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Expansion de l’OTAN, déploiements de missiles et nouvelle doctrine militaire de la Russie

En quelques jours, l’OTAN a révélé ses ambitions. L’Alliance enrôle un à un, plus ou moins de force, tous les Etats d’Europe, du Proche-Orient et d’Océanie dans la guerre sans fin d’Afghanistan. Simultanément, sous le prétexte fallacieux de répondre à une prétendue menace iranienne, elle déploie aux marches de la Russie un système d’interception de missiles nucléaires qui détruit l’équilibre stratégique avec Moscou et remet en cause le principe du désarmement nucléaire progressif. De son côté, la Russie, se considérant comme directement menacée, relance d’urgence ses alliances et ses programmes d’armement.

Les évènements liés aux questions militaires et de sécurité en Europe et en Asie ont été nombreux ce mois-ci. Ils se sont condensés en moins d’une semaine de réunions, de déclarations et d’initiatives sur des questions allant du déploiement du bouclier antimissile jusqu’à l’escalade de la plus grande guerre du monde, et allant d’un nouveau système de sécurité pour l’Europe jusqu’à une nouvelle doctrine militaire russe.

Une génération après la fin de la Guerre froide et presque autant depuis l’éclatement de l’URSS, les événements de la semaine passée sont évocateurs d’une autre décennie et d’un autre siècle. La guerre de vingt ans ou plus en Afghanistan et les installations controversées de missiles en Europe ont constitué l’actualité dans un monde bipolaire.

Vingt ans après, alors qu’il n’y a plus d’Union Soviétique, plus de pacte de Varsovie et une Russie considérablement diminuée et tronquée, les États-Unis et l’OTAN ont militarisé l’Europe à un niveau sans précédent —subordonnant en fait presque tout le continent à un bloc militaire dominé par Washington— et ont lancé l’offensive la plus vaste en Asie du Sud dans ce qui est déjà la plus longue guerre actuelle dans le monde.

Des 44 nations en Europe et dans le Caucase (à l’exclusion des micro-Etats et du pseudo-Etat otanien du Kosovo), seulement six —le Belarus, Chypre, Malte, la Moldavie, la Russie et la Serbie— ont échappé à la mobilisation de leurs citoyens par l’OTAN pour le déploiement sur le front afghan. Ce nombre sera bientôt réduit encore.

De ces 44 pays, seulement deux —Chypre et la Russie— ne sont pas membres de l’OTAN ou de son programme de transition de Partenariat pour la Paix, et Chypre est soumise à une pression intense pour se joindre à le second.

Les 4 et 5 février 2010, les 28 ministres de la Défense de l’OTAN au grand complet se sont réunis à Istanbul, en Turquie, pour deux jours de délibérations. Elles se sont concentrées sur la guerre en Afghanistan, le déploiement du bloc militaire au Kosovo et les plans accélérés d’expansion d’un système de missiles intercepteurs d’envergure mondiale vers l’Europe de l’Est et le Proche-Orient. Ce rassemblement suivait d’une semaine une réunion de deux jours du Comité militaire de l’OTAN à Bruxelles qui runissait 63 chefs d’états-majors des nations de l’OTAN et des 35 « pays fournisseurs de troupes », selon la terminologie du bloc, y compris les hauts commandants militaires d’Israël et du Pakistan. Cette conférence était axée sur la guerre afghane et sur le nouveau Concept stratégique de l’OTAN qui doit être formalisé officiellement lors d’un sommet de l’Alliance plus tard cette année.

Le commandant des 150 000 soldats des États-Unis et de l’OTAN en Afghanistan, le général Stanley McChrystal, a assisté aux réunions des deux jours. Le secrétaire US à la Défense Robert Gates a présidé la deuxième. « L’Afghanistan et la défense anti-missile sont les exemples des nouvelles priorités que sur lesquelles Gates veut que l’OTAN se concentre. » [1]

Comme l’indiquait le nombre de chefs d’état-major ayant participé aux réunions de Bruxelles —63—, la portée de l’OTAN a été étendue bien au-delà de l’Europe et de l’Amérique du Nord au cours des dix dernières années. Les troupes servant sous le commandement du bloc en Afghanistan proviennent de tout continent peuplé, du Proche-Orient et d’Océanie : l’Australie a le plus gros contingent des non-membres avec plus de 1 500 soldats, et les autres nations non européennes comme l’Arménie, l’Azerbaïdjan, Bahreïn, la Colombie, l’Egypte, la Géorgie, la Nouvelle Zélande, Singapour, la Corée du Sud et les Émirats arabes unis ont des troupes en Afghanistan ou sont en train d’en envoyer.

