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Du communisme au nationalisme : itinéraire d’un intellectuel français (Vénissieux - 2 mars 2007)

Il faut toujours commencer par le commencement… Je suis un déclassé, fils de notaire, né en province et monté à Paris en famille au début des années soixante. Mon père ayant fait de mauvaises affaires, j’ai passé mon enfance dans une cité-dortoir pour ouvriers de chez Renault, comme il en fleurissait tant à l’époque. C’était le gaullisme, les 30 glorieuses… Ambiance populaire, républicaine et saine, la banlieue idéale...

À la 6e, mon père, sans argent, mais qui n’avait pas oublié ses origines, a tenu à me sortir de la communale de banlieue pour que je me frotte au grand monde. Je me suis donc retrouvé du jour au lendemain à Stan, collège catholique de renom, dans un univers que je ne connaissais pas, entre le marquis de Saluces et l’abbé Béguin… Je faisais tous les jours Meudon-la-Forêt, Montparnasse à vélo ! Le choc fut rude mais instructif.

Je suis donc un atypique, fils de bourgeois déclassé, ayant passé son enfance au milieu des communistes dans une cité-dortoir, mais allant au collège à Stanislas, soliste soprane à la chorale, qui chante à Notre Dame devant le cardinal Marty !

A l’adolescence, mon père ruiné quitte Paris, je me retrouve donc adolescent à Grenoble au début des années 70, ville pilote d’extrême gauche, où je fais l’apprentissage de la culture psychédélique, dominante chez les jeunes en rupture de ban de l’époque : musique pop, communautés, drogues…

À mes 18 ans, mon père fuit la justice en quittant la France, et je monte à Paris où je vis seul dans la plus complète marginalité, vivant de chantiers de déco, de brocante… Dur mais formateur apprentissage de la survie. Nous sommes en 76, c’est le mouvement punk, mouvement de révolte à la fois anti-bourgeois et anti-baba cool dans lequel je me retrouve complètement. Me voilà donc jeune adulte précaire, à la personnalité formée par mes origines et mon vécu : moyen bourgeois sans un sou, attaché à la culture et aux livres de par mon origine de classe, mais révolté et attiré par tout ce qui est contestataire et critique, de par mon vécu de déclassé. Dans un monde culturel entièrement sous contrôle de la gauche, je trouve mes repères dans une culture d’ultra-gauche, à la fois très anti-droite mais aussi très anti-gauche molle : ni Giscard ni Mitterrand… Plutôt de sensibilité « autonome », comme la plupart des marginaux que je croise dans les squats et autres lieux alternatifs qui me permettent de survivre et d’échapper au salariat.

Un constante dans cette sensibilité : sans que je sache bien pourquoi, j’ai toujours été un fervent patriote. Patriotisme qui s’ajoute chez moi à ma passion pour le sport. Sport qui est le dernier endroit où il est permis de vibrer pour la nation, l’équipe nationale, sans être suspecté d’être d’extrême droite (sujet à méditer).

Mon virage vers le communisme et le PCF sera dû à deux facteurs : un, ma rencontre avec le monde, répugnant pour moi, de l’entreprise du tertiaire quand je m’essaierai, toujours pour survivre, au journalisme et à la publicité. Deux, ma découverte du mensonge trotskiste : monde de bourgeois, le plus souvent cosmopolites, ayant la haine du populo français et n’aspirant qu’à prendre la place de la bourgeoisie de droite catholique pour exercer le pouvoir à sa place, via l’idéologie du métissage et la psychanalyse, là où celle-ci régnait par l’enracinement et le catholicisme.

Je précise que, dès cette époque, je préfère encore un facho à un gauchiste – terme synonyme de trotskiste pour qui connaît bien ce milieu – et que ce que je reproche au facho, que je croise en allant draguer l’étudiante en droit du côté de la fac d’Assas, ce n’est pas sa radicalité révolutionnaire, mais le fait que son origine bourgeoise le poussera inéluctablement à rallier l’UDF ou l’UMP une fois son diplôme en poche, comme les Madelin et autres Devedjian…

Mon entrée au PCF, qui comme son nom l’indique est le Parti Communiste FRANÇAIS, en pleine époque néo-libérale reagano-tatchérienne, est donc motivée à la fois par ma solidarité avec le travailleur français contre la bourgeoisie exploiteuse - d’ailleurs beaucoup moins patriote que le prolo de base -, mais aussi par haine du trotsko-gauchiste, qu’il soit LCR ou rallié au PS et à sa « culture de gouvernement ». Haine que le trotskiste me rend bien, lui qui me traite de « stalinien » (viendra ensuite après le reniement complet de Libé, le terme facho de gauche !). Pour vous faire ressentir l’ambiance, je crée d’ailleurs, fin 80, un « collectif des travailleurs des médias », nommé « cellule Ramon Mercader » dont le symbole est deux piolets croisés ! Avec ce collectif, qui publie le petit bulletin « La lettre écarlate », nous faisons campagne, moi et mes camarades, pour le « non » à Maastricht… Une campagne pour le non où PCF et FN se retrouvent dans le même camp…

