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La guerre du pétrole est lancée

Face à l’Empire, Poutine contre-attaque

Coup de tonnerre dans le monde de l’or noir !

Tout a commencé vendredi, lorsque l’entente qui régnait depuis trois ans entre l’OPEP [Organisation des pays producteurs de pétrole, NDLR] et la Russie a volé en éclats, Moscou s’opposant à une réduction de la production de pétrole pour enrayer la baisse des cours due au coronavirus. L’OPEP+ n’est plus et les délégués pétromonarchiques présents à la réunion en étaient abasourdis tandis que le cours du baril dégringolait de 10 %.

 

N’assiste-t-on qu’à une énième guéguerre de prix et de quotas ? Rien n’est moins sûr... Selon un bon connaisseur (ici, en anglais), Moscou a décidé de dire « Stop » et de lancer une contre-attaque générale contre l’Empire pour toutes les avanies subies récemment (blocage du Nord Stream II, sanctions, Syrie). En le punissant là où ça fait mal : le secteur financier et la dette.

Le schiste US vit au-dessus de ses moyens depuis des années et avait déjà eu très chaud au milieu de la dernière décennie. Dans un billet intitulé L’ours, l’aigle et le chameau, nous en décryptions les tenants et les aboutissants :

Ce n’est pas une fable de La Fontaine ni un western de Sergio Leone, mais ça y ressemble tant le jeu géopolitique entre les trois grands de l’or noir – Russie, États-Unis et Arabie Saoudite – comporte son lot de ruses, de grandes et petites manoeuvres et de coups de théâtre...

Acte I : en septembre 2014, le chameau et l’aigle, sans doute nostalgiques de leur tango afghan, semblent manigancer la chute du prix du baril. Le but : punir l’ours pour son soutien à Bachar (et accessoirement aux rebelles du Donbass). Le chameau ouvre les vannes, quelques petits aiglons poussent à la roue à Wall Street et le pétrole passe en quelques semaines de 110 dollars à 50 dollars.

L’ours, victime dans le même temps des sanctions occidentales, est un temps en difficulté mais bâille. La baisse du cours de l’or noir est plus que compensée par la baisse du rouble et Moscou engrange des recettes record dans sa monnaie. L’aigle l’a mauvaise et fourbit ses griffes pour un nouveau plan quand...

Acte II : le chameau tourne sa bosse à 180 degrés. Où l’on apprend que Riyad voulait autant sinon plus détruire l’industrie américaine du schiste que s’en prendre à la Russie. Les coûts de production dans le schiste étant bien plus élevés que dans le pétrole conventionnel, la chute des cours met les producteurs US au supplice. L’aigle a beau piailler devant cette traîtrise, les faits sont là : les investissements s’écroulent, la production commence à piquer du nez, et le schiste américain est dans une impasse.

Pire ! tout au long du printemps 2015, le chameau se rapproche de l’ours et lui fait des œillades appuyées : invitation à rejoindre l’OPEP, entente pour fixer le cours de l’or noir... Si Moscou lâche Bachar, les Seoud wahhabites sont prêts à devenir danseuses orientales. De rage, l’aigle en avale ses plumes qu’il n’a déjà plus très nombreuses devant la perspective de la fin du pétrodollar.

Acte III : le chameau est chamélisé. La danse du ventre saoudienne laisse l’ours de marbre, qui envoie ses Sukhois dans le ciel syrien bombarder les terroristes modérés qaédistes et daéchiques, chameaux à plume (ou aigles à bosse) nés de l’étrange union entre Occident et Golfe.

L’automne est le temps des récoltes et les cheikhs grassouillets constatent avec horreur le fruit de leurs semailles. La dégringolade du pétrole rattrape son promoteur qui voit ses recettes fondre comme neige au soleil du désert, au point d’inquiéter sérieusement le FMI ! Riyad est obligé de couper clair dans les dépenses (ce qui tombe mal au moment où les Seoud sont engagés dans les bourbiers yéménite et syrien) et, pour la première fois depuis bien longtemps, pousse l’OPEP à réduire enfin sa production.

