Egalité et Réconciliation
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Et l’économie créa la femme...

Premier conseiller économique du président Obama, Larry Summers a formulé ce pronostic : "Lorsque l’économie sera repartie, dans cinq ans, un homme sur six entre 25 et 54 ans ne travaillera pas." Ou plus. Parce que l’Amérique n’aura plus rien à leur offrir ou qu’ils n’auront pas su s’adapter à sa nouvelle expansion.

Comme l’a écrit l’hebdomadaire américain Newsweek : "S’ils ont de la chance, ils auront une épouse qui subviendra à leurs besoins."

Car, pour les femmes, tout baignera. La femme ne sera plus l’avenir de l’homme - c’est lui qui sera devenu son passé. Messieurs, accrochez vos ceintures. La dernière découverte américaine est que, sur le plan socio-économique, vous êtes fichus.

Le vainqueur de la terrible crise que traversent les Etats-Unis est une vainqueuse.

L’hebdomadaire précité a récemment fait sa "une" sur ce thème. Le mensuel "The Atlantic" lui consacre le dossier de son numéro d’été. Signé Hanna Rosin, fondatrice du site Web Double-X, son titre est tout simple : "The end of men", la fin des hommes...

Commençons par quelques données. C’est fastidieux mais très éclairant. On vous met ça en vrac, parce que sur un ring on ne sait jamais d’où viennent les coups.

- Sur les 11 millions d’emplois détruits depuis décembre 2007 en Amérique, 66 % étaient occupés par des hommes. Or ils ne constituent que 54 % de la force de travail. Dans l’économie moderne, l’emploi à risque est beaucoup plus masculin.

- En 1970, les femmes contribuaient pour 6 % au revenu familial américain. Elles en fournissent maintenant 42,2 %. A ce rythme, la bascule aura lieu en 2019.

- Pour la première fois de l’histoire, parmi les 30-44 ans, on compte plus de diplômés femmes qu’hommes.

- Selon une étude de la Columbia Business School portant sur 1 500 sociétés entre 1992 et 2006, celles ayant le plus haut taux d’emploi féminin réussissent mieux. Les entreprises les plus en difficulté sont celles où l’on compte le moins de cadres femmes : construction, métallurgie...

- Sur les quinze catégories susceptibles d’offrir le plus d’emplois dans la décennie à venir, seules deux - les ingénieurs informaticiens et les gardiens d’immeubles et de locaux - sont masculines. Dans les treize autres - infirmiers, aides à domicile, personnels pour enfants en bas âge, etc. - les femmes sont déjà devant.

- Dans les échelons moyens du management, les femmes sont déjà 51,4 %. Elles n’en constituaient en 1980 que 26,1 %. Elles sont 54 % dans la banque-assurance, 45 % des associés des cabinets d’avocats, un tiers des médecins. Toutes ces proportions croissent rapidement.

- Le nombre d’entreprises créées par des femmes depuis dix ans progresse deux fois plus que la moyenne nationale.

- Sur dix étudiants qui auront obtenu leur licence en 2010, six seront des femmes. Elles constituent aussi 60 % de ceux qui obtiennent un master (seuls les étudiants de nationalité américaine sont pris en compte) ; on en dénombre 50 % en droit et en médecine, et 42 % en MBA.

Arrêtons là... Tous les enseignants savent que, jusqu’à la fin du secondaire, les filles sont "meilleures" que les garçons. La barrière suivante va tomber. Dans une société du savoir où la production industrielle se réduit à la portion congrue, exit le macho. Son symbole, le cow-boy de Marlboro n’est plus même assez bon pour la pub, écrit Hanna Rosin. Selon Nancy Koehn, professeure à la célébrissime Harvard Business School : "Nous assistons au début d’un tsunami : les femmes vont s’emparer des lieux de travail dans les quinze prochaines années."

Certes, elles ne constituent toujours que 3 % des PDG. Et, à statut égal, une dirigeante est rémunérée 77 % de ce que gagne un manager. Mais la progression des hauts salaires féminins a été de 43 % supérieure à celle des salaires des hommes en 2009. Et, surtout, dans l’économie postindustrielle, indifférente à la taille et à la force qui faisaient de l’homme le maître de la production capitaliste, "les attributs les plus valorisés sont l’intelligence sociale, la capacité d’ouverture dans la communication et celle de rester concentré - et ce ne sont pas, pour dire le moins, des attributs où les hommes prédominent", analyse Mme Rosin. Les émoluments suivront, assure-t-elle.

Les stéréotypes du vieux modèle du manager - sens du commandement, self-control, rationalité et goût du risque - sont sortis laminés de la crise. Haute finance, bâtiment ou automobile : dans ces secteurs où il régnait en maître, l’homme est apparu "irrationnel" (pour ne pas dire hystérique...).

C’est lui qui a cru que la bulle immobilière durerait mille ans et que la voiture américaine ne changerait jamais. Aujourd’hui, dans les grandes écoles de management, il est très tendance de promouvoir le concept de "leadership sensitif". "On ne dit jamais aux étudiants : "Développez votre côté féminin", mais c’est clairement de cela qu’il s’agit", dit Jamie Ladge, professeur au Northeastern College of Business Administration. Des qualités émergent pour qualifier le "bon manager" : la capacité à "coacher" les autres, à les motiver, à offrir au plus grand nombre les moyens d’exprimer leur créativité : pas à donner des ordres...

Les hommes, dans tout ça ? Ce n’est pas qu’ils soient idiots, mais ils s’avéreraient inaptes à s’adapter. Le mâle serait moins apte à se remettre en cause, à adopter de nouvelles attitudes. "L’économie est devenue moins bien disposée envers les hommes", dit Jacqueline King, du Conseil américain de l’éducation.