Le jour où à commencé la réunion des ministres de la Défense de l’OTAN à Istanbul, le président roumain Traian Basescu a annoncé qu’il avait satisfait à la demande de l’administration Obama de baser des missiles intercepteurs US dans son pays. Cette décision est intervenue cinq semaines après l’annonce que des missiles antibalistiques U.S. Patriot seraient stationnés dans une région de la Pologne à une demi heure de la frontière la plus occidentale de la Russie.

Le lendemain, le 5 février, c’est-à-dire deux mois après l’expiration du Traité START [2] entre les États-Unis et la Russie réglementant la réduction des armes nucléaires et des systèmes de lancement, [3] l’agence de presse russe Interfax a annoncé que « le président Dmitri Medvedev a approuvé la doctrine militaire décennale de la Russie et les principes de base de sa politique de dissuasion nucléaire. » [4]

La même source a cité le Secrétaire adjoint du Conseil de sécurité et ancien chef d’état-major, le général Iouri Baluyevsky, commentant la nouvelle doctrine : « Il est prévu de développer les composants terrestres, maritimes et aériens de la triade nucléaire.... La Russie a besoin de garantir la cohérence de son développement démocratique en utilisant une garantie de stabilité telle que les armes nucléaires, telle qu’une forme de dissuasion stratégique.... La Russie se réserve le droit d’utiliser des armes nucléaires uniquement si son existence en tant qu’Etat est mise en danger. » [5]

Le commentaire du quotidien indien The Hindu spécifiait que « La doctrine détaille 11 menaces militaires externes à la Russie, dont sept venant de l’Ouest. L’expansion vers l’est de l’OTAN et son insistance pour un rôle mondial sont identifiées comme la menace numéro un pour la Russie. »

L’article ajoutait : « Les U.S.A. sont la source d’autres menaces majeures répertoriées dans la doctrine, même s’ils ne sont jamais explicitement mentionnés dans le document. Celles-ci incluent les tentatives visant à déstabiliser des pays et des régions et à saper la stabilité stratégique ; la militarisation accrue des Etats et des mers voisins ; la création et le déploiement de défense anti-missile stratégique, ainsi que la militarisation de l’espace et le déploiement de systèmes stratégiques non nucléaires de haute précision. »

En ce qui concerne la date choisie pour approuver cette nouvelle stratégie militaire russe, l’article la présente comme une réponse aux récentes décisions sur le bouclier antimissile U.S. et aux lenteurs des pourparlers START.

« La nouvelle doctrine de défense a fait l’objet d’une loi qui a été publiée au lendemain de l’annonce par la Roumanie de son intention de déployer des missiles intercepteurs US dans le cadre d’un bouclier de missiles global auquel la Russie s’oppose farouchement. Des articles antérieurs avaient observé que le Kremlin avait reporté l’approbation de sa doctrine, préparée l’année dernière, parce qu’il ne voulait pas mettre en péril les négociations START en cours avec les États-Unis. » [6]

Une remarque similaire a été formulée dans une dépêche de l’Agence de presse chinoise Xinhua :

« Les analystes disent que la décision roumaine intervient à un moment crucial où Washington et Moscou sont sur le point de signer un document successeur du Traité de Réduction des Armes Stratégiques (START-1) arrivé à expiration. Par conséquent, la mesure peut bouleverser les relations Russie - États-Unis en train de se dégeler et mettre à l’épreuve leurs liens bilatéraux. » [7]

Sous le titre de « Principales menaces externes de guerre », la nouvelle Doctrine militaire russe [8] a répertorié dans l’ordre décroissant les préoccupations suivantes :

- Le fait de s’arroger des prérogatives mondiales en violation du droit international, et d’étendre une infrastructure militaire jusqu’aux frontières de la Russie, y compris par le biais de l’élargissement d’une alliance militaire ;

- La déstabilisation de différents États et régions, ce qui revient à affaiblir la stabilité stratégique ;

- Le déploiement de contingents militaires d’Etats (et blocs) étrangers sur les territoires voisins de la Russie et de ses alliés, ainsi que dans leurs eaux territoriales ;

- L’établissement et le déploiement de systèmes de défense anti-missile stratégique qui sapent la stabilité mondiale et violent l’équilibre des forces dans le domaine nucléaire, ainsi que la militarisation de l’espace avec le déploiement d’armes de précision des systèmes non nucléaires stratégiques ;

