg Meetings depuis 1976, comme il l’indique sur son CV personnel. En 1979, il crée l’IFRI (Institut Français des Relations Internationales). Les travaux de l’IFRI sont semblables à ceux de la Comission Trilatérale dont ils appliquent visiblement les consignes. L’IFRI publie une revue qui porte le nom « politique étrangère », soit une simple traduction du titre de la revue Foreign Affairs du Council of Foreign Relations (CFR)

4 Les Young Leaders sont sélectionnés après une sélection sévère parmi de jeunes dirigeants français et américains issus de la politique, de la finance, de la presse "talentueux et pressentis pour occuper des postes clefs dans l’un ou l’autre pays".

5 Le Center for Strategic and International Studies (CSIS) basé à Washington, D.C. est un cercle de réflexion et d’influence sur la politique étrangère américaine fondé en 1964 par l’amiral Arleigh Burke et l’histoiren David Manker Abshire. Il est en partie chargé d’élaborer la construction de l’axe Euro-atlantique.

De l’entrepreneuriat social à la gouvernance mondiale.

Il est de plus en plus courant d’entendre parler d’un "marché écologique et social", notamment depuis la création des forums sociaux mondiaux au début des années 90 puis la naissance du microcrédit. Désormais, cette volonté de création d’une économie prétendument "sociale et solidaire" se fait de plus en plus prégnante et ouvre les portes à diverses initiatives que l’on peut regrouper sous le nom d’ “entrepreneuriat social". Ce domaine appelle à une étroite collaboration entre le domaine privé et les ONG qui sont par nature non-lucratives.1 De nombreuses multinationales font désormais appel à cette idée afin de poursuivre leurs ambitions mercantiles, voire expansionnistes. C’est notamment le cas de Danone qui dispose de son propre organisme d’entrepreneuriat social : Danone Communities et qui se présente ainsi : « Nous sommes un incubateur d’entreprises à vocation sociale, né à l’initiative du Pr. Muhammad Yunus 2 et du groupe Danone. Notre mission est de promouvoir, accompagner et financer des social businesses, répondant à des questions de malnutrition et de pauvreté ». La frontière entre le commercial et l’humanitaire n’existe donc plus, puisque ces deux domaines, en principe opposés, fusionnent selon toute vraisemblance au profit du capitalisme mondialisé. Dans la même veine, le Plan Marshall Global, qui reprend le nom de son ancêtre, cité plus haut, aspire à la « création d’une économie de marché écologique et sociale à l’échelle mondiale ». Une initiative, à laquelle s’est d’ailleurs associée Susan George, la porte parole d’ATTAC et d’une grande partie du mouvement altermondialiste. Le microcrédit quant à lui est un principe relativement simple : un organisme de microcrédit s’adresse à des personnes dans le besoin. Il leur propose la mise à disposition d’un moyen financier afin de mettre en œuvre une activité professionnelle et permet ainsi d’assurer leur survie. Il s’agit d’un système de crédit classique avec un taux d’intérêt ; soit une pratique fortement semblable à celles des banques privées d’investissement, auxquelles elle est d’ailleurs affiliée. Une des plus grandes ONG de microcrédit au monde vit le jour suite à un discours de Jacques Attali à L’Aspen Institute3 en 1997. Il y lança l’idée d’une grande ONG qui regrouperait les organismes de microcrédit. Un an plus tard, et grâce à l’appui de Michel Rocard, Muhamed Yunus et de Massimo Ponzellini3, il créé l’ONG Planet Finance. Le conseil d’honneur de l’organisme abrite une liste impressionnante de personnalités : on y retrouve l’ex président de la branche américaine de Lazard : Felix Rohatyn ; Guillaume Sarkozy ; Bernard Kouchner ; Michel-David Weill, le grand patron de Lazard ; Rachida Dati 4. Par ailleurs, son principal conseiller est Christophe Guillemin, l’actuel directeur général de la Fondation Franco-Américaine. Au regard des liens entre Planet Finance et la sphère bancaire, ainsi que de la perspective transnationale qui anime ses ambitions, il convient de considérer son activité de microcrédit comme un simple moyen d’exporter le système de la dette. Un mécanisme qui vise en premier lieu les pays en voie de développement, alors que l’activité humaine y est déjà nettement précarisée par les programmes d’ajustements structurels prodigués par le FMI et la Banque Mondiale. En dehors de ces étroites collaborations entre le domaine commercial privé et celui de la solidarité internationale, il s’agit également d’imposer une nouvelle source de normativité. Les ONG deviennent des outils d’expertise, qui remplacent petit à petit le cadre traditionnel du droit. C’est par exemple le cas de Médecins du Monde, qui en 2007, a remis un rapport sur la situation d’Areva au Niger. Un rapport qui n’était pas le fruit d’une enquête sur l’exploitation des mines nigériennes et des conditions de travail des employés locaux d’Areva, mais celui d’un partenariat officiel entre Médecins du Monde et Areva. Dans ce cas précis, il s’agit donc de substituer au respect du droit du travail nigérien, l’expertise d’une ONG qui n’a aucun mandat, ni aucune compétence reconnue dans ce domaine. Avec le temps, il est incontestable que cette négation du droit conduira à l’émergence de nouvelles issues de procédures non législatives. Or les normes existantes reposent avant tout sur des principes juridiques et politiques, propres à l’Etat de droit, alors que la vision empruntée par les ONG se fonde sur l’expertise – qui est une notion subjective et malléable. De plus, leurs ambitions sont transnationales et dépassent donc toutes les résistances étatiques et souveraines existantes. De fait, elles poursuivent nécessairement l’objectif d’une gouvernance mondiale, au sein de laquelle elles pourraient remplacer à la fois le droit et la démocratie, soit ce qui constitue la base des nations souveraines. C’est ce que constatait Jacques Attali, lors d’une Tribune à l’ONU en 2004 par ces mots :  « Les ONG peuvent donner un sens à la mondialisation, qui n’est souvent, sans elles, que l’internationale des marchés et des guerres. Ces organisations portent aujourd’hui les idées de gouvernement mondial, de fraternité, de droits des générations futures, d’équité sociale, le droit des femmes et des minorités. Les ONG donnent un sens à la démocratie, qui n’est souvent, sans elles, qu’une mascarade d’élections, sans enracinement durable dans les peuples. Elles portent d’ailleurs aujourd’hui les combats pour la mise en œuvre des fondements de la démocratie : la liberté d’expression, la protection des femmes et des enfants, la lutte contre la peine de mort, le droit au travail, le droit au crédit, le droit au logement. »5

