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Consignes floues, manque de matériel de protection : les policiers de terrain inquiets

Plusieurs sources policières contactées par RT France dans les milieux syndicaux et associatifs évoquent une inquiétude grandissante au sein des forces de sécurité, concernant la santé des agents et les modalités de contrôle de confinement. Enquête.

 

« J’ai appelé un ami tout à l’heure qui travaille dans un grand commissariat parisien, je le subodorais mais là c’est confirmé : ils n’ont rien, ni masque, ni gel, ni gants que dalle ! », explique Jean-Pierre Colombies, l’ancien commandant de police et porte-parole de l’association de policiers en colère UPNI, joint par téléphone par RT France, ce 17 mars.

Les signaux d’inquiétude se suivent et se ressemblent dans les rangs des forces de l’ordre depuis le 4 mars, lorsqu’une réunion syndicale extraordinaire (un CHSCT) a été organisée au ministère de l’Intérieur pour évoquer le sujet de la protection des agents confrontés, souvent aussi directement que les soignants, au Covid-19.

Contacté par RT France à la sortie de CHSCT, un délégué national d’Unsa-Police avait déjà fait part de toute sa « frustration » vis-à-vis de l’administration : « Nous portions une demande minimale, qui était la dotation généralisée et individuelle de masques et de gel hydroalcoolique pour nos agents. Le point a été discuté pendant plus d’une heure et demi, tout cela pour nous voir opposer une fin de non-recevoir. Pour le reste, nous n’avons obtenu que des demi-réponses. »

Au lendemain des annonces successives du président de la République, puis du ministre de l’Intérieur concernant les nouvelles mesures de confinement sur le territoire français, le gouvernement a annoncé, le 16 mars, que pour chaque déplacement, les Français devraient désormais présenter un « document attestant sur l’honneur le motif » du déplacement.

Christophe Castaner a précisé que des contrôles seraient mis en place avec une amende forfaitaire de 38 euros en cas de constatation de non-respect de ces règles. Le ministre a aussi annoncé le déploiement de 100 000 policiers et gendarmes sur l’ensemble du territoire à cet effet.

 

 

Les policiers avaient pourtant prévenu en amont

Mais du côté des forces de sécurité intérieure qui sont justement censées faire appliquer ces décisions, une forme de désarroi se fait jour : les associatifs et certains syndicats font part de leur sentiment de crainte pour les agents. L’association Uniformes en danger avait notamment alerté RT France, le 13 mars : « Pas de matériel de protection pour nos forces de l’ordre, pas de gel, pas de gants, pas de masque, on a la rage ! », prévenait ainsi un porte-parole de l’organisation, faisant déjà écho aux propos tenus une dizaine de jours plus tôt par Unsa-Police.

Puis, le lendemain, 14 mars, une source syndicale policière faisait part à RT France d’un message reçu par un de ses collègues : « BRF : 4 cas avérés en journée, 2 en nuit et une trentaine de suspicions. » La BRF (brigade des réseaux franciliens) qui est géographiquement située en plein Paris a ensuite été totalement fermée et la préfecture de police a confirmé dans un communiqué le même jour que les 400 agents du site avaient été confinés en raison de l’épidémie de Covid-19.

 

 

Le 16 mars, une trentaine de policiers et huit gendarmes étaient testés positifs au Covid-19 et des centaines de fonctionnaires étaient confinés, pour la plupart à titre prophylactique : 600 policiers et 350 gendarmes, selon Franceinfo. Selon une source policière, la situation serait très compliquée dans un hôtel réservé aux CRS en Île-de-France où un étage entier a été destiné au confinement des agents positifs ou suspectés de l’être.

Le même 16 mars, un peu plus tard dans la soirée, Xavier Depecker, secrétaire national de la branche police scientifique du syndicat SNIPAT, expliquait à RT France que l’organisation s’inquiétait pour ses adhérents qui selon les dernières recommandations de la direction centrale de la sécurité publique devait continuer à effectuer les « signalisations papillaires et génétiques avec port obligatoire des moyens de protection (masque, gants). »

Cette recommandation apparaît effectivement en toutes lettres dans un télégramme des services de Jean-Marie Salanova (le directeur central de la sécurité publique), qui dirigent l’ensemble des commissariats du territoire. L’objet de ce document auquel RT France a eu accès mentionne : « Covid-19 continuité du service » et il informe les agents des dispositions prises eu égard à leurs fonctions dans le cadre du déclenchement du niveau trois.