- Les revendications territoriales à l’encontre de la Russie et de ses alliés et l’ingérence dans leurs affaires intérieures ;

- La prolifération des armes de destruction massive et des lanceurs, augmentant le nombre d’Etats nucléarisés ;

- La violation par un Etat d’accords internationaux, et l’échec à ratifier et à mettre en œuvre les traités internationaux précédemment signés sur la limitation et la réduction des armes ;

- Le recours à la force dans les territoires des Etats riverains de la Russie en violation de la Charte des Nations Unies et des autres normes du droit international ;

- L’escalade des conflits armés sur les territoires voisins de la Russie et des nations alliées ;

À la 46ème Conférence de Sécurité annuelle de Munich qui s’est tenue les 6 et 7 février, le secrétaire général de l’Alliance Anders Fogh Rasmussen a déclaré : « Je dois dire que cette nouvelle doctrine ne reflète pas le monde réel », bien que toute lecture objective des neuf points précédents confirme qu’elle dépeint le monde exactement tel qu’il est. Malheureusement.

Par exemple, après que le président de la Roumanie ait révélé que les missiles U.S. devraient être déployés dans son pays, une déclaration de son ministère des Affaires étrangères a précisé : « La Roumanie a été et continue d’être un promoteur cohérent au sein de l’OTAN du projet concernant le développement progressif et adapté du système de défense antimissile en Europe... La décision de prendre part au système US est entièrement en accord avec ce qui a été décidé à cet égard aux sommets de l’OTAN de Bucarest en 2008 et à Strasbourg-Kehl en 2009." [9]

Le premier jour de la Conférence de Sécurité de Munich, le ministre russe des Affaires étrangères Sergei Lavrov a déclaré que : « Avec la désintégration de l’Union Soviétique et de l’Organisation du Traité de Varsovie une réelle opportunité a émergé pour faire de l’OSCE [Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe] une organisation à part entière offrant une sécurité égale à tous les Etats de la région euro-atlantique. Toutefois, cette occasion a été manquée, parce que le choix a été fait en faveur de la stratégie d’expansion de l’OTAN, qui signifie non seulement préserver les lignes séparant Europe au cours de la Guerre froide en des zones ayant des niveaux de sécurité différents, mais également déplacer ces lignes vers l’est. Le rôle de l’OSCE était, en fait, réduit au service de cette politique par le biais de la supervision des questions humanitaires dans l’espace post-soviétique. »

Il a continué avec un examen de l’échec des mesures de sécurité post-Guerre froide en Europe :

« Que le principe de l’indivisibilité de la sécurité au sein de l’OSCE ne fonctionne pas n’est pas long à prouver. Rappelons-nous le bombardement de la République fédérale de Yougoslavie en 1999, quand un groupe d’Etats membres de l’OSCE, liés par cette déclaration politique, a commis une agression contre un autre Etat membre de l’OSCE. Tout le monde se souvient aussi de la tragédie d’août 2008 en Transcaucasie, où un Etat membre de l’OSCE, signataire de divers engagements dans le domaine du non-usage de la force, a recouru à cette force, y compris contre les soldats de la paix d’un autre Etat membre de l’OSCE, en violation non seulement de l’Acte final d’Helsinki, mais également de l’accord de maintien de la paix en Géorgie-Ossétie du Sud, qui exclut l’utilisation de la force. » [10]

Il était suivi le lendemain par le secrétaire général de l’OTAN, Rasmussen. Non seulement il n’a pas pu répondre à l’accusation que la paix et la sécurité en Europe ont été mises en danger par l’avancée implacable de son organisation militaire vers les frontières de la Russie, mais il a préconisé l’implication de l’OTAN au-delà du continent pour englober le monde.

En proclamant qu’ « à l’ère de l’insécurité mondialisée, notre défense territoriale doit commencer au-delà de nos frontières », Rasmussen a insisté pour que « l’OTAN puisse devenir un forum de consultation sur les questions de sécurité dans le monde. »

Son discours incluait également la demande de « porter la transformation de l’OTAN à un nouveau niveau —en connectant l’Alliance avec le système international plus large dans des voies entièrement nouvelles—. »

La Russie ne peut pas proposer un système de sécurité commune pour l’Europe, mais l’OTAN peut en ordonner un qui soit international.

Rasmussen s’est félicité que la Force internationale d’assistance à la sécurité de l’OTAN en Afghanistan « va encore être renforcée cette année, avec plus de 39 000 soldats supplémentaires, » sur le champ de bataille que l’Occident a ouvert dans ce pays au long martyre.