Si le schiste américain a été sauvé à l’époque, c’est grâce aux énormes prêts des banques et aux obligations spéculatives lancées sur les marchés financiers. Selon plusieurs observateurs, dont Tom Luongo cité plus haut, le secteur ne résisterait pas à une seconde dégringolade des cours et c’est justement ce que Poutine aurait en tête. Le président d’un réputé think tank de Moscou le dit sans ambages :

« Le Kremlin a décidé de sacrifier l’OPEP+ pour stopper le schiste américain et punir les États-Unis pour leurs manigances sur le Nord Stream II. »

L’ours a bien préparé son coup et planifie peut-être la chose depuis longtemps (ah ! ces réserves de devises et cet or accumulés ces dernières années...). Le coût d’extraction est l’un des plus faibles du monde (environ 20 dollars par baril) et le budget russe est prêt à endurer plus qu’aucun autre pays producteur une tempête pétrolière.

 

Prix du baril requis pour un budget équilibré, par pays exportateur

 

Dans le viseur, le pétrole américain bien sûr, mais peut-être beaucoup plus... Il est par définition difficile de prévoir la réaction des marchés mais, au vu de l’imbrication des banques dans ce secteur, il n’est pas impossible que nous assistions à une monumentale crise financière affaiblissant durablement l’Empire.

Cerise sur le gâteau, ce krach interviendrait en pleine année d’élection aux États-Unis et le Donald, qui a dû beaucoup décevoir le Kremlin par son incapacité à résister au Deep State, n’y survivrait pas...

Les dommages collatéraux seront eux aussi légion. Alliés de Moscou (Iran, Venezuela) et rivaux seront durement touchés. L’Arabie saoudite, où les revenus pétroliers servent à alimenter des programmes sociaux et princiers pléthoriques, risque notamment de sentir la lame de l’épée tout prêt de sa nuque.

Mais, coup de théâtre supplémentaire dans cette affaire qui n’en manque pourtant pas, Riyad a crânement décidé de doubler la mise. Ruminant leur gambit perdu de 2014, les Saoudiens ont résolu d’ouvrir les vannes eux aussi, faisant chuter encore plus vertigineusement les cours de l’or noir. Résultat : les bourses s’écroulent, au Moyen-Orient et ailleurs, dans des proportions qui rappellent la crise de 2008. Si la tendance perdure, le schiste US ne survivra pas à ce double mouvement de faucille, entraînant probablement dans son effondrement une partie du système financier états-unien.

Coïncidence – et dans ce domaine, les coïncidences sont immédiatement suspectes -, une révolution de palais a eu lieu à Riyad au moment même où Moscou décidait de détruire l’OPEP+. Trois princes ont été arrêtés, dont le propre frère de MBS ainsi que son cousin, Mohammed ben Nayef, chouchou de la CIA. Ils sont accusés d’avoir « fomenté un coup dans le but de renverser le roi et le prince héritier ».

Si ce genre d’accusation prête généralement à sourire dans la région, la concomitance de ces arrestations avec les événements qui bouleversent le marché mondial du pétrole devrait cependant mettre la puce à l’oreille. Cornaqué par ses parrains américains, Nayef préparait-il un putsch pour empêcher MBS de faire s’écrouler les cours de l’or noir et de provoquer ainsi la débâcle financière de l’Empire ? MBS a-t-il voulu prendre les devants, anticipant une révolte généralisée dans le royaume des sables ? Beaucoup de questions et peu de réponses pour l’instant...

 

Poutine face à l’Empire, sur E&R :

 






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23 Commentaires

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  • #2404657
    Le 9 mars 2020 à 23:16 par tournesol
    La guerre du pétrole est lancée

    bachar, et pourquoi pas jean françois ou michel ?

     

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  • #2404664
    Le 9 mars 2020 à 23:28 par goy pride
    La guerre du pétrole est lancée

    Il n’y a pas de chameau dans la péninsule arabique à part peut être dans des zoos. Le chameau est un camélidés des steppes asiatiques, il a deux bosses...c’est le dromadaire à une bosse qui est présent et utilisé en Arabie.
    L’exactitude les enfants !

     

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  • #2404670
    Le 9 mars 2020 à 23:45 par Emmanuelle
    La guerre du pétrole est lancée

    Selon un bon connaisseur (ici, en anglais), Moscou a décidé de dire « Stop »



    La version française de l’article de Tom Luongo, et quelques commentaires succulents :

    https://reseauinternational.net/la-...

     

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  • #2404675
    Le 9 mars 2020 à 23:55 par yaya
    La guerre du pétrole est lancée

    L’effondrement du cours du pétrole est une très mauvaise nouvelle pour l’avenir de la voiture électrique - et hors de prix .