Les commissariats importants et autres hôtels de police de province restent ouverts au public 24h/24, les plus petits devaient fermer à compter du 17 mars, selon ce même document. Mais un policier militant associatif du Collectif autonome des policiers d’Île-de-France (CAP-IDF), précise ce même jour que « de toute façon, ils les ont presque tous bouclés ceux-là, depuis plusieurs années, surtout depuis la vague d’attentats. »

De même, ce policier de terrain s’inquiète grandement du manque de matériel pour les agents, qui vont être déployés sur le terrain dès ce 17 mars pour réaliser des contrôles du confinement et éventuellement verbaliser : « Nous n’avons aucune idée de comment ça va être mis en place ce dispositif et nous n’en savons pas plus pour les points de contrôle. Comme tout le monde, nous avons vu le discours de Castaner à la télévision, mais à part ça, nous n’avons rien en termes de consignes et de protection. »

Même son de cloche au syndicat de l’Union des officiers, rattaché à Unsa-Police, qui a émis un communiqué ce 17 mars déplorant un « casse-tête chinois » : « Le 16 mars 2020 vers 20h, les policiers ont appris en même temps que la population les mesures qui se mettraient immédiatement en place et qu’ils seraient chargés de surveiller. Au lendemain de ces annonces, le casse-tête reste insoluble : comment appliquer des mesures sans consignes particulières, sans matériel de protection (masques et gel hydroalcoolique en quantités suffisantes), sans disposer partout des carnets ou procès-verbaux électroniques permettant de sanctionner ? »

 

« Castaner a annoncé un million de masques mais ça va partir très vite ! »

Le policier associatif du CAP-IDF explique aussi : « Cela va vite s’avérer compliqué de réaliser des contrôles dans ces conditions, on ne doit pas s’approcher de moins d’un mètre mais est-ce-qu’on a les masques et les gants ? Non ! Ceux dont nous disposons vont être très vite périmés, parce qu’il faudrait au moins deux masques par agent et par jour pour bien faire et une paire de gant pour chaque contrôle, normalement, ce type de matériel est utilisé en cas de force majeure et, à raison de trois ou quatre fonctionnaires par voiture nous n’en avons même pas assez par agent dans chaque véhicule, il faut le savoir. »

Par ailleurs, précise cette même source : « Je rappelle que, si nous pouvons tomber malades nous pouvons aussi être vecteurs de l’épidémie. Surtout qu’avec des masques et des gants usagés, nous utiliserons finalement du matériel inopérant. »

Concernant un autre télégramme destiné aux policiers auquel RT France a eu accès, envoyé le 16 mars par le préfet de police de Paris, Didier Lallement, le policier militant fait également part de son étonnement sur les mesures prévues pour les enfants des fonctionnaires mobilisés : « Lallement nous dit en substance "venez bosser, on s’occupe du reste" et effectivement, nos enfants vont être placés dans des écoles spécialement ouvertes pour eux et les enfants d’hospitaliers qui n’auraient pas d’autre choix de garde. Mais cette facilité qui nous est accordée, qu’on ne se trompe pas, c’est pour avoir du personnel disponible et ce faisant, on s’expose à plus de contaminations dans les familles de fonctionnaires avec toute cette promiscuité. Idem pour les réfectoires qui resteront ouverts pour les fonctionnaires, malgré les conditions sanitaires drastiques qui sont associées à cette démarche, selon le télégramme. »

Et de s’interroger : « Castaner a annoncé un million de masques livrés dans la semaine, ils sont où ? Pourquoi ils n’en ont pas commandés auparavant ? Et ont-ils prévu des stocks nécessaires ? Parce que, si on les utilise convenablement, ça va partir très vite ! »

 

Contrôles de confinement : les policiers de terrain en plein désarroi

Cette source de terrain semble surtout en difficulté lorsqu’on la questionne concrètement sur le contrôle de confinement par les forces de l’ordre : « L’autorisation de sortie, OK, mais comment vérifier la véracité des informations pour nous ? Que devons-nous faire avec les personnes contrôlées qui disent aller à la pharmacie ou voir un proche en difficulté ? Les suivre ? Nous allons effectuer des contrôles pour leur mettre la pression en fait, mais nous ne pourrons pas vérifier. Au début, les gens appliqueront les consignes, ils auront peur, mais petit à petit, confinés à la maison avec les enfants et le retour du beau temps, je crains que ça ne tienne pas... Et si nous avons des dizaines de contrevenants à contrôler, verbaliser, je ne vois pas du tout comment on va faire, surtout sans matériel de protection. Nous voyons bien les collègues des autres pays : ils sont tout équipés, ils ont des gants, des masques et nous ? Pour l’instant, nous n’avons rien ! »

Une autre source policière francilienne contactée par RT France souligne également : « Il y aura suffisamment d’effectifs pour contrôler dans les villes mais dans les campagnes, avec tous les départs des Parisiens en province, ça pourrait vite être compliqués. D’autant que ces personnes viennent d’un foyer épidémique. »

 

La « casse du service public » en cause ?

