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1996, débat TV sur l’Europe : Chevènement & Garaud face à Veil & Attali

« L’Europe est le bouc émissaire », avance Simone Veil dans ce débat de haute volée sur l’Europe, la monnaie unique et la souveraineté nationale. Il faut dire que les participants ont du poids, à la fois politique et historique : Marie-France Garaud, conseillère de deux présidents de la République (Pompidou et Chirac), Jean-Pierre Chevènement, le socialiste qui virera souverainiste de gauche, Simone Veil, auréolée de son titre de présidente du Parlement européen, et enfin Jacques Attali, ex-conseiller d’un François Mitterrand qui mourra cette année-là, le 8 janvier 1996, après une très longue maladie [1].

 

 

« J’entends dire depuis des années que les problèmes français seront réglés par l’Europe », répond Marie-France Garaud, avec son bon sens et sa lucidité habituels. Face à ces arguments tranchants, Simone Veil n’oppose qu’une ironie méprisante. Jacques Attali vole au secours de la grande dame (panthéonisée en 2017) en louvoyant (à 5’26). Selon lui, on ne peut incriminer le traité de Maastricht car il n’est pas encore appliqué (le vote date de 1992) :

« Lorsqu’il le sera, il est évident qu’il y aura une très forte croissance qui en découlera car nous aurons un grand espace économique avec une monnaie unique »

On sait ce qu’il adviendra de la croissance européenne, réduite à la peau de chagrin après l’avènement de l’euro (2002). Chevènement a raison de clouer la mère de l’Europe (et de l’avortement) au pilori en expliquant que la déflation allemande (une politique de rigueur) toucherait la France de plein fouet. Où l’on comprend que l’Union européenne et son grand marché auront servi d’acide pour diluer les souverainetés européennes, et principalement française, celle qui pouvait faire obstacle à la marche du mondialisme économico-politique germano-américain.

Une émission hautement symbolique, chargée de sens et de menaces. Déjà, Attali parlait du poids écrasant de la « dette », comme une corde au cou des Français, sans préciser qui tirait dessus... Chacun sait désormais le changement de paradigme qui a eu lieu en 1973, avec la loi Pompidou-Rothschild. Tout le mensonge de l’Europe comme « solution » aux problèmes français nous saute au visage. Et ceux qui la défendent apparaissent, avec le décalage de 20 ans, comme des menteurs invétérés ou des optimistes béats, autrement dit des imbéciles heureux. Or qui va croire que Simone Veil et Jacques Attali sont des imbéciles, heureux ou pas ?

Par exemple, l’argument de Veil (à 6’11) que la France est devenue « une puissance industrielle incontestable » grâce à la pression du traité de Rome (1957) se retourne contre elle : c’est bien le traité de Maastricht (1992) qui va achever la désindustrialisation de la France. L’intervention de Chevènement (à 6’44) est d’une acuité étonnante pour l’époque :

« Est-ce que le Général de Gaulle aurait accepté une Europe qui se fait comme aujourd’hui sur le modèle allemand, avec une Banque centrale européenne... Est-ce qu’il ne s’agit pas de faire une monnaie unique aussi forte que le Mark ? »

« Mais non, mais non, mais non », ne trouve qu’à répondre Simone Veil. L’intervention d’Attali est spectaculaire dans le genre inversion accusatoire, paradoxe tordu ou construction amphigourique (à 7’09) :

« La question est la suivante, soit nous aurons une Europe allemande parce que nous n’aurons pas de monnaie unique et la monnaie unique sera le Mark, et la France deviendra irréversiblement une colonie allemande, soit nous faisons une monnaie unique et nous aurons à ce moment-là une monaie qui ne sera pas le Mark... »

À la lumière des événements qui se dérouleront 20 ans après ce débat, se dessinent deux esprits éclairants face à deux esprits obscurcissants. Ainsi, Chevènement assène-t-il aux deux embrouilleurs (à 11’16) :

« La construction européenne qui a été imaginée enchaîne la France à un modèle qui n’est pas du tout celui d’une Europe européenne car l’Allemagne, pour toutes sortes de raisons, économiques, militaires, historiques, est tournée vers les États-Unis ; autrement dit on fait de l’Europe la succursale des États-Unis et on le fait de manière d’autant plus irréversible qu’on asservit la France à un modèle allemand qui est celui d’une Banque centrale indépendante qui ne laisse place à la politique que comme à une sorte d’indice technique... »

Et dans l’intervention de Chevènement, il y a tout le destin funeste de la gauche socialiste qui trahira son peuple (de gauche) pour une Europe économiquement conservatrice, c’est-à-dire libérale. Un grand moment d’intelligence et de contre-intelligence. Toutes les prévisions et promesses de Veil mais surtout d’Attali se sont depuis fracassées sur le mur du réel. Vu de 2017, un double discours embobineur, qui vendra à une France naïve des lendemains européens qui chantent. Les lendemains qui chantent, nous y sommes, avec un chômage massif, une invasion migratoire voulue par l’UE, et les mêmes continuent à nous infliger des directives au présent pour un futur « meilleur »...

 

 

Le mot remarquable à Jacques Attali, qui fera sursauter Marie-France Garaud : la défense est « une dépense de prestige ». Dans cette expression éclate le désir d’extinction de la souveraineté française, puisque c’est la seule qui nous reste 20 ans plus tard... Garaud renverra (à 19’02) la balle dans ce double mixte à Veil avec un terrible :

« Il y a un projet allemand parfaitement cohérent, parfaitement légitime pour l’Allemagne, et nous endossons ce projet en faisant une sorte de Terre promise de l’union monétaire, de la monnaie unique et autres qui nous fait avaler les plaies actuelles, car bien entendu ce sont des plaies ! »

L’Union européenne, sous l’impulsion de ses promoteurs intéressés, aura donc bien servi à dissoudre la France, sous prétexte de la sauver.

 

Le débat, animé par Michèle Cotta :

 

Notes

[1] Jacques Attali n’y est évidemment pour rien.

Pour comprendre quand et comment la finance a soumis les États-nations,
lire sur Kontre Kulture

 

L’esprit tranchant de Marie-France Garaud, sur E&R :

 






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