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Espagne : le code pénal de Gallardón s’acharne sur les Indignés

Traduction E&R

Juges Pour la Démocratie (JPD) dénonce le passage d’un « État social à un État pénal ». L’association critique la criminalisation de l’occupation symbolique des banques ou de la lutte contre les expulsions.

Le code pénal de Gallardón (NDLR : Alberto Ruiz-Gallardón est le ministre espagnol de la Justice depuis 2011) s’attaque avec acharnement aux indignés via la criminalisation d’activités qui n’étaient pas jusqu’ici considérées comme délits, tels l’occupation symbolique et pacifique des banques, les chaînes humaines opposées aux expulsions ou les appels à manifestations via les réseaux sociaux dans certaines conditions. Selon le représentant de JPD, Joaquim Bosch, la combinaison d’amputations sociales et de l’approbation du cadre pénal le plus sévère d’Europe permet d’affirmer que l’Espagne est en train de passer d’un « État social à un État pénal ».

Bosch en arrive à cette conclusion suite à l’analyse des nouveaux délits et de l’aggravation des peines prévues en réponse aux actes illégaux définis dans le chapitre concernant les notions de trouble à l’ordre public, d’attentat et de résistance à l’autorité. Ainsi précise-t-il qu’un nouvel article ajouté au projet initial, le 557 ter, prévoit une peine de prison allant de trois à six mois ou une amende mensuelle [1] de six à douze mois à l’encontre de « ceux qui, agissant en groupe, envahissent ou occupent, contre la volonté du responsable des lieux, le domicile d’une entité publique ou privée, un bureau, une agence, un établissement ou local, même si ceux-ci sont ouverts au public, et provoque de ce fait une perturbation de son activité normale ».

Pour le représentant de JPD, le propos est ici de punir les occupations de banques ou d’organismes publics qui s’effectuent pourtant la plupart du temps dans le cadre de revendications pacifiques, raison pour laquelle le juge trouve « ouvertement disproportionné » de sanctionner de telles actions par une peine de prison.

Toujours en référence à la criminalisation d’agissements de citoyens mécontents ou indignés, Bosch évoque également le nouvel article 560 bis, qui sanctionne de trois mois à deux ans de prison ou d’une amende mensuelle de six à vingt-quatre mois ceux « qui, agissant individuellement ou avec l’aide de l’action de tiers, interrompent le fonctionnement des services de télécommunication ou des moyens de transports publics et perturbent gravement en ce sens la prestation normale du service ».

Le représentant de l’association progressiste de juges et magistrats affirme qu’il s’agit là de mesures destinées « à criminaliser la contestation sociale » et « disproportionnées » qui ne devraient pas figurer au code pénal.

Bosch insiste aussi sur le fait que le délit d’attentat tel qu’il est rédigé dans le nouveau code « est suffisamment confus pour que l’on puisse y inclure des cas de protestations pacifiques comme les chaînes humaines organisées en vue d’empêcher les expulsions ». L’article 550 précise : « 1 : Est accusée d’attentat toute personne agressant ou, par intimidation ou violence, s’opposant avec résistance à l’autorité, à ses agents ou fonctionnaires publics ou s’attaquant à eux dans l’exercice de leur fonction ou en relation avec elle. 2 : Les attentats seront sanctionnés de peine de prison allant d’un an à quatre ans et d’une amende mensuelle de trois à six mois si l’attentat vise un représentant de l’autorité et de six à trois ans de prison dans les autres cas. »

De plus, « une peine d’un an à six ans de prison et une amende mensuelle de six à douze mois sera infligée » en cas d’atteinte portée à un membre du gouvernement, des Conseils de gouvernement des communautés autonomes, du Congrès des députés, du Sénat ou des Assemblées législatives des communautés autonomes, des corporations locales, du Conseil général du pouvoir judiciaire, des magistrats du tribunal constitutionnel, des juges, magistrats ou membres du Ministère fiscal.

Bosch relève aussi que la suppression du délit de désobéissance légère à la faveur de celui de résistance élève la pénalité de ce dernier, considérant ainsi tout agissement contestataire comme illégal et, dans les cas les plus graves, sanctionné par une incarcération. En cas d’usage de moyens violents tel le jet de pierres, les peines sont très élevées et, aux yeux du juriste, de tels actes sont trop sévèrement criminalisés.

Un autre point très critiquable est, selon lui, l’ambiguïté du nouvel article 559 qui définit textuellement comme délit « la distribution ou diffusion publique, par le biais de tous médias, de messages ou consignes qui incitent à commettre l’un des délits de trouble à l’ordre public précisés dans l’article 557 bis du code pénal, ou qui contribuent expressément à la décision de les mener à bien ». La peine infligée dans ce cas est une amende mensuelle de trois à douze mois ou un emprisonnement allant de trois mois à un an.

Bosch pense que cet article pourrait valoir comme justification d’opérations policières disproportionnées semblables à celles menées, au mépris des droits du citoyen, à l’encontre des initiateurs du 25-S et qui furent classées sans suite par le juge Santiago Pedraz étant donné leur caractère peu admissible dans un État de droit.

En conclusion, le représentant de JDP définit comme transition d’un « État social à un État pénal » les prétentions du nouveau code – qui valide également les principes d’incarcération définitive révisable ou la garde à vue de précaution – en sanctionnant « avec une dureté extrême » les manifestations de mécontentement dans un pays où les droits sociaux sont en régression et où le taux de prisonniers par habitant compte parmi les plus élevés d’Europe.

À l’heure où les droits sociaux et du travail ont été amputés comme jamais, « nous aurons le code pénal le plus dur d’Europe en matière de lutte contre la dissidence et la protestation citoyenne », précise Bosch. Selon lui, l’actuel code répondait suffisamment aux délits de désordre, attentat et résistance et il rejette de ce fait la surenchère disproportionnée des aspirations du gouvernement.

Notes

[1] En Espagne, des amendes peuvent être déterminées avec versement mensuel imposé selon la gravité du délit et sur une durée plus ou moins étendue.

 






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