1 Quel avenir pour les ONG la nouvelle gouvernance mondiale ? – IRIS- Sous la direction de Handicap International ; 2008

2 Muhammad Yunus est un économiste et entrepreneur bangladais connu pour avoir fondé la première institution de microcrédit, la Grameen Bank, ce qui lui valut le prix Nobel de la paix en 2006. Il est surnommé le « banquier des pauvres »

3 L’institut Aspen est un cercle de réflexion et d’influence international à but non lucratif fondé en 1950 à Aspen dans le Colorado aux États-Unis dédié au « commandement éclairé, l’appréciation d’idées et valeur éternelles, un dialogue ouvert sur des thèmes actuels ». Son orientation en politique étrangère est d’inspiration atlantiste.

4 Elle avait auparavant officiée avec Jacques Attali à la BERD (Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement)

5 Discours de Jacques Attali au sommet mondial des ONG ; 2004

Sémantique et privatisation de la démocratie.

L’expression "société civile" est récemment apparue comme l’appellation sous laquelle les ONG se présentent. Pour l’UNESCO. La société civile est « le domaine de la vie sociale civile organisée qui est volontaire, largement autosuffisant et autonome de l’État ». En théorie, la société civile se place donc en dehors du cadre étatique, mais aussi du cadre commercial, ce qui est largement discutable. Du point de vue sémantique et selon la définition du dictionnaire de la langue française, est "civil", ce qui concerne l’ensemble des citoyens. Ce terme provient en grande partie du droit, et donc de la reconnaissance du droit civique des citoyens, son application garantissant le bon fonctionnement de ses propres principes fondateurs dans une République.

