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Le gouvernement français questionne les USA au sujet de l’expérience secrète à Pont-Saint-Esprit avec du LSD dans les années 50

Un scandale diplomatique et politique qui pourrait avoir de graves conséquences pour les relations franco-étasuniennes est en train d’éclater. Il implique de nouvelles recherches sur la mystérieuse épidémie de « folie collective » dans une petite ville du sud de la France qui avait touché environ 500 personnes et provoqué cinq décès.

Selon des sources étasuniennes fiables, le Bureau du renseignement et de la recherche du ministère des Affaires étrangères étasunien a reçu une demande d’enquête confidentielle de la part du bureau d’Erard Corbin de Mangoux, directeur de l’agence de renseignement français DSGE (Direction générale de la sécurité extérieure). Selon le rapport, l’enquête concerne un compte rendu publié récemment sur la complicité du gouvernement étasunien dans un mystérieux épisode de folie de masse dans le sud de la France, à Pont-Saint-Esprit en 1951.

L’étrange épidémie a gravement affecté près de cinq cents personnes, provoquant la mort d’au moins cinq, dont deux par suicide. Depuis près de 60 ans, l’affaire de Pont-Saint-Esprit est attribuée soit à un empoisonnement à l’ergot, ce qui signifie que les habitants ont soit consommé du pain infecté par une moisissure psychédélique, soit été empoisonnés au mercure organique.

En septembre 1951, des scientifiques avec le très estimé British Medical Journal impliquèrent rapidement ce qu’ils surnommèrent une « épidémie d’empoisonnement. » Après avoir pensé initialement que la cause était du pain infecté, ils conclurent que la moisissure ne pouvait ni expliquer l’événement ni les maux qui frappèrent des centaines de personnes de la petite ville.

Des scientifiques dépêchés sur les lieux depuis la compagnie de produits chimiques Sandoz à proximité de Bâle en Suisse, ont également indiqué que la moisissure était la cause, mais de nombreux autres experts n’étaient pas d’accords avec eux.

Le temps passant, le mystère de l’épidémie ne fit que s’approfondir et aucune réponses ne fut jugée satisfaisante. Un livre de 2008 publié en France par le professeur Steven Kaplan sur l’affaire du pain, soulignait que le « mystère reste entier » et laisse toujours les scientifiques perplexes.

Nouvelles révélations

Un livre juste sorti aux États-Unis, qui décrit minutieusement des interviews de gens aujourd’hui retraités des services de renseignement étasuniens qui avaient une connaissance directe des événements français de 1951, allègue que la « folie collective » inexpliquée jusqu’ici dans la petite ville isolée était plutôt une expérience top secrète de la CIA, menée sous le nom de code Opération Span. L’Opération Span faisait partie du projet MK/NAOMI, un complément « ultra-top secret » au projet de triste notoriété MK/ULTRA.

Le livre, A Terrible Mistake : The Murder of Frank Olson and the CIA’s Secret Cold War Experiments (Une terrible erreur : L’assassinat de Frank Olson et les expériences de guerre froide secrète de la CIA), du journaliste d’investigation HP Albarelli Jr., expose que l’épidémie de Pont-Saint-Esprit en 1951 était le résultat d’une expérimentation d’aérosol de LSD secrète, dirigée par la top secrète Division des opérations spéciales de l’US Army à Fort Detrick dans le Maryland.

Albarelli note que les scientifiques qui ont émis les fausses explications de couverture du pain contaminé et/ou de l’empoisonnement au mercure pour détourner de la véritable origine des événements, travaillaient pour la compagnie pharmaceutique Sandoz, qui à l’époque fournissait du LSD secrètement à la fois à l’US army et à la CIA pour la recherche.