Mon éloignement du PCF, au milieu des années quatre-vingt-dix, sera lui aussi motivé par deux facteurs. L’un de fond. Nous assistons à la déliquescence d’un parti marxiste qui, en pleine époque néo-libérale où l’anti-libéralisme de parti est plus que jamais justifié, a renoncé à tous ses fondamentaux, allant jusqu’à coopter l’idiote arriviste et pseudo féministe Clémentine Autain. Un PCF qui choisit de sacrifier sa base pour sauver l’appareil et qui ne sera plus, à partir de cette époque, qu’une roue de secours du Parti socialiste contre accords aux élections locales, pour sauver quelques privilèges : groupe parlementaire, mairies… Une dégringolade dans la honte et le déshonneur dont le nadir sera la fête Prada place du colonel Fabien et l’engagement du décono-mondain Frédéric Beigbeder pour la présidentielle de 2002. L’autre facteur sera plus accidentel : ce sera la publication, en 93 je crois, par Jean-Paul Cruse, membre avec moi du « collectif des travailleurs des médias », du texte « Vers un Front national » dans L’Idiot International (que nous contrôlions à l’époque via notre collectif). Texte qui, tout en faisant référence au Front national du Comité National de la Résistance - qui réussit pendant la guerre à faire l’union sacrée des gaullistes et des communistes contre l’ennemi commun - lançait ouvertement l’idée d’un rapprochement du PCF avec cet autre parti du peuple, qui prenait lui-même un tournant très anti-maastrichtien, le Front national de Jean-Marie Le Pen… Un retour du PCF à ses origines populaires, plutôt que de devenir chaque jour un peu plus le valet des libéraux du PS. Ce texte nous valut la mise au ban du Parti, le lâchage de Jean-Edern Hallier - pas très courageux sur ce coup-là, paix à sa mémoire ! Et d’être étiquetés « rouge-bruns » par Libération, Le Monde et le Canard Enchaîné, trois canards sociaux-démocrates trop contents de se débarrasser de virulents critiques de gauche montrant du doigt leur droitisation (la vraie, celle de l’argent).

Au milieu des années 90, je me retrouve donc dans la nature, affublé de l’étiquette « rouge-brun », toujours patriote, toujours marxiste, toujours anti-trotskiste… avec pour seule satisfaction politique de me réjouir en douce de la montée de Le Pen, puisque nous avions pronostiqué que cette évolution du PCF lui vaudrait la désertion de son électorat populaire vers le mouvement frontiste, ce qui ne manqua pas d’arriver ; ce qui est parfaitement justifié et moral ! Le PCF de Marie-Georges Buffet, affublé de Clémentine Autain et autres tartes molles, ne pèse plus aujourd’hui que 3 % de l’électorat, derrière LO et la LCR, tandis que le FN du Le Pen de Valmy pèse autour de 20 %, soit les pourcentages exactement inverses de ceux des années 70…

Je passe sur l’épisode de mon mariage, de mon repli sur la ville de Bayonne où je mûris mes idées, continue le travail de prospective et de synthèse en vivotant du journalisme sous pseudo au magazine 20 ans, avec petit passage par le cinéma et même le RMI… Autant d’expériences souvent pénibles mais formatrices.

Mon retour à la politique, début 2000, se fera encore par deux voies. Un, l’irruption du nouveau Chevènement, très national-républicain, qui rompt ouvertement avec un PS, lui mûr pour le blairisme. Deux, la sortie en 2002 de mon pamphlet Jusqu’ou va-t-on descendre ? qui fait le bilan de trente ans de trahison de tous les fondamentaux de gauche et où je prends ouvertement le parti du national-populisme contre le libéralisme libertaire. Livre prophétique qui connaîtra un grand retentissement, et un appréciable succès de librairie pour mes finances en berne, puisqu’il coïncidera avec l’électrochoc du 21 avril, et la présence au deuxième tour de l’élection présidentielle du candidat national, Jean-Marie Le Pen.