Pourtant, la réalité de la société civile est largement en désaccord avec toutes les formes de représentations traditionnelles. Il ne s’agit ni d’une forme de démocratie élective, ni d’une forme de démocratie participative, puisque son fonctionnement s’exclut du cadre général et donc "civil" auquel il prétend. Il serait donc plus convenable de considérer la société civile comme un type de néo-lobby qui exprime des intérêts particuliers et non comme une médiation démocratique qui aurait pour objectif d’assurer le bien commun. De plus, l’indétermination sociale de la "société civile", du fait de l’ignorance de sa provenance et de ses affiliations avec la sphère politique et économique, en fait un outil de manipulation en faveur de ceux qui tiennent les rênes du pouvoir. Par conséquent, cet outil permet à ce système aux ambitions hégémoniques de manœuvrer. Ces manœuvres sont en effet nettement plus aisées lorsque l’unique garant des souverainetés populaires a été déterminé par un groupe non élu, voire autoproclamé. C’est ce que proposent deux projets différents dans la forme, mais dont le fond est parfaitement identique :
- Le premier est la Campagne pour la Création d’Une Assemblée Parlementaires des Nations Unies (UNPA) qui est notamment soutenue par Susan George. Sur le long terme, cette campagne souhaiterait créer une assemblée parlementaire mondiale, à laquelle participeraient des délégués issus des parlements nationaux, voire régionaux, « reflétant ainsi la diversité politique de ces derniers ». Cette initiative ne remet aucunement en cause l’existence du Conseil de Sécurité, ni des institutions de Bretton Woods, auxquels elle souhaite simplement proposer des « solutions novatrices ». Elle aspire donc à une simpliste immersion de délégués nationaux et régionaux au sein du système onusien. Or, c’est précisément ce système qui encadre, au moins d’un point de vue économique et militaire, l’extinction des souverainetés populaires. De plus, les processus de balkanisation, notamment en Europe avec l’euro-régionalisme, ont une double intention : premièrement, procéder à l’éclatement des Nations, en particulier en créant une confusion identitaire dans des régions historiquement sujettes à des revendications autonomistes. Deuxièmement, déléguer les responsabilités régionales à des structures supra étatiques telles que l’Union Européenne, soit au sein d’entités politiques souhaitant l’extinction des Nations. 1Et cela au profit d’une commission européenne autocrate et de ses futurs organismes vassaux. Les 27 commissaires de l’UE ne sont pas élus, mais nommés pour conduire politiquement une commission indépendante des gouvernements nationaux. Cette nomination leur procure un mandat de représentants et de défenseurs des intérêts de l’UE dans son ensemble. Il s’agit donc pour l’UNPA d’intégrer un édifice qui exclut les Nations à tout prix de son fonctionnement, et qui de plus impose la délégation des pouvoirs régionaux au profit d’autorités supranationales non démocratiques. Autrement dit, l’UNPA ne souhaite que s’accorder sur le système Onusien, en créant des liens plus directs entre les Nations Unies et des autorités régionales et nationales affaiblies ou soumises à une, ou des, autorité(s) supranationale(s). Le bénéfice de ces relations ne peut donc qu’être arbitraire, et ne peut en aucun cas favoriser une meilleure représentativité des souverainetés populaires et nationales. Ce projet étant peu favorable à un sursaut des Nations et des souverainetés, l’UNPA ne peut que s’en remettre à la société civile, qui doit, selon elle, « exhorter les nations à soutenir ce projet. »