Non seulement il n’a pas exprimé de réserve à propos d’une guerre qui dure depuis 9 ans déjà et qui est tous les jours plus meurtrière, mais il l’a célébrée comme un modèle pour le monde : « Notre expérience en Afghanistan (…) m’amène à une [autre] considération : la nécessité de transformer l’OTAN en un forum de consultation sur les questions de sécurité dans le monde (…) L’OTAN est un cadre qui a déjà prouvé être capable de façon unique de combiner la consultation en matière de sécurité, la planification militaire et les opérations sur le terrain de manière plus efficace que la somme de ses membres. Encore une fois, regardez l’Afghanistan. » [11]

Konstantin Kosachev, président de la Commission des affaires internationales de la Douma russe, a également pris la parole à la conférence de sécurité de Munich : « Je pense que le problème de l’OTAN aujourd’hui est que l’OTAN se développe en sens inverse : elle essaie d’agir de plus en plus mondialement, mais elle continue à penser localement.... Dès que l’OTAN commence à aller au-delà de ses frontières, ce n’est plus seulement une affaire interne pour l’OTAN. »

Il a également « accusé l’alliance de provoquer le conflit Géorgie-Russie en promettant une éventuelle adhésion à Tbilissi.... » [12]

L’actuel vice-Premier ministre et ancien ministre de la Défense russe Sergei Ivanov est également intervenu à Munich. A propos des pourparlers START en panne, il a souligné qu’ « Il est impossible de parler sérieusement de la réduction des capacités nucléaires lorsqu’une puissance nucléaire travaille à déployer des systèmes de protection contre les lanceurs des têtes nucléaires des autres pays ». Il a rappelé aux participants à la conférence que « La Russie a réduit unilatéralement ses arsenaux nucléaires tactiques de 75 % par rapport à leur niveau du début des années 1990, mais les États-Unis n’y ont pas répondu par une mesure similaire et ont même refusé de retirer leurs armes d’Europe. » [13]

Deux jours après la conférence de Munich le secrétaire du Conseil de sécurité de la Russie, Nikolaï Patrouchev, a réaffirmé les inquiétudes précédentes de Lavrov et de Kosachev, en indiquant : « Nous doutons sérieusement [que la Russie sera plus sécurisée en raison de l’expansion de l’OTAN.] L’OTAN représente plutôt une grave menace pour nous. »

Une très importante agence de presse russe a écrit que « Patrouchev a critiqué l’OTAN pour ses efforts continus d’élargissement, y compris pour ses encouragements aux demandes d’adhésion de la Géorgie et de l’Ukraine. Il a reproché également à l’OTAN d’armer et de préparer la Géorgie pour une attaque contre l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie. Il a affirmé que les pays de l’OTAN continuaient de fournir de l’armement à Tbilissi malgré les protestations de la Russie. » [14]

Pour justifier ces préoccupations, la 10ème semaine annuelle de l’OTAN a commencé en Ukraine le 9 février et à la même date le gouvernement de la Géorgie « a approuvé le Programme national annuel de coopération avec l’OTAN [PNA] pour 2010 » [15], une initiative lancée par l’OTAN, peu de temps après l’invasion par la Géorgie de l’Ossétie du Sud et de la guerre avec la Russie en août 2008.

Guerre dans les Balkans, guerre en Asie du Sud, guerre dans le Caucase. Voilà le modèle de que l’OTAN appelle à reproduire à l’échelle mondiale. Et comme le bloc se déplace encore vers l’est, il apporte dans son sillage des troupes et des équipements militaires, des bases aériennes et navales et des installations de bouclier antimissile.

Le 9 février, le chef de l’état-major général des Forces armées de Russie Nicolas Makarov a averti que : « Le développement et la mise en place du bouclier antimissile (des USA) est dirigé contre la Fédération de Russie. » [16]

Il a dit aussi « que les différences avec les États-Unis à propos du bouclier antimissile étaient en train de bloquer le traité de réduction des armes nucléaires », que « les différences avaient jusqu’à présent empêché la signature du traité sur ces armes. » [17]

Se référant encore aux négociations START, il a déclaré : « Les plans de défense antimissile U.S. constituent une menace pour la sécurité nationale russe et ont ralenti la progression d’un nouveau traité sur le contrôle des armes avec Washington ».