Un journal français écrivait à l’époque des événements bizarres : « Ce n’est ni du Shakespeare, ni de l’Edgar Poe. C’est hélas la triste réalité tout autour de Pont-Saint-Esprit et de ses environs, où se déroulent des scènes d’hallucinations terrifiantes. Ce sont des scènes tout droit sorties du Moyen Âge, des scènes d’horreur et de pathos, pleines d’ombres sinistres. » Le magazine étasunien Time, dont l’éditeur Henry Luce était étroitement lié aux activités de propagande de la CIA dans les années 50, écrivait : « Parmi les affligés, grandissait le délire : les patients se débattaient sauvagement sur leur lit, en hurlant que des fleurs rouges s’épanouissaient sur leur corps, que leurs têtes se transformaient en plomb fondu. L’hôpital de Pont-Saint-Esprit a signalé quatre tentatives de suicide. »

Comme le note Albarelli, un site Internet du ministère de la Justice sur les dangers du LSD signale que, dans le début des années 50, « La compagnie Sandoz Chemical alla jusqu’à promouvoir le LSD comme possible arme secrète de guerre chimique pour le gouvernement étasunien. Le principal argument de vente était qu’une petite quantité dans les réservoirs d’eau ou pulvérisée dans l’air pouvait désorienter et rendre psychotique les soldats d’une compagnie entière en les laissant inoffensifs et incapables de se battre. »

Albarelli affirme que la CIA a fait un accueil favorable à un certain nombre de propositions de scientifiques étasuniens concernant l’introduction d’une grande quantité de LSD dans le réservoir d’une ville de taille moyenne à grande, mais, selon les responsables de l’ancienne agence, « l’expérience n’a jamais été approuvée à cause du nombre imprévu de morts lors de l’opération en France. »

En fait, Albarelli avait découvert autrefois des documents secrets du FBI qui révélaient que, un an avant l’expérience de Pont Saint-Esprit, la Division des opérations spéciales de Fort Detrick avait pris pour cible le réseau du métro de New York pour une expérience similaire. Une note de service d’août 1950 du bureau déclare, « Les expériences de guerre biologique qui devaient être menées par des représentants du ministère de l’Armée dans le réseau du métro de New York en septembre 1950, ont été reportées sans fixer de date. » La note de service se poursuit en citant les préoccupations du FBI au sujet de « l’empoisonnement des plantes alimentaires » et « l’empoisonnement des réserves d’eau » des grandes villes des États-Unis.

Lors d’un entretien avec l’auteur [William Engdahl], Albarelli a décrit comment lui sont apparus les détails choquants des programmes secrets de la CIA avec les drogues : « Mon premier tuyau fut un document de 1954 de la CIA qui détaillait une rencontre entre un responsable de la compagnie chimique Sandoz (les producteurs de LSD) et un agent de la CIA, dans laquelle « le secret de Pont Saint-Esprit » était référencé. Le responsable de Sandoz poursuivait en disant : « Ce n’était pas du tout l’ergot. »

Albarelli dit avoir obtenu ensuite par l’intermédiaire de la Loi sur la liberté de l’information un rapport de 1955 partiellement expurgé de la CIA, intitulé A CIA Study of LSD-25 (Une étude du LSD-25 par la CIA). « Ce rapport apparemment très complet contient des informations détaillées sur la fabrication, la fourniture et l’usage du LSD et des produits du type LSD dans le monde. Cependant, la section sur la France et Pont St Esprit avait été presque entièrement censurée. » Albarelli a demandé une copie intégrale, mais les responsables de la CIA ont refusé de lui en fournir une.

Il continue : « Puis je suis tombé sur une lettre écrite par l’agent du Bureau fédéral des narcotiques qui travaillait secrètement pour la CIA ; c’était George Hunter White qui dirigeait le poste de la CIA à New York de 1951 à 1954. La lettre de White référençait l’expérience de Pont St Esprit. À ce stade, après cinq ans d’enquête, j’ai commencé à interviewer d’anciens biochimistes de l’armée. Ils sont devenus très évasifs et ont refusé de parler de leur travail en France. Finalement, deux anciens employés du renseignement ont confirmé que l’expérience avait eu lieu sous les auspices de la Division des opérations spéciales de l’armée et avec un financement de la CIA. »