- Le deuxième projet, nettement plus radical, est le COPAM (Comité pour un Parlement Mondial). Il a rejoint le réseau de l’UNPA en Mai 2009 et son représentant Olivier Giscard d’Estaing avait alors déclaré : "Nous avons donc le plaisir de joindre ce réseau. Quant aux détails de la proposition, je voulais mettre en évidence que selon notre point de vue, les futurs délégués d’une assemblée parlementaire mondiale, pourraient initialement être nommés par les Parlements nationaux. Cependant, nous croyons que les délégués ne devraient pas nécessairement être eux-mêmes des députés élus. Le cumul du mandat mondial avec un autre mandat parlementaire au niveau national serait à l’inconvénient du premier ». Dans ce cas, il s’agit ouvertement d’émettre, et de défendre l’hypothèse d’un système politique semblable à celui de la commission européenne : un parlement mondial, dont les représentants ne sont pas des élus. Ces deux exemples montrent qu’il existe un véritable risque dans la formulation de la société civile. Elle ne peut aboutir qu’à la privatisation de la démocratie et de l’expression des souverainetés. Car, ces dérives n’en sont pas, il s’agit d’une harmonisation croissante, et parfois surprenante, de la société civile et d’une globalisation autoritaire aussi bien dans ses principes économiques et militaires, que politiques. L’Union Européenne peut y apparaître comme le prototype de structure supra étatique dont la conception est la plus autocrate. De plus, l’Office d’Aide Humanitaire de la Commission Européenne (ECHO) est donc entre les mains d’une commission non élue. Cet office poursuit donc les mêmes objectifs que la société civile, soit son exclusion de tout processus de représentation. C’est notamment la vision défendue par Benoît Miribel, l’actuel président D’Action Contre la Faim le 21 Octobre dernier lors de son intervention à la commission européenne en charge d’ECHO : « Nous tenons à l’indépendance d’ECHO, hors considérations d’ordre politique et de sécurité de l’UE et vous, vous tenez à la libre capacité d’intervention des ONG humanitaires européennes qui ont fait leurs preuves. Nous devons maintenant, ensemble, nous battre pour défendre les principes humanitaires auprès des Etats membres, et au delà ». Mais cette réalité trouvera nécessairement une limite qui est celle de la globalisation. La société civile ne pourra pousser le processus globalisant au-delà de ses propres limites, puisqu’elle est contenue dans ce processus et n’en est qu’un rouage aux ambitions particulières et bien définies. A l’inverse, l’objectif d’une gouvernance mondiale non étatique ne peut se passer de la société civile, et encore moins de ce qu’elle permet. Comme le dit Jacques Attali : « Les ONG vont être l’esquisse de l’amorce du gouvernement mondial, de la démocratie planétaire »2. Il est donc essentiel qu’elles se substituent aux souverainetés étatiques, qui sont par nature opposées à leur fusion au sein d’un gouvernement mondial. La société civile sera donc à l’avenir, un allié fondamental des perspectives mondialistes. Elle s’imposera grâce à une prétention toujours plus grossière de contre-pouvoir, jusqu’au point de rupture qui précipitera inévitablement son entière dissolution au sein d’une gouvernance mondiale totalitaire.

