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Les Israéliens se bousculent pour un deuxième passeport

Pas moins de la moitié des Juifs d’Israël envisagent de quitter éventuellement la Palestine dans les années proches, si les tendances politiques et sociales perdurent.

Les historiens ou les anthropologues qui se penchent sur les sociétés et surveillent le cours des événements humains pourraient peut-être nous citer une terre, autre que la Palestine, où, dans la population coloniale récemment arrivée, une grande proportion de gens s’apprêtent à exercer leur droit à partir, tandis que beaucoup d’autres, ayant de véritables racines millénaires, mais victimes d’un nettoyage ethnique, s’apprêtent à exercer leur droit au retour.

L’une des nombreuses ironies inhérentes à la colonisation sioniste de la Palestine du 19ème, c’est le fait que ce projet, passé dans la majorité du 20ème siècle pour donner un havre de paix au Moyen-Orient aux Juifs persécutés d’Europe « s’en revenant, » s’effiloche de plus en plus. De ce fait, aujourd’hui, au 21ème siècle, un grand nombre d’occupants usurpatoires des terres palestiniennes considèrent de plus en plus que le havre de retour désiré pour beaucoup de Juifs d’Orient est l’Europe.

Pour paraphraser le journaliste juif Gideon Levy, « Si nos ancêtres rêvaient d’un passeport israélien pour s’échapper d’Europe, beaucoup d’entre nous en sont dorénavant à rêver d’un second passeport pour s’échapper en Europe. »

Plusieurs études, une en Israël, une faite par l’AIPAC et une autre du Fonds national juif en Allemagne, montrent que pas moins peut-être de la moitié des Juifs vivant en Israël envisagent de quitter la Palestine dans les prochaines années si les tendances politiques et sociales actuelles se maintiennent. Un sondage, effectué en 2008 par le Centre Menachem Begin Heritage, montrait que 59% des Israéliens se sont adressés ou ont l’intention s’adresser à une ambassade étrangère pour postuler à la citoyenneté et obtenir un passeport ou pour se renseigner à ce sujet. Aujourd’hui, on estime que leur chiffre avoisine les 70%.

Le nombre d’Israéliens envisageant de quitter la Palestine a grimpé rapidement, selon des chercheurs de l’université Bar-Ilan qui ont mené l’étude « A Different Place, » publiée récemment par Eretz Acheret, une ONG israélienne qui prétend promouvoir le dialogue culturel. Cette étude constatait que plus de 100.000 Israéliens sont déjà titulaires d’un passeport allemand, et ce chiffre grossit de plus de 7.000 chaque année en suivant une courbe d’accélération. Selon les autorités allemandes, plus de 70.000 passeports ont été accordés depuis 2000.

En plus de passeports vers l’Allemagne, plus d’un million d’Israéliens ont d’autres passeports étrangers tout prêts au cas où la vie en Israël se détériorerait. Pour les Israéliens qui envisagent d’émigrer, l’un des pays les plus attrayants, et aussi peut-être le plus accueillant, est les États-Unis. Actuellement, plus de 500.000 Israéliens sont titulaires d’un passeport américain avec près d’un quart de million de demandes en instance.

Lors des dernières rencontres à Washington entre la délégation du premier ministre israélien Netanyahu et des agents d’Israël là-bas, des assurances auraient été données par les officiels de l’AIPAC. Selon eux, si cela devient nécessaire, le gouvernement américain délivrera rapidement des passeports à tout Juif israélien qui en fera la demande.

Les Arabes israéliens ne sont pas concernés.

L’AIPAC a aussi fait remarquer à ses interlocuteurs israéliens qu’ils peuvent faire confiance au Congrès pour approuver le financement de l’arrivée des Juifs israéliens « pour qu’il leur soit alloué des subventions substantielles de réinstallation afin de faciliter leur accoutumance dans leur nouveau pays. »

Mis à part les Juifs israéliens qui pensent peut-être obtenir un « passeport de secours » pour un pays de diaspora, il existe dans le monde entier un pourcentage comparable de Juifs qui ne vont pas immigrer en Palestine. Selon Jonathan Rynhold, un professeur de Bar Ilan spécialiste des relations israélo-américaines, il se pourrait que les Juifs soient plus en sécurité à Téhéran qu’à Ashkelon par les temps qui courent, tant qu’Israël ou les États-Unis n’aura pas inauguré le bombardement de l’Iran.

L’interview de quelques-uns de ceux qui, soit ont aidé à faire les études mentionnées ci-dessus, soit en avaient connaissance, permet de discerner, à l’origine de la ruée israélienne sur les passeports pour ailleurs, plusieurs facteurs, dont certains sont assez surprenants, compte tenu de l’ultra-nationalisme de la société israélienne.

Le dénominateur commun, à la fois individuel et national, est le malaise et l’anxiété. Le deuxième passeport étant comme une sorte de police d’assurance « pour les jours d’orages qui pointent le nez à l’horizon, » comme l’a expliqué un chercheur d’Eretz Acheret.

Parmi les autres facteurs, on trouve :

Le fait que deux ou trois générations se soient avérées insuffisantes à l’enracinement en Israël où peu de ces gens, sinon aucun, ne vivaient auparavant. Pour cette raison, Israël a produit un grand quota d’exode — un retour des immigrants ou de leurs descendants dans leur pays d’origine, qui n’est pas la Palestine, malgré la propagande sioniste contraire.