En dernier lieu, a expliqué Albarelli, « on m’a donné un document non daté de la Maison Blanche, faisant partie d’un fichier plus volumineux qui avaient été envoyé aux membres de la Commission Rockefeller formée en 1975 pour enquêter sur les abus de la CIA. Le document contenait le nom d’un certain nombre de ressortissants français qui avaient été employés secrètement par la CIA, et faisait directement référence à l’"incident de Pont Saint-Esprit", en reliant l’ancien chef du projet de recherche secrète de l’OSS et le chef de la Division des opérations spéciales de Fort Detrick. Tout cela avec un autre document incluant la preuve irréfutable. »

Dans son enquête sur la recherche pour utiliser le LSD comme arme offensive, Albarelli affirme que l’armée a drogué à leur insu plus de 5.700 militaires étasuniens entre 1953 et 1965, et, avec la CIA, a expérimenté à grande échelle avec du LSD et d’autres drogues à travers des contrats secrets avec plus de 325 établissements d’enseignement supérieur, universités et instituts de recherche aux Etats-Unis, au Canada et en Europe, impliquant près de 2500 sujets supplémentaires, beaucoup d’entre eux étant des patients hospitalisés et des étudiants.

En 2005, Scott Shane, un reporter du journal Baltimore Sun, a écrit : « L’armée n’a aucun dossier sur MKNAOMI ou sur la Division des opérations spéciales. » Questionnée officiellement à propos de ces dossiers, l’armée a répondu qu’elle « n’a pu en trouver aucun. » En 1973, la CIA a détruit la totalité de ses dossiers sur MKNAOMI et sa collaboration avec la Division des opérations spéciales de Fort Detrick. Quand Shane a demandé à un ancien haut gradé des opérations spéciales de prendre la parole sur les projets de la division en général, Andrew M. Cowan, Jr. a dit : « Je ne donne pas d’interviews sur ce sujet. Il doit être toujours classé confidentiel, à défaut d’autre chose, pour préserver hors des mains de quelques cinglés des informations que la division a développé. »

Autres projets de la CIA avec de la drogue

En 1959, alors qu’il était étudiant à Stanford University, l’écrivain étasunien Ken Kesey se porta volontaire pour participer au projet MK/ULTRA, financé par la CIA, à l’Hôpital des anciens combattants de Menlo Park. Le projet étudiait les effets sur les gens des drogues psychoactives, en particulier du LSD, de la psilocybine, de la mescaline, de la cocaïne, de l’Alpha-méthyltryptamine et de la N-diméthyltryptamine. Kesey a fait des exposés détaillés de ses expériences avec ces drogues au cours de l’étude du projet MK/ULTRA. Kesey aurait été inspiré par son rôle de cobaye médical pour écrire Vol au-dessus d’un nid de coucou en 1962.

Il fut un temps où l’étudiant diplômé en psychologie, le tristement célèbre gourou du LSD de Harvard, le Dr Timothy Leary, dont le slogan « Flower Power » de la génération de 1968 était « Viens, mets-toi dans le coup, décroche, » était associé à Cord Meyer de la CIA. Leary a imaginé un test de personnalité particulier, The Leary, utilisé par la CIA pour tester les employés potentiels, et a travaillé avec Frank Barron, un employé de la CIA et ancien camarade de classe de psychologie à l’Institute for Personality Assessment and Research de Berkeley, et plus tard avec le Psychedelic Drug Research Center de Barron à Harvard. Ce ne sont que deux des exemples les plus connus et détaillés liant la CIA aux projets avec le LSD après les présumées expériences françaises.

Selon un officiel de la DGSE qui a refusé d’être identifié, « Si les détails des révélations de ce livre s’avèrent être vrais, ce sera très bouleversant pour les habitants de Pont-Saint-Esprit, ainsi que pour tous les citoyens français. Que des agences du gouvernement des États-Unis puissent délibérément prendre pour cible des ressortissants étrangers pour ce genre d’expérience constitue une violation d’un certain nombre de lois et traités internationaux. »