1 Minorités et régionalismes dans l’Europe Fédérale des Régions : Enquête sur le plan allemand qui va bouleverser l’Europe ; Pierre Hillard ; 2004

2 Conversation d’avenirs ; Public Sénat ; « L’avenir des ONG » diffusé le 04/07/2008

La société civile : de l’état libéral à la gouvernance réactionnaire

Une société libérale réfute théoriquement l’idée d’une surcharge juridique, l’Etat se place donc en retrait de tout interventionnisme dans les champs de l’individualité. Il s’agit d’un modèle de société qui, en théorie, n’est pas gouvernée par une autorité morale, et dont les principes traditionnels sont pour la plupart devenus de simples pièces de la mosaïque des subjectivités. Mais à la tradition, s’est en réalité substitué un ordre moral, dont l’exercice provient désormais d’une autorité anti-traditionnelle : la classe dirigeante. Cette dernière détient son pouvoir grâce à l’appui d’une entreprise globale de manipulation : pas de médias indépendants, des processus électoraux manipulés ou absents, et une frontière poreuse entre le privé et la classe dirigeante.

La morale quant à elle est réservée à ce qui est en dehors de l’état, au non-gouvernemental, soit à la société civile. Bien que les instances religieuses y soient représentées conformément à la loi de 1905, leurs influences restent mineures. Car la société civile est avant tout le foyer des associations, des lobbys, et des think-tanks, qui selon l’organisme auquel ils s’adressent, peuvent avoir un degré d’influence différent. Mais pour y parvenir, il leur faut être reconnu en tant qu’organisme de la société civile (OSC), et obtenir un statut de la part de la classe dirigeante. La morale provient donc d’un appareil qui est à l’initiative du pouvoir et ce dernier organise l’écoute des revendications de l’ “appareil moral ».

Comme le disait Foucault : « la société civile, ce n’est pas une réalité première et immédiate […], c’est quelque chose qui fait partie de la technologie gouvernementale moderne »[1] . En effet, il s’agit avant tout d’un outil de régulation de l’opinion qui sert des intérêts précis et temporels. En utilisant la morale et donc en s’octroyant le droit de déterminer ce qui est juste, la société civile permet à la classe dirigeante d’élargir son champ de possibilités. Par conséquent la promotion de causes présentées comme justes par la sphère extra-étatique, permet d’acquérir par avance l’aval du peuple.

La société civile est par ailleurs moins hétérogène que ce qu’on peut en penser au premier abord. En effet, il existe des causes pour lesquelles l’extrême majorité des associations, think-tanks, etc. s’accordent sans le moindre problème. Ces accords peuvent parfois surprendre comme dans le cas du Centre d’Étude et de Prospection Stratégique (CEPS). Le CEPS est une ONG dotée du statut participatif au Conseil de l’Europe. Elle fonctionne essentiellement à travers ses clubs de réflexions, sur le modèle suivant : « Nous adoptons les « Chatham house rules », c’est-à-dire que nous avons tous le droit de reprendre des idées exprimées pendant ces rencontres, mais ne devons jamais communiquer d’informations sur l’auteur des propos, ni sur le lieu où ils ont été tenus. Ces rencontres sont exclusivement destinées aux membres du club, lesquels font tous l’objet d’une cooptation. » Parmi les partenaires et animateurs du CEPS, on trouve : SOS-Racisme ; l’OTAN ; Areva ; JP Morgan ; Endemol, EADS, La Croix Rouge, L’OCDE, L’Institut Robert Schuman pour l’Europe, etc. On pourrait se demander quel intérêt commun officiel ces organismes partagent-ils. Mais il est évident que la réponse réside dans l’existence même de la société civile et de son homogénéité effective.

Dans cette mesure, il est tout à fait logique que la société civile et la classe dirigeante ne fassent qu’un. Un des buts recherchés étant de parvenir à une morale qui soutient la doctrine de la globalisation libéral : en instaurant un tas d’organismes réactionnaires, en soutenant l’émergence de structures supra-étatiques et en organisant la tenue d’un monde organisé autour du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Tout ce qui n’entre pas dans ce cadre est immédiatement considéré comme irrecevable car en-dehors du consentement global. Il s’agit donc, pour la société civile, d’installer une instance réactionnaire d’une part, et de soutenir l’action de la classe dirigeante d’autre part. Pour conclure, le décryptage du rôle de la société civile incite à se référer à la théorie de Tittytainment de Zbigniew Brzezinski : la volonté de construire une lente dépolitisation de l’humanité, en procédant en premier lieu par la construction d’une morale qui va manifestement à l’encontre de l’humanité.

1 FOUCAULT Michel, Naissance de la Biopolitique, Cours au Collège de France, 1978-1979, Paris : Gallimard/Seuil, 2004, p.300

Julien Teil

 
 






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1 Commentaire

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  • #1484
    Le 2 février 2011 à 04:44 par anonyme
    Dossier ONG

    Ben merci beaucoup. Le texte est difficile à suivre sur l’analyse juridico socio psychologique de l’action des ongs. Mais les données factuelles plus accessibles sont criantes de vérité sur leur accointance avec l’oligarchie mondialiste et leur role dans la manipulation d’opinion.
    C’est un grand article qui mériterait une bien meilleure diffusion au grand public, peut etre sous une forme simplifiée. Le détournement qui est pratiqué des ongs dans leur role de soutien aux populations les plus démunies du monde est un scandale planétaire.

     

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