Egalité et Réconciliation
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Quand il ne joue pas les marchands de tapis, Sarkozy met la poussière dessous

Le président a beau dire qu’il n’admet pas qu’on « mette la poussière sous le tapis », selon sa nouvelle expression favorite, il est le premier à la faire. La preuve par les retraites, la précarité, l’Outre-mer…

Il y a quelques jours, lors d’un déplacement de campagne dans la région Centre, Nicolas Sarkozy avait usé de l’une de ses expressions favorites : « mettre la poussière sous le tapis ». La langue de bois n’est pas chose nouvelle en politique. Mais chez Nicolas Sarkozy, elle prend un ton si péremptoire et sans appel qu’elle en devient fascinante. Le Monarque adore répéter qu’il affronte les problèmes du pays. Cette semaine justement, le monarque a « caché sous le tapis » nombre de sujets du moment. Retraites, insécurité ou précarité, le gouvernement Sarkozy évite les sujets. Il lutte comme il peut pour imposer « son » agenda, électoral avant tout. Il préfère parler dépendance, plutôt que de se dévoiler sur les retraites ; il organise un débat sur la violence à l’école plutôt que d’assumer la réduction des postes dans la Fonction Publique. Il demande un recensement des situations de chômeurs en fin de droits, plutôt que de proposer.

« Rien ne me fera reculer ni arrêter parce que ça fait trop longtemps qu’on met la poussière sous le tapis » Nicolas Sarkozy

Les paradis fiscaux ? Sous le tapis !

Rappelez-vous. Il y a près d’un an. Nicolas Sarkozy sortait triomphant d’un sommet du G20. Les paradis fiscaux ont disparu. On l’a dit et répété. Les paradis fiscaux ont simplement changé de nom. Mardi dernier, la France a publié sa fameuse liste des pays qu’elle considère comme étant des paradis fiscaux. Toute entreprise qui travaillerait dans ces pays verrait certaines de ses activités taxées plus lourdement et ses obligations renforcées. Et bien, selon les services d’Eric Woerth, le monde ne compte plus que 18 paradis fiscaux ! Le président de Transparency International France, Daniel Lebègue, qui, ancien Directeur du Trésor et ancien vice-président de BNP, est loin d’être un doux rêveur altermondialiste, s’en est inquiété de cette publication, la jugeant contre-productive, démobilisante, et accommodante. La Sarkofrance a exclu des pays comme la Suisse, Andorre, Monaco ou Singapour sans attendre de vérifier que les accords de transparence fiscale, parfois même pas ratifiés, sont effectifs.

Vendredi, Nicolas Sarkozy recevait le patron de la Banque Mondiale, l’occasion d’un communiqué pompeux sur « les priorités du G20, le rôle de la Banque mondiale pour soutenir les pays en développement ainsi que la réforme de la gouvernance économique mondiale. » L’Europe découvre que la Grèce se serait fait aider par la banque Goldman Sachs pour masquer son endettement par des montages scabreux, et éviter la critique internationale. Angela Merkel s’est indignée. Christine Lagarde s’interroge. Tous savent mais ne disent rien. Plus un Etat est endetté, plus il demande des conseils imaginatifs d’ingéniérie financière pour stabiliser sa crédibilité d’emprunteur sur les marchés boursiers. La dette publique française franchira les 1 500 milliards d’euros d’ici quelques mois. La Grèce n’est pas seule à maquiller sa dette, expliquait le Monde.

Cette semaine, le gouvernement publiait une publicité contestable en faveur du Grand Emprunt. Le Parlement étudie le dossier. Sarkozy veut convaincre que cet emprunt sera rentable. La manipulation de l’opinion n’a pas de limite.

L’Outre-Mer ? Sous le tapis !

Nicolas Sarkozy s’est échappé deux jours de l’autre côté de l’Atlantique, trois visites d’une poignée d’heures en Haïti, Martinique puis Guyane, avant de revenir à Paris. On comprend qu’il besoin d’une baignoire de relaxation dans son Airbus présidentiel. Il faut se préserver. Sarkozy accumule les miles comme un président en campagne pour sa réélection. En Haïti, son homologue ne voulait pas parler du passé colonial. Le protocole fut maladroit, tant le pays est dévasté. René Préval n’avait pas l’esprit à ça : « nous pleurons nos morts ». Nicolas Sarkozy a quand même joué sur la corde de la repentance. Son discours express sur place louait le passé commun entre la France et Haïti. Cette posture compassionnelle et historique sied bien à Nicolas Sarkozy : elle permet de rappeler très opportunément les liens particuliers qui lient les deux pays, à un moment où la France s’est faite marginalisée sur place dans la gestion de l’aide internationale : les Etats-Unis ont pris le contrôle des opérations de sauvetage, le premier ministre canadien a grillé Sarkozy de 24 heures en visitant Port-au-Prince dès lundi, le Canada a proposé la construction d’un site administratif provisoire, une idée que Sarkozy voulait reprendre à son compte. Le Monarque français s’est donc contenté de promettre 326 millions d’euros d’aide « exceptionnelle ». En fait, cette enveloppe intègre les 20 millions d’aide annuelle, 56 millions d’annulation de dette (qui pourrait croire qu’Haïti pourra rembourser ?), 24 millions d’euros d’aide d’urgence déjà délobée, 65 millions d’euros de contribution française à l’aide européenne, et 100 millions d’aides complémentaires pour les années 2011 et 2012. Nicolas Sarkozy ne voulait pas attendre la prochaine rencontre internationale sur Haïti le 31 mars. Le narcissisme sarkozyen a encore frappé. Sarkozy ne peut s’empêcher, quel que soit le sujet, de tirer la couverture à lui.

