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"Tweets antisémites" : Twitter condamné à révéler l’identité de ses abonnés

La vague de tweets antisémites qui a sévi en octobre dernier sur Twitter a conduit plusieurs associations de lutte contre le racisme et l’antisémitisme à saisir la justice en référé pour tenter d’obtenir la condamnation du réseau social à leur communiquer les informations permettant d’identifier les abonnés auteurs des messages litigieux.

Les sociétés Twitter Inc. et Twitter France ont ainsi été assignées devant le Président du Tribunal de grande instance de Paris, notamment au visa des dispositions de la loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004 ("LCEN") et de son décret d’application du 25 février 2011, qui font obligation aux prestataires techniques de conserver les données « de nature à permettre l’identification de quiconque a contribué à la création du contenu ou de l’un des contenus des services dont [ils] sont prestataires ».

Les sociétés Twitter contestaient être soumises aux dispositions françaises, dès lors que l’obligation de conservation des données est soumise aux conditions posées par la loi Informatique & Libertés du 6 janvier 1978, laquelle ne s’applique qu’aux traitements de données à caractère personnel situés sur le territoire français. Or, selon Twitter, aucun traitement de données n’a lieu en France et les données en question, dont la communication était demandée, sont conservées en vertu du droit californien.

Le Président du Tribunal de grande instance a suivi Twitter dans son argumentation et a considéré qu’il n’était pas établi avec suffisamment d’évidence en référé que le réseau social était soumis aux obligations prévues par la LCEN. Toutefois, cela ne l’a pas conduit à débouter les associations demanderesses de leurs prétentions.

En effet, l’article 145 du Code de procédure civile prévoit la possibilité pour une partie de demander des « mesures d’instructions légalement admissibles (…) s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige ».

Ce texte général a permis, en l’espèce, d’aboutir à la condamnation de Twitter, le juge ayant considéré qu’il existait un motif légitime d’obtenir la communication des données d’identification des auteurs des messages litigieux. Belle victoire, donc, pour les associations demanderesses, mais ce type de décision se heurte souvent à une difficulté pratique de taille : comment contraindre une société étrangère à respecter une injonction judiciaire française ? Même si, comme en l’espèce, l’injonction est assortie d’une astreinte (1.000 euros par jour de retard), une décision ne possède de force exécutoire que sur le territoire national et son exécution à l’étranger suppose, en principe, le recours à la procédure d’exéquatur. Il conviendra donc de vérifier si Twitter défère à l’injonction de manière spontanée ou non.

Autre versant de l’affaire, le juge a condamné Twitter à mettre en place, sur le réseau social, un « dispositif facilement accessible et visible permettant à toute personne de porter à sa connaissance des contenus illicites tombant notamment sous le coup [sic] de l’apologie des crimes contre l’humanité et de l’incitation à la haine raciale ».

Le procédé rappelle les mécanismes déjà mis en place par des sites comme eBay (pour signaler les annonces de vente portant sur des produits contrefaisants) ou même par Facebook (pour signaler tout contenu illicite).

Il est intéressant de noter qu’une telle injonction ne paraît pas entrer dans les pouvoirs du juge des référés, qui, par principe, ne peut ordonner que des mesures provisoires ou conservatoires. En l’espèce, les effets de cette injonction ne sont pas limités dans le temps.

Twitter, pour sa part, indiquait que ce dispositif existait déjà sur le réseau social. Cependant, il n’était pas encore disponible en français au moment des plaidoiries. Gageons que la société américaine remédiera rapidement à cet écueil.

Elle devra alors opérer une sélection drastique entre les signalements fondés et les dénonciations abusives, étant précisé que la LCEN prévoit que le fait, pour toute personne, de présenter [aux prestataires techniques] un contenu ou une activité comme étant illicite dans le but d’en obtenir le retrait ou d’en faire cesser la diffusion, alors qu’elle sait cette information inexacte, est puni d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 EUR d’amende.

 

Approfondir le sujet avec Kontre Kulture :

 






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