C’est lors de cette élection à deux tours que se produira non pas ma conversion, mais mon passage logique du PCF au FN, puisque ce passage du PCF au FN correspond, comme cette allocution a pour but de le démontrer, à une constante dans les convictions et les engagements qui ont toujours été les miens, à savoir : la défense, par tous les moyens, du peuple de France, des braves gens et des petites gens qui le portent à bout de bras… D’abord désireux de voter Chevènement au premier tour, je réalise assez vite que Chevènement n’a ni les épaules ni la liberté nécessaires pour aller au bout de ses convictions et qu’il rabattra pour Jospin au second tour. (Intuition confirmée ces derniers temps par son ralliement à Ségolène pour dix places aux législatives). Pour la première fois, je décide de voter Le Pen, et j’appelle mes anciens camarades communistes, qui n’ont pas renoncé à leurs convictions anti-système, à pratiquer comme moi ce « vote révolutionnaire ». Les résultats du premier tour me donnent raison et me redonnent espoir ; un espoir vite recouvert par le dégoût que m’inspire la campagne totalitaire de l’entre-deux-tours, campagne ignominieuse qui achève de me persuader que nous ne sommes plus en démocratie, et que le fascisme n’est décidément plus dans le camp qu’on croit ! Après avoir voté Le Pen au premier tour, par stratégie révolutionnaire, je vote donc aussi Le Pen au second par esprit de résistance… Ce qui fait de moi, le communiste qui n’avait jamais voté aux élections présidentielles par cohérence révolutionnaire, un type qui n’aura voté que deux fois aux présidentielles dans sa vie citoyenne, et deux fois pour Jean-Marie Le Pen !

Ces élections passées, qui marquent un virage dans l’histoire politique française, je repars écrire. Plusieurs livres sortiront entre 2002 et 2006 que vous connaissez ou que je vous invite à lire : Socrate à Saint-Tropez, Misères du désir, Vers la Féminisation ?, Chute !... Livres qui parlent beaucoup de la destruction de la France par le communautarisme et le libéralisme.

En 2005, je vote bien sûr contre la ratification de la constitution européenne au référendum après avoir pronostiqué la victoire du Non à 56 %. Là encore, le FN et le PCF sont ensemble dans le camp qui s’oppose au libre-échangisme intégral et à ses destructions… Il me paraît clair que, depuis la ratification du traité de Maastricht, l’ennemi est le capitalisme financier mondialiste, dont l’Europe est le cheval de Troie. Il me paraît tout aussi clair que le peuple de France l’a majoritairement compris. Il me paraît clairement aussi que le seul homme politique qui peut combattre ce système ne peut être qu’un nationaliste, indépendant du monde de la finance, de la politique institutionnelle et des médias, et que ce seul homme politique au côté duquel il faut combattre est, aujourd’hui en France, quel que soit son passé et le mien, Jean-Marie Le Pen.

Ayant l’habitude, en bon léniniste, de toujours allier théorie et pratique, et ayant souvent la chance, dans ma vie, de rencontrer les bonnes personnes au bon moment, je suis mis en relation directe avec Le Pen lors d’un dîner informel, alors que je guerroie, au côté du comique antisioniste Dieudonné, contre un certain communautarisme très actif et persécuteur… Du coup, certains prétendront même que ce serait moi qui aurais fait se rencontrer les deux hommes ! Pour revenir à ma rencontre avec Le Pen, je suis immédiatement séduit par le bonhomme, son humanité, sa drôlerie… traits de caractères qu’il me semble, nous avons en commun et, après quelques échanges, je décide de rallier son comité de campagne où je côtoie sa fille Marine et Olivier Martinelli.

La suite vous la connaissez, ce sera le discours de Valmy, mon coming out dans les médias afin de montrer à ceux qui pensaient m’outer, pour me faire tort, que j’assume ; et ma situation amusante - et coûteuse (c’est ça le luxe) - de seul écrivain et intellectuel de renom ayant rallié la campagne du candidat Le Pen, quand tant d’autres intellectuels, réputés de gauche, ont rejoint, soit Ségolène, soit, plus étrange encore, un certain Nicolas Sarkozy, libre-échangiste et atlantiste américain, sans doute pour des questions inavouées de politique étrangère !

Je terminerai cette allocution en vous parlant d’avenir, en vous annonçant notamment la création de l’association Égalité & Réconciliation, dont je prends la présidence. Association « nationaliste de gauche » prônant la réconciliation nationale, et se donnant pour but – ce but qui est le mien depuis quinze ans : créer l’union sacrée de la gauche patriote et de la droite anti-financière, afin d’atteindre le pourcentage électoral qui permettra au peuple de France de reprendre le pouvoir par les urnes et le contrôle de son destin.

Je vous remercie d’avoir écouté cette brève allocution qui retrace, dans ses grandes lignes, le parcours d’un intellectuel français du communisme au nationalisme sans nullement se renier, et j’attends vos questions…

Alain SORAL Allocution prononcée à Vénissieux le vendredi 2 mars 2007

 
 

Livres de Alain Soral (111)