Ce voyage « historique » a été occulté par la grosse bourde de Marie-Luce Penchard. La ministre de l’Outre Mer, tête de liste UMP en Guadeloupe pour les élections régionales, a expliqué dans un meeting public le week-end dernier que ça lui « ferait mal de voir cette manne financière quitter la Guadeloupe », en parlant des subventions accordées aux territoires ultra-marins. La Guadeloupe plutôt que la Martinique, la Guyane ou la Réunion. Même à l’UMP, ce cri du cœur clientéliste d’un membre du gouvernement fait grincer des dents. « Il faut la virer » a demandé l’ineffable Patrick Balkany. Le cumul des mandats induit cette schizophrénie électorale. La confusion des genres est manifeste. Nicolas Sarkozy évite le sujet. Il pense à ses élections.

Les retraites ? Sous le tapis !

A Paris, il a laissé Nora Bera, sa secrétaire « aux Ainés » caresser l’électorat senior dans le sens du poil. Mme Bera devait parler de la dépendance des personnes âgées. Après tout, c’est un peu son « job ». Elle a donc présenté jeudi une mission de réflexion intitulée « Vivre chez soi », jeudi 18 février, avec ateliers, tables rondes, et experts. Le gouvernement de Sarkofrance ne travaille pas, il communique. Lundi, Nicolas Sarkozy tenait un « sommet social » avec les organisations syndicales. Qu’a-t-on appris ? Rien. Sur les retraites, Sarko temporise. Il glisse tranquillement le sujet sous le tapis, promet 5 mois de débat, et reporte à septembre l’adoption d’une éventuelle loi. Il eût été difficile, pour lui, d’annoncer ce qu’il comptait faire sur ce sujet anxiogène à souhait. Depuis des mois, différents responsables de l’UMP et du gouvernement ont pourtant dévoilé les pistes de travail : repousser l’âge légal de départ à la retraite, augmenter la durée de cotisation, aligner encore davantage les régimes publics sur le privé, bloquer le niveau de cotisations. Ils agitaient l’âge de 60 ans comme un chiffon rouge pour piéger la gauche et les syndicats. La tartufferie est évidente : il faut déjà attendre 65 ans pour partir à la retraite à taux plein. Depuis lundi, chacun a mis en sourdine ces idées libérales. Place à la discussion … ou à l’hypocrisie ? Même la prise en compte de la pénibilité devra se négocier, comme l’a annoncé Nicolas Sarkozy. Bizarrement, il n’y a eut aucune négociation du bouclier fiscal. Pas un mot non plus sur l’éventuelle taxation des revenus financiers, ni sur les 146 milliards d’euros de niches fiscales. La fiscalité, qu’elle finance l’Etat ou les régimes sociaux, est dans l’impasse. L’exigence de solidarité meurt à feu doux.

La précarité ? Sous le tapis !

Sur les chômeurs en fin de droits, Sarko est mutique : « C’est par le travail que l’on ... se ... réinsère... dans... la société. » Là aussi, Sarkozy temporise. Il demande un diagnostic. Son secrétaire d’Etat à l’Emploi relaye le message mercredi sur France Inter. Laurent Wauquiez est devenu l’un des croisés les plus fayots de la langue de bois sarkozyenne. Pour ces futurs précaires déchus de l’emploi et de l’assurance chômage, on ne créera d’allocation spécifique pour eux (« on ne peut pas lutter contre l’exclusion par l’assistance uniquement »), mais on les enverra en formation.

Jeudi, Hervé Novelli, le ministre du Commerce et candidat dans la région Centre, applaudissait l’adoption par l’Assemblée d’un nouveau statut de l’entrepreneur individuel. Ce statut n’empêchera pas les banques d’exiger des cautions personnelles aux futurs entrepreneurs individuels... Mais Novelli est content. Surtout, on pouvait oublier, l’espace d’un jour, que les défaillances d’entreprises ont augmenté de +23% en janvier par rapport à décembre. Quand TOTAL annonce des licenciements, Christian Estrosi devient tout rouge … une fois de plus. Les situations se répètent. La politique industrielle de Sarkofrance se résume à des convocations de PDG à chaque annonce de plan social. Quelle maîtrise !

L’insécurité ? Sous le tapis !

Le gouvernement s’est fait déborder de faits divers d’agression violente dans des établissements scolaires. Un meurtre d’élève en janvier, des coups, blessures et passages à tabacs ensuite. Les efforts de Brice Hortefeux pour montrer qu’il s’est saisi du sujet sont tombés à plat. LOPPSI II, son gros « machin » législatif fourre-tout apparaît comme une fuite en avant. En janvier, on entendait Nicolas Sarkozy et Frédéric Lefebvre menacer la gauche d’assumer ses réticences contre le déploiement de la videosurveillance, l’un des chapitres de LOPPSI II. Patatras ! Les trois lycées victimes d’agression en février étaient tous équipés. L’école manque d’encadrement, la police perd des effectifs. Le parlement et les administrations sont engorgés par une boulimie législative et réglementaire. Mais chut ! Il ne faut pas le répéter. Le gouvernement agit, puisqu’il fait voter des lois ! Luc Chatel a proposé des Etats Généraux sur la violence scolaire. Il paraît qu’il faut faire un « diagnostic ». Retraites, endettement, précarité, insécurité, ... les sujets « cachés sous le tapis » de Sarkofrance ne manquent pas.