Selon les propres termes de Makarov, « Le traité sur les armes stratégiques offensives sur lequel nous travaillons actuellement doit tenir compte du lien entre les armes stratégiques défensives et offensives. Ce lien est très étroit, elles sont absolument interdépendantes. Il serait faux ne pas prendre en compte la défense antimissile. » [18]

Au début de la semaine, le porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères Andrei Nesterenko a réitéré la demande de son pays que les armes nucléaires tactiques U.S. soient retirées d’Europe. Il a dit que le « retrait des armes tactiques états-uniennes d’Europe vers les États-Unis serait le bienvenu. Il devrait être accompagné de la démolition complète et irréversible de l’ensemble des infrastructures prenant en charge le déploiement de telles armes en Europe ». Il a réaffirmé la position de son pays selon laquelle « Les armes nucléaires doivent être déployés exclusivement sur le territoire des Etats qui les possèdent. » [19]

Six jours après, pour ajouter au pressentiment de la Russie et pour manifester la réluctance de l’Ouest sur la question, l’ex-secrétaire général de l’OTAN George Robertson a été cité dans la presse turque, exigeant que les ogives U.S. restent en Allemagne. A cette occasion, il a reconnu que les États-Unis ont de 40 à 90 armes nucléaires sur la base aérienne d’Incirlik en Turquie. Lord Robertson n’est bien entendu ni allemand, ni états-unien, mais c’est un ancien patron de l’OTAN et il se considère lui-même en droit de décider de questions d’une nature aussi grave.

Le 10 février, un haut conseiller de la présidence polonaise, Wladyslaw Stasiak, était à Washington pour discuter du déploiement imminent de missiles anti-balistiques Patriot Advanced Capability-3 (PAC-3). Il a rencontré les membres du Conseil national de sécurité U.S et des « experts de l’Heritage Foundation à tendance conservatrice et du Center for International and Strategic Studies. »

Par la suite, il a déclaré : « Nous avons parlé de l’avenir de l’OTAN dans le contexte d’un nouveau concept stratégique, ainsi que de l’OTAN d’aujourd’hui, notamment en ce qui concerne l’article 5 et sa mise en œuvre pratique », c’est-à-dire la clause d’assistance mutuelle. [20]

Le même jour, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères ukrainien a exprimé des préoccupations à propos du déploiement de missiles U.S. dans sa nation sœur de la mer Noire, la Roumanie. « En tant que pays voisin de la Roumanie, nous ne pouvons accepter que les plans U.S. de déploiement de bouclier antimissiles à proximité de notre frontière passent inaperçus, surtout dans la mesure où certains éléments sont censés être basés en mer Noire. » [21]

Vladimir Voronin, président jusqu’en septembre dernier de la Moldavie, limitrophe à la fois de la Roumanie et de l’Ukraine, a récemment averti que le déploiement de missiles US sur et au large des côtes de la Roumanie « peuvent transformer la Moldavie voisine en une zone de front de première ligne » et que « la position de la Roumanie sur le bouclier antimissile U.S. et un soutien aussi ouvert de la part de la direction actuelle moldave pourraient avoir des conséquences désastreuses pour la sécurité dans la région. » [22]

De la sorte, il faisait écho à l’ambassadeur russe à l’OTAN Dmitri Rogozine, qui expliquait deux jours avant : « Les plans U.S. pour baser un système de défense antimissile en Europe sont un prétexte pour empiéter sur les frontières de la Russie » et « Les USA sont en train d’utiliser les actions de l’Iran pour mondialiser leur système de défense antimissile. » [23]

Quatre jours après ses précédents commentaires, Voronin déclarait pour la Moldavie que « le déploiement d’ABM US en Roumanie ramène l’Europe à la Guerre Froide » et qu’il doutait que « les ABM US soient braqués contre la menace iranienne. » [24]

Le Pentagone a ouvert une base radar dans le désert israélien du Néguev en 2008, dotée de plus de 100 hommes. Ses matériels ont une portée de 2 900 milles, soit presque trois fois la distance séparant les capitales israélienne et iranienne. Le radar FBX de la base avancée de Nevatim Air Base peut contrôler toute la partie orientale et une grande partie de la Russie du Sud.

Plus les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN tempêteront contre la prétendue menace iranienne, plus le cordon de missiles intercepteurs occidentaux sera assuré autour de la Russie.