     

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  • #2404727
    Le 10 mars 2020 à 03:25 par Jérômeproudhon
    La guerre du pétrole est lancée

    Ou alors, l’ empire financier pousse la Russie a s’endetter ? Tu seras une marionnette mon petit ourson !!

     

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  • #2404748
    Le 10 mars 2020 à 07:12 par Syzygy
    La guerre du pétrole est lancée

    - Poutine et la Russie apportent une nouvelle fois la preuve que les sionistes (néocons=trotskystes=israël) sont des nullards lorsque le jeu devient subtil.
    - Poutine et la Russie prouvent qu’ils ont la mémoire longue, qu’ils sont vindicatifs et que tout doit se payer un jour.
    - Poutine et la Russie démontrent que les terroristes sionistes doivent être flagellés au knout pour stopper net leurs prétentions mondialistes utopiques.

    Il est donc clair, que la Russie (et d’autres) ont comme objectif principal de frapper le colosse à ses chevilles d’argile pétries de Pétro$.

     

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  • #2404834
    Le 10 mars 2020 à 10:54 par FRANCE LIBERTE
    La guerre du pétrole est lancée

    Si cela est vrai, POUTINE s’avare un bon stratège de porter l’estocade en ce moment ou l’économie, particulièrement occidentale est en piteux états et dans le rouge !
    Faut comme reconnaitre que la Russie en a assez supporter de nos conneries anti russes

     

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    • #2405403
      Le Mars 2020 à 01:24 par JP
      La guerre du pétrole est lancée

      Mais c’est vrai , n’en doutez pas . Peu l’avaient remarqué à l’époque , mais il y a 6 mois environ Poutine avait annoncé que la fin du dollar était proche. . . .
      Car il y a une conclusion logique , même si l’article n’ose pas la faire, c’est qu à la fin du film, l’Arabie Saoudite n’aura plus d’autre choix que de faire la paix avec Poutine et d’abandonner les USA et l’usage du dollar pour la vente de son pétrole.
      La seule question qui se pose , de mon point de vue , c’est de savoir si la Russie sera suffisamment robuste pour tenir le bras de fer contre l’Arabie Saoudite . À ce sujet , une information importante n’est pas dans l’article , car elle est trop récente : Tout juste hier , Poutine a déclaré que si le prix du baril se maintenait entre 25 à 30 dollars, la Russie pouvait tenir le coup pendant 6 à 10 années ..
      Ce n’est pas invraisemblable car la Russie a des réserves financières, elle est autosuffisante du point de vue alimentaire, et pour les produits manufacturés, elle est devenue relativement autonome par l’effet des sanctions américaines qu’elle a subi depuis plusieurs années..

       
  • #2404866
    Le 10 mars 2020 à 11:41 par Domino
    La guerre du pétrole est lancée

    On peut toujours observer avec ironie que les grands défenseurs du "marché" (et donc de sa loi implacable offre/demande) sont les premiers à vouloir manipuler ledit marché...
    Il faut croire que Poutine a choisi de laisser faire, ce qui équivaut à soulager l’économie mondiale par des prix du pétrole bas, au lieu de préserver les positions de quelques-uns...

     

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  • #2404943
    Le 10 mars 2020 à 13:29 par STS88
    La guerre du pétrole est lancée

    Question :
    Quelqu’un pourrait ici nous expliquer l’intérêt des US a faire baisser le prix du baril ? Si on se réfère à la carte de JP celle-ci nous indique plutôt de faire le contraire si ils veulent ruiner la Russie.

    Plus généralement quelqu’un pourrait nous expliquer l’impact sur les pays producteurs qu’engendre la hausse ou la baisse du pétrole ?
    Merci d’avance.
    Excellent article.

     

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  • #2404958
    Le 10 mars 2020 à 13:54 par JeanM
    La guerre du pétrole est lancée

    Merci pour cet article.
    En complément « comment le krach pétrolier est une menace pour les producteurs de schiste aux USA » : https://prixdubaril.com/news-petrol...

     

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    • #2405015
      Le Mars 2020 à 15:25 par Jérômeproudhon
      La guerre du pétrole est lancée

      Vrai, mais très bien pour le consommateur américain.

       
    • #2405037
      Le Mars 2020 à 15:59 par Toto
      La guerre du pétrole est lancée

      C’est Très bien pour les adversaires de Trump a l’approche des élections et pour les experts de la finance qui peuvent vendre leur dollars et pourrons racheter les memes produits financier moin chere ou changer de terrain de jeux.

       
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