L’Union des policiers nationaux indépendants déplore pour sa part : « La France a minimisé ce qu’il se passait en Chine puis en Italie et maintenant, ils nous disent qu’on est en guerre, alors qu’Agnès Buzyn a lâché son ministère en pleine bataille. Les Français se montrent plus responsables que le gouvernement en réalité ! Cela aurait été à l’exécutif de faire le nécessaire, le pouvoir est mal placé pour donner des leçons à présent. Et ce sont aussi les fonctionnaires en première ligne, à l’hôpital et dans la rue, qui vont le payer. »

Le porte-parole de cette même association policière, Jean-Pierre Colombies qui a également été représentant syndical par le passé, conclut par téléphone auprès de RT France : « Ce sont ces mêmes libéraux extrémistes qui n’ont eu de cesse de casser le service public au moins depuis Sarkozy qui vont aujourd’hui vouloir passer pour les sauveteurs des fonctionnaires qu’ils ont appauvris en police comme à l’hôpital. Voilà le beau résultat de leurs politiques individualistes : ils se prennent la réalité de plein fouet et se permettent encore de venir jouer les pompiers pyromanes. Macron peut bien enfiler le costume poussiéreux du général de Gaulle à la télévision, ça ne changera rien. »

 

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37 Commentaires

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  • Ce qui m’exaspère c’est cette façon de mentir en disant que les masques ne sont pas utiles sauf pour les malades et les soignants alors que la vraie raison c’est qu’on en a pas assez. C’est une honte de mentir ainsi. Alors que dans tous les pays qui endiguent l’épidémie, toute la population porte systématiquement un masque. Nos responsables feraient mieux de dire la vérité, d’en approvisionner très vite pour tous et d’assumer leur faute en demandant faute de mieux et à cause leur insouciance de mettre des écharpes épaisses en attendant lorsqu’on sort. Ça appuiera là où ça fait mal mais tant pis. Des études montrent que des écharpes épaisses c’est moins bien que des masques mais mieux que rien. Et oui ça fait pays sous développé mais on en est là car ces gens ne prennent pas soin de nous alors que c’est l’un de leurs rôles. Après il faut les laver.

     

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  • Ça craquera de partout dans très peu de temps : avec le retour du beau temps, comment empêcher les gens, et en premier lieu les enfants, de sortir se dégourdir les pattes dehors ?

     

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  • #2410253

    Comme il est en partie mentionné dans cet interview , d’avoir des flics à trifouiller des centaines de cartes d’identités de pelés plus ou moins ( en général ... plus !!! ) crades , ou ces fameuses " attestations sur l’honneur ", est un excellent moyen de propager ce putain de virus ( patenté et breveté ... soit dit en passant ) , et si j’étais un virus , j’aimerai bien ces contrôles à la noix ...

    Tout comme interdire les marchés en plein air frais , tout en autorisant les ventes en supermarché confiné ... une autre belle connerie !!!

     

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  • #2410278

    Contrôles de confinement à la française, avec sa bite et son couteau ! Et en cas d’interpellation vous faîtes comment ? Sachant qu’il ne faut pas s’approcher à moins d’un mètre et ce, sans gant, ni masque ??! Vous n’avez pas voulu rejoindre les gilets jaunes, vous avez préféré tabasser et sanctionner mais ça va devenir plus compliqué...

     

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  • Qu’est ce qu’ils ne comprennent pas ?
    On leur demande comme d’habitude de malmener, de punir , et de cogner les pauvres gens , et de laisser tranquilles les délinquants.
    Bref..tout ce qu’ils adorent faire

    Cela dit c’est vrai , il faudrait pas non plus qu’ils reçoivent les postillons des pauvres types à qui ils foutent des coups de poings dans la gueule , faut pas déconner.

     

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  • Si le pouvoir ne veut pas leur donner des masques, qu’il leur donne au moins des solutions hydroalcooliques ....de l’eau avec du Ricard par exemple !!!....et les zombies seront bien gardés et confinés !!!..

     

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  • Ils n ont jamais manqué de grenades lacrymogenes ni balles de LBD... Par contre les masques....

     

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  • #2410913

    Bien vu l’aveugle : ça c’est de l’article ; ah, un bémol cependant, certains y verront la main de Moscou...

     

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  • Plusieurs scénarios sont possibles puisque nos dirigeants naviguent toujours à vue, ils ne savent pas grand’chose, ne prévoient rien...
    Mais l’un de ces scénarios devient de plus en plus probable : la disparition prochaine des forces de l’ordre dans les rues. Ils sont déjà débordés, en sous-effectif, et ils vont finir tous confinés à la maison ou dans les commissariats...
    Certains demeurés se demandent pourquoi les Américains vont acheter des armes à feu. Mais parce que la plupart d’entre eux savent (émeutes de Watts, panne d’électricité géante à NY, tsunami New orleans etc.) que le dénominateur commun à toute période de chaos est celui-ci : ZERO POLICE, avec un citoyen obligé d’assumer son quotidien, sa protection et celle de sa famille... en attendant que l’Etat soit capable de se réorganiser.

     

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  • #2411080

    Je suis fait arreter hier par deux gendarmes complement inconcient du danger de la transmission du virus .Il prennent les papiers et se croient proteger par les gants mais prennent tout les papier en main pour bien transmmettre le virus et mettent la tete dans les voitures .
    Ils devraient essayer le faire la mème chose avec de la peinture sur les gants et voir le résultat.
    les gendarmes tels que sont un vecteur de transmission pour eux et les gens controlées.

     

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