Le 10 février, la presse locale a écrit que « la République Tchèque est en discussion avec l’administration Obama pour accueillir un centre de commandement dans le cadre du plan de défense antimissile modifié des États-Unis. » [25]

Le jour suivant l’ambassadeur de Chine en Russie, Li Hui, a a réaffirmé que « Pékin est préoccupé par les plans [de bouclier antimissile U.S.] qui pourraient perturber l’équilibre stratégique et la stabilité actuels et intensifier les tensions ». Caractérisant correctement la véritable portée du projet missile intercepteur états-unien, « il a soutenu que la création d’une défense antimissile globale minait les efforts internationaux pour arrêter la prolifération nucléaire. » [26]

Ses avertissements, comme ceux de la Russie, ont été entendus à Washington et parmi ses alliés de l’OTAN. Le 12 février la Pologne a approuvé un Accord sur l’état des forces (ASOF) avec les États-Unis pour « 100 soldats US devant être stationnés en Pologne, dans le cadre du bouclier, qui comprendra des missiles Patriot et SM-3. » [27] C’est peut-être la première confirmation que les intercepteurs Standard Missile-3 0 à longue portée embarqués sur des navires (et/ou basés au sol) seront déployés avec les missiles Patriot Advanced capacité-3 près de la frontière occidentale de la Russie.

Egalement le 12 février, le Premier ministre bulgare Boiko Borisov a révélé que les États-Unis engageront des pourparlers avec son gouvernement pour placer des composants potentiels de missiles intercepteurs de première frappe dans ce pays de la mer Noire. L’ambassadeur états-unien James Warlick a confirmé que les discussions préliminaires ont déjà eu lieu. Le chef de l’Etat bulgare a justifié sa volonté de prendre cette mesure risquée en déclarant : « Mon opinion est que nous avons à faire preuve de solidarité. Lorsque l’on est membre de l’OTAN, il faut travailler pour la sécurité collective. » [28]

Considérant tout ce qui précède, le fait que gouvernement russe ait invité l’ancienne secrétaire d’Etat des USA Madeleine Albright et sa coterie des « Sages » du « Groupe d’Experts » chargé d’élaborer le nouveau concept stratégique de l’OTAN à prononcer un exposé à l’Institut des relations extérieures de Moscou le 11 février est une farce.

L’OTAN n’est pas le fournisseur de sécurité internationale qu’elle prétend être. Elle n’est pas un partenaire de l’organisation des Nations Unies, qu’elle a éclipsé et émaculé, ni d’aucune autre organisation internationale ou régionale. Elle n’est pas le fondement d’une « alliance des démocraties ».

L’OTAN est un pacte offensif, sans loi et meurtrier, qui se réserve unilatéralement le droit de répéter son agression armée dans les Balkans et en Asie du Sud sur une échelle mondiale. C’est une menace pour l’humanité. Rick Rozoff

Diplômé de littérature européenne. Journaliste. Directeur de Stop NATO international. [1] Bloomberg News, February 4, 2010

[2] Strategic Arms Reduction Treaty (START).

[3] « With Nuclear, Conventional Arms Pacts Stalled, U.S. Moves Missiles And Troops To Russian Border », par Rick Rozoff, Stop NATO, 22 janvier 2010.

[4] Interfax, 5 février 2010.

[5] Ibid.

[6] « Vladimir Radyuhin, New Russian doctrine sees NATO, U.S. as main threat », The Hindu, 7 février 2010.

[7] Xinhua, 8 février 2010.

[8] Texte disponible en russe uniquement.

[9] Financiarul, 6 février 2010.

[10] Sténogramme de l’]intervention de S.V.Lavrov, Ministre des Affaires étrangeres de la Russie->http://www.ln.mid.ru/brp_4.nsf/7b52...], a la 46e Conference de Munich sur les problemes de la politique de la securite, le 6 février 2010

[11] « Speech by Anders Fogh Rasmussen at the 46th Munich Security Conference », Voltaire Network, February 7, 2010.

[12] Reuters, 7 février 2010.

[13] RIA Novosti, 6 février 2010.

[14] RIA Novosti, 9 février 2010.

[15] Georgia Times, 10 février 2010.

[16] Reuters, 9 février 2010.

[17] Reuters, 9 février 2010.

[18] Associated Press, 9 février 2010.

[19] Itar-Tass, 4 février 2010.

[20] Polish Radio, 10 février 2010.

[21] RosBusinessConsulting, 10 février 2010.

[22] RIA Novosti, 7 février 2010.

[23] Bloomberg News, 5 février 2010.

[24] Voice of Russia, 11 février 2010.

[25] Prague Post, 10 février 2010.

[26] Voice of Russia, 11 février 2010.

[27] Deutsche Presse-Agentur, 12 février 2010.

[28] Reuters, 12 février 2010.