La crainte que les fanatiques religieux au milieu de plus de 600.000 colons en Cisjordanie apporteront la guerre civile et annexeront principalement l’Israël d’avant 1967 et transformeront Israël en État ultra-fasciste.

Les pressions centripètes dans la société israélienne, en particulier parmi les immigrants russes [*] qui rejettent en masse le sionisme. Depuis la chute du mur de Berlin en 1989, environ un million de Juifs de l’ancienne Union soviétique sont passés en Israël. Ils ont gonflé la population du pays de 25 pour cent et formé la plus grande concentration de Juifs russes dans le monde. Seulement, aujourd’hui, les Juifs russes constituent en Israël le plus grand groupe d’immigrés et ils devraient décamper en foule pour des raisons allant de l’opposition au sionisme, à la discrimination et aux promesses non tenues à propos de l’emploi et de la « vie en rose » en Israël.

[* Ndt : Comme c’est bizarre ! On dirait un écho de l’Histoire façon retour de manivelle. Voir comment les Juifs ont rongé la Russie dans Deux siècles ensemble d’Alexandre Soljénitsyne. Cette œuvre historique en plusieurs volumes, si souvent contrefaite car impossible à censurer, dont j’exposerais certains détails si je n’étais pas un lamentable tire-au-cul, est achetable sur Amazon. On la trouve aussi en ligne en cherchant bien. Des sites faciles à trouver en mentionnent certains passages, mais ce sont souvent, comme par hasard, ceux qui falsifient ce dont parlait Soljénitsyne dans les chapitres très emmerdants.]

Jusqu’à présent, environ 200.000 ou 22% des Russes débarqués en Israël depuis 1990 sont rentrés dans leur pays. Selon le rabbin Berel Larzar, qui était le grand rabbin de Russie depuis 2000, « Le nombre de gens qui repartent est véritablement extraordinaire. Quand ces Juifs sont partis, il n’y avait pas de communauté, pas de vie juive. Les gens ressentaient qu’être Juif est une malédiction historique qui a frappé leur famille. Maintenant, ils savent qu’ils peuvent vivre en Russie dans le cadre d’une communauté et qu’ils n’ont pas besoin d’Israël. »

Aucune confiance ni respect envers les dirigeants israéliens, la plupart étant considérés comme corrompus.

Des sentiments d’anxiété et de culpabilité envers le sionisme qui a dévoyé le judaïsme et corrompu les valeurs traditionnelles juives.

La difficulté croissante de fournir des réponses cohérentes à ses enfants, à mesure qu’ils deviennent plus éduqués et conscients de leurs antécédents familiaux, et même l’honnêteté envers soi-même sur la question de savoir pourquoi des familles [venues] d’Europe et d’ailleurs vivent sur des terres et dans des maisons volées à d’autres gens qui sont évidemment les gens du pays et ne sont pas venus d’un autre coin du monde.

Chez de nombreux Israéliens, la dernière compréhension grandissante, nettement encouragés par Internet et la résistance opiniâtre palestinienne, les récits prenants et provocateurs des Palestiniens qui ébranle complètement le discours sioniste du siècle dernier à propos d’« Une terre sans peuple pour un peuple sans terre. »

La campagne de peur des dirigeants politiques conçue pour garder le consentement du citoyen envers les mesures du gouvernement s’appliquant à la bombe iranienne, aux innombrables « terroristes » apparemment partout et planifiant un autre Holocauste. Ou bien, les diverses menaces existentielles qui maintiennent les familles à cran et concluent ne pas vouloir élever leurs enfants dans de telles conditions.

Expliquant qu’il parlait en tant que citoyen privé et non pas comme membre de Democrats Abroad Israel, Hillel Schenker, un natif de New York, a insinué que les Juifs qui viennent en Israël « veulent s’assurer la possibilité d’une alternative de rentrer là d’où ils sont venus. » Il a ajouté que des « insécurités découlent de la vie moderne, et, ne coexistant toujours pas en paix avec ses voisins, l’État d’Israël a aussi produit le phénomène de nombreux Israéliens à la recherche d’un passeport européen, en fonction de leurs racines familiales, juste au cas où. »

Gene Schulman, un Juif-américain, membre chevronné de l’Overseas American Academy de Suisse, présente cela encore plus dramatiquement. Il affirme que tous les Juifs sont « effrayés de mourir dans ce que va probablement devenir Israël, même si la Zunie maintient son soutien. »

De nombreux observateurs de la société israélienne conviennent qu’un nouvel élan majeur, aussi imprévu en faveur du départ des Juifs de Palestine, a été les trois derniers mois d’éveil arabe, qui ont renversé les piliers clefs de maintien d’Israël dans la région.

Selon Layal, un étudiant palestinien du camp de Shatila, qui se prépare pour la marche de la « Naksa » le 5 juin mars vers la ligne bleue au Sud-Liban : « Depuis la place Tahir au Caire jusqu’à Maroun al Ras au Sud-Liban, ce que l’occupant sioniste de la Palestine a vu a convaincu de nombreux Israéliens que la résistance arabe et palestinienne, toujours en gestation, se transformera en lame de fond gigantesque et surtout pacifique, de sorte qu’aucun arsenal d’armes ni régime d’apartheid ne pourra assurer un avenir sioniste en Palestine. Ils ont raison de chercher d’autres endroits pour élever leurs familles. »

 






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