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Paul Berliet, un homme de légende et un patron de combat

par André Gerin

Septembre 1963. André Gerin a 17 ans et fait son entrée à l’usine Berliet de Vénissieux comme ouvrier, affecté aux boîtes à rotule. Il quittera l’entreprise en mai 1984, avec le grade de dessinateur industriel, acquis grâce aux cours du soir.

C’est dire si l’ancien maire de Vénissieux et député de la 14e circonscription a connu “la boîte” de l’intérieur. Berliet, le monde du poids lourd, et ses combats syndicats et politiques, puisqu’il avait pris sa première carte à la CGT alors qu’il était encore stagiaire, et qu’il a rejoint le Parti communiste quelques mois plus tard. André Gerin n’a pourtant rencontré “Monsieur Paul” que plus tard, alors qu’il était devenu maire de Vénissieux, en relation avec l’architecte et aménageur public René Bornarel et le “projet Cuba”. Il réagit à la disparition de celui qu’il qualifie d’ “homme de légende et de patron de combat”.

Il faut rappeler toutefois que la famille Berliet, à l’instar de celle de Louis Renault, a été rattrapée par l’histoire pour cause de collaboration économique avec l’Allemagne nazie. Paul Berliet sera donc condamné et effectuera 44 mois de prison. Au début des années 1950, les usines Berliet qui avaient été mises sous séquestre, seront restituées à la famille, souligne André Gerin.

Lorsque j’évoque l’homme de légende, je veux parler du capitaine d’industrie, appartenant à cette bourgeoisie lyonnaise industrieuse qui ne faisait pas de l’argent en dormant ou en spéculant.

C’était un patron de combat car les usines Berliet de Vénissieux étaient devenues “le Billancourt de Rhône-Alpes”, lieu où les luttes sociales, syndicales et politiques avant-gardistes étaient corollaires à la Résistance et aux trois années sous gestion ouvrière de 1944 à 1947. L’affrontement social et politique était rude et permanent, et la CGT et les communistes y ont joué un rôle imminent.

Le nom Berliet porte une anagramme originale, comme un message, qui se décrypte en mot : “Liberté”, utilisé sur le fronton de l’entreprise à la Libération et lors du grand mouvement de mai-juin 1968.

Au-delà des faits historiques, tous les salariés, quels qu’ils soient, sont fiers d’avoir travaillé aux usines Berliet : Berliet à la pointe des luttes ; Berliet constructeur de camion, de car et de bus ; Berliet à la pointe de l’audace et de l’innovation technologique. Tout cela a participé au renom de la France au niveau international : l’Afrique, la Chine, Cuba, l’Algérie avec le plus gros camion jamais construit, le “100 tonnes” destiné au Sahara.

Aujourd’hui encore, 50 ans plus tard, les camions GLR construits dans les années 1960, roulent toujours en Algérie, au Sénégal et ailleurs.

Avec Paul Berliet, c’est toute une culture industrielle qui disparaît, méprisée par “l’ENArchie” et la technocratie.

La réalité est là, bien douloureuse, et montre à quel point nos dirigeants politiques, depuis Giscard d’Estaing, ont laissé tomber l’industrie française, celle du poids lourd en particulier.

Ce sont 30 années de ce que je nomme “le pétainisme industriel” qui laisse la place à la dictature de la finance et tue les métiers, les savoir-faire, la culture industrielle et ouvrière.

Il faut se rappeler aussi que l’usine Berliet est née à Lyon-Monplaisir avec le moteur inventé par Marius Berliet, et c’est à Vénissieux en 1920 qu’ont été installées les premières chaînes de montage longues de 700 mètres et inspirées du fordisme américain.

Avec Paul Berliet, c’est toute l’histoire de l’industrie automobile française qui a été marquée au cours du XXe siècle. Lyon et Vénissieux étaient aux premières loges.

 






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4 Commentaires

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  • #202319
    Le 12 août 2012 à 20:05 par MABITOKU
    Paul Berliet, un homme de légende et un patron de combat

    On peut lire, si on les trouve encore, "Marius Berliet l’inflexible" de Saint-Loup... mais aussi du même auteur "Renault de Billancourt" (et son assassinat à la fin)... ou "10 millions de Coccinelles" sur Ferdinand Porsche et sa VW.

     

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  • #202368
    Le 12 août 2012 à 21:35 par vapincum
    Paul Berliet, un homme de légende et un patron de combat

    Précisons que Paul Berliet était issu d’une famille membre de la "Petite Eglise", catholiques traditionalistes qui refusèrent le Concordat de Napoléon, car soumettant l’Eglise à l’Etat. En Vendée, cette Petite Eglise rassembla des royalistes qui refusaient les changements politiques et religieux nés de la révolution. Dans le Lyonnais (Rhône et Loire), cette Petite Eglise prit un visage très janséniste et gallican. C’est là le paradoxe : le concordat créait une Eglise d’Etat (avec clergé rémunéré par l’Empire français) dans la pure tradition gallicane, et ses plus farouches opposants furent souvent des ... gallicans.

     

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    • #202486
      Le Août 2012 à 01:03 par milena
      Paul Berliet, un homme de légende et un patron de combat

      Merci pour cet article, je pense que mon oncle Jean PROST décédé il y un an aurait été heureux de lire cet article que je fais cependant passer à sa veuve et à mes cousins, il a été longtemps PDG d’une socété de transit pour le compte de son ami Paul BERLIET : La Cittex à Marseille et je me souviens avoir vu les énormes camions Berliet destinés au Sahara, des monstres ! dans les hangars de la Cittex, ceci avant que l’Algérie ne devienne indépendante. Quant à Marius, il était, lui un ami de notre grand-père Léon PROST qui travaillait aussi avec lui à Vénissieux.
      Pour la petite histoire : Paul BERLIET était le cavalier de ma mère au mariage de mon oncle à Marseille en octobre 1956.

       
  • #202487
    Le 13 août 2012 à 01:07 par leflair
    Paul Berliet, un homme de légende et un patron de combat

    Ah c’est lui les camions berliet ! c’est un vrai plaisir de connaitre un visage et un personnage du nom de ces solides camions qui roulent encore en parfait état ici au Maroc c’est les trois mètres cubes à la benne qui résistent encore à toute endurance ; et quel moteur !une mono- pièce infatigable . Je m’interrogeais toujours qu’est ce qui a fait tenir ces moteurs et camions berliet aussi longtemps (depuis les années ’60 jusqu’en 2012 et encore en fonction comme à l’origine ? le sérieux et la rigueur de la France du passé ! Quels hommes solides aussi bien dans leur production